Et c'est drôle comme on oublie vite les drames qui ne se passent pas à l'intérieur de soi, alors qu'il est si difficile d'échapper à soi et à ses propres complaintes.
[...] ils ne seront pas le premier couple à s'aimer et à ne pas pouvoir être heureux.
Il lui faudra vingt-huit années et elle finira par comprendre qu'il n'y a pas une réponse, ce qui l'aurait rassurée, mais une multitude de fautes et de malchances qui s'opposent, se contredisent, s'additionnent, qui font que la vie avance comme elle peut.
Personne ne peut savoir ce que vit l'autre, même la personne que l'on aime, celle ou celui que l'on pense si proche, il y a tellement de couches, celle qui est visible et celle qui ne l'est pas, ce qu'on dit et qu'on ne pense pas, ce que l'on ne dit pas et que l'on pense.
Ce qui nous lie, Juifs et Noirs, honey. La même peur. Celle de mourir en raison de ce que nous sommes.
Esther ne sait pas encore que le passé nous entrave, que ceux qu'on a laissés derrière soi, morts ou vivants, nous surveillent, que rien ne commence ni se termine vraiment.
– Je suis une amie de Frederick Armitage, le prof de la NYU.
– Je vois le genre, ça c’est bien un Noir pour les Blancs. Je parie qu’il doit parler doucement et passer sa vie chez le coiffeur pour que pas une boucle ne dépasse. Vous aimeriez choisir vos interlocuteurs noirs, des hommes et des femmes qui vous ressemblent, parlent comme vous, ont les mêmes habitudes, les mêmes façons de s’habiller, de se coiffer, de ne pas parler trop fort, de définir les combats et la façon de combattre ! Eh bien, voyez-vous, je ne suis pas d’accord.
Le savoir de Frederick, ce qui le rassure et le tient - qu'un mot puisse passer d'une âme à l'autre, que ce mot ait été écrit il y a un siècle ou aujourd'hui - , est inutile. Les paroles sont inassimilables, elles se répètent dans le vide. Chacun reste dans son camp avec l'histoire qui l'arrange. La douleur de l'autre est étrangère.
Esther et Frederick en sont aux débuts, un jeu sans conséquence, chacun pensant pouvoir maîtriser ce qui va se passer. Frederick est marié, Esther doit retourner dans dix semaines en France. Ils croient l'un et l'autre qu'ils peuvent choisir.
Pourquoi les mères de famille de l'Upper East Side sont elles aussi maigres? C'est un cliché bien sur mais il est comme chacun il ne peut s'empecher de se rassurer, de reconnaitre l'autre dans une image fixe et faussement réelle, la mère de famille blonde et mince de l'Upper East Side .