Voilà, une fois de plus! Les dictionnaires n’expliquent bien que les mots qu'on connaît déjà.
C'était incroyable de découvrir comme l'univers devenait intéressant sitôt qu'on voyageait avec monsieur Ibrahim. Comme j'étais crispé sur mon volant et que je me concentrais sur la route, il me décrivait les paysages, le ciel, les nuages, les villages, les habitants. Le babil de monsieur Ibrahim, cette voix fragile comme du papier à cigarettes, ce piment d'accent, ces images, ces exclamations, ces étonnements auxquels succédaient les plus diaboliques roublardises, c'est cela, pour moi, le chemin qui mène de Paris à Istanbul. L'Europe, je ne l'ai pas vue, je l'ai entendue.
- Lorsqu'on veut apprendre quelque chose, on ne prend pas un livre. On parle avec quelqu'un. Je ne crois pas aux livres.
- Je ne suis pas arabe, Momo, je suis musulman.
- Alors pourquoi on dit que vous êtes l'Arabe de la rue, si vous êtes pas arabe?
- Arabe, Momo, ça veut dire « ouvert de huit heures du matin jusqu’à minuit et même le dimanche » dans l’épicerie.
— Monsieur Ibrahim, est-ce que vous trouvez que je
suis beau ?
— Tu es très beau, Momo.
— Non, c’est pas ce que je veux dire. Est-ce que vous
croyez que je serai assez beau pour plaire aux filles… sans
payer ?
— Dans quelques années, ce seront elles qui paieront
pour toi !
— Pourtant… pour le moment… le marché est calme…
— Évidemment, Momo, tu as vu comme tu t’y
prends ? Tu les fixes en ayant l’air de dire : « Vous avez
vu comme je suis beau. » Alors, forcément, elles rigolent.
Il faut que tu les regardes en ayant l’air de dire : « Je n’ai jamais vu plus belle que vous. »
"La lenteur, c'est ça le secret du bonheur."
- Regarde, Momo, la Seine adore les ponts, c'est comme une femme qui raffole des bracelets.
"Ton amour pour elle, il est à toi. Il t'appartient. Même si elle le refuse, elle ne peut rien y changer. Elle n'en profite pas, c'est tout. Ce que tu donnes, Momo, c'est à toi pour toujours ; ce que tu gardes, c'est perdu à jamais!
- C'est fou, monsieur Ibrahim, comme les vitrines de riches sont pauvres. Y a rien là-dedans.
- C'est ça, le luxe, Momo, rien dans la vitrine, rien dans le magasin, tout dans le prix.
J’avais imaginé monsieur Ibrahim assis sur la pointe d’un croissant d’or et volant dans un ciel étoilé.