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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Sur les conseils de son médecin, Versluis, un bourgeois hollandais vient soigner sa maladie des poumons aux confins de l'Afrique, à Bloemfontein, en Afrique du Sud. Il est censé tirer profit de l'air sec du "veld". Il s'installe d'abord à l'hôtel avant de trouver refuge dans la pension de Mme van der Vliet. Son univers se réduit à la communauté hollandaise et allemande de la petite ville. Il fréquente d'abord les Hirsch, une famille tonitruante, pour qui ce nouvel arrivant constitue un palliatif à leurs habitudes de colons. Mais Versluis ne tarde pas à se lasser de leurs conversations mondaines, le pays et l'approche de la mort réclament pour lui plus de calme et de paix. Ainsi, il se rapproche du pasteur Scheffler et sa famille qui lui apprennent peu à peu à apprivoiser le vide de cet étrange pays.

"Il aurait aimé trouver les mots afin d'évoquer pour eux l'éclat blanc de cette chaleur de l'après-midi. Il aurait aimé trouver des mots pour décrire l'aspect désolé du veld qui entourait la ville, et les sensations d'inquiétude et de joie qu'il éveillait en lui. Mais les mots existaient-ils ? Possédait-il le langage nécessaire à de tels récits ?" p. 78

Jour après jour, visite après visite, il tombe sous le charme du bonheur calme de cette famille et son univers s'éclaire en découvrant d'autres moeurs.

"C'était ainsi que vivaient les gens, se dit-il - ils s'asseyaient ensemble dans la clarté des lampes pour boire du café, ils jouaient de la musique ensemble, ils parlaient ensemble, et ils n'avaient pas besoin de beaucoup de mots parce qu'ils connaissaient les mêmes choses et qu'ils partageaient un vaste espace commun de référence. Plus tard, dans le ville obscure et moribonde où il souhaita bonne nuit à Mme van der Vliet avant de se retirer dans sa chambre, dans la nuit profonde où les animaux nocturnes hurlaient et où les aboiements des chiens se répondaient, il se rappellerait que d'autres gens vivaient leur vie, regardaient la pendule, écoutaient un instant pour vérifier s'ils entendaient un bébé pleurer, avant de se retourner en souriant vers leurs compagnons." p. 226

Le pasteur et sa soeur ont vécu au coeur du pays, au plus près des locaux et leur regard sur la colonisation est très opposé à ceux des hollandais et allemands de la communauté :

"Parfois, je pense que nous avons échoué. (...) Nous avons apporté la civilisation ici ; nos maisons et nos églises ; nos meubles, nos livres et nos modes d'Europe : nous avons apporté ici sans qu'on nous le demande et nous l'avons entassé comme si l'Afrique était une sorte de tas d'ordures, et nous sommes venus vivre ici selon les modèles que nous ou nos parents avons apportés d'ailleurs. Nous vivons de souvenirs et nous nous entourons de fantômes, et quant à l'Afrique elle-même, nous ne la voyons que de loin, deriière les rideaux en dentelle que nous avons accrochés devant les fenêtres de nos salons. (...) Quant aux Noirs que ne leur avons-nous pas fait ? Nous leur avons fait des cadeaux douteux, les maisons et les églises européennes, l'argent, l'alcool et des maladies qui leur étaient totalement inconnues.D'un côté nous avons essayé de les élever, comme nous disons, sans qu'ils nous l'aient jamais demandé, et de l'autre nous les repoussons chaue fois qu'ils s'approchent trop et que nous nous sentons menacés. Qu'avons-nous fait de ce pays ? Et de quel droit ?" p. 248

Cette "histoire d'une âme en quête du dépouillement absolu" résonne dans nos âmes émues bien après la dernière page tournée... Elle nous parle philosophiquement de la mort non pas comme une fin, mais davantage comme une paix de l'âme et du corps. Les paysages désolés du veld s'accordent parfaitement avec l'esprit en délition de Versluis. L'étrange pays n'est-il pas l'aboutissement d'une vie que le vide envahit ?


"Ne plus faire qu'un avec cette terre, comme les dieux et les esprits dans d'autres pays, et dans le même temps lui permettre de ne plus faire qu'un avec soi, dans l'obscurité parmi les pierres, les racines et le gravier." p.254

Aux confins du monde et de sa vie, Versluis rencontrera peut-être enfin la plénitude de l'humanité...
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Mourir à la Fontaine aux Fleurs (Bloemfontein)


le Sud-africain Karel Schoeman m'enchante toujours depuis que je l'ai découvert avec "Retour au pays bien-aimé" et "La saison des adieux".

Versluis,Hollandais grave, solitaire et malade vient d'arriver à Bloemfontein, modeste cité d'Afrique du sud au bien joli nom. En fait il cherche une ultime étape pour son départ. Accueilli dans les communautés hollandaises et germaniques, soigné ainsi loin de sa rare famille car Versluis est un homme sans postérité dont on ignorera toujours le prénom comme si Schoeman souhaitait une intimité protégée doublée d'une certaine austérité dans nos rapports avec son personnage, cet homme va devenir en quelque sorte le témoin de cette vie du bout du monde en un pays neuf. Pays neuf mais où les scléroses d'une micro-société éloignée sont déjà bien présentes. Ceci nous vaut des pages que je trouve d'une totale noirceur, tellement bien évoquées par Karel Schoeman que l'émotion nous gagne alors que tout nous éloigne de ces austères presbytériens et de ces fonctionnaires compassés et dévots.

Versluis à Bloemfontein ne débarque ni au Cap ni à Johannesburg, déjà métropoles en devenir en cette fin de XIXème Siècle. Petite ville administrative Bloemfontein regroupe à quelques encablures du veld, cette âpre lande d'extrême sud, de poussière ou de boue selon la saison, quelques mariages, quelques bals, quelques pique-niques entre gens du même monde. Mais ces gens là ne s'ouvrent pas vraiment, important en Afrique leur rigueur batave. Ainsi Versluis trouvera plus malade que lui, enfin plus avancé sur le chemin bien que plus jeune, Gelmers, un compatriote pour qui il se prend d'inimitié,réciproque. A l'aube de la mort Versluis, commis pas hasard ultime infirmier, saura-t-il tirer profit de la douleur de l'autre, pour entrer en paix dans le royaume d'après?

Un pasteur allemand dévoué mais sceptique, une logeuse accaparante, une jeune femme infirme mais au coeur libre, et quelques pas dans le veld, à ce moment de la vie où tout est, de toute façon, à nouveau autorisé, accompagneront Versluis, venu là pour soigner ses poumons, et qui aura peut-être trouvé, rien n'est moins sûr, la paix de l'âme, in extremis, au bout du monde. Ce monde si fragile qu'il faille passer ainsi d'une vie à l'autre pour en éprouver les fragrances crépusculaires. Versluis l'étranger au pays est enfin arrivé et marche un peu parmi les chétives herbes pierreuses. Karel Schoeman ne nous laisse pas indemne mais toute littérature digne de ce nom n'est-elle pas dans ce cas? On dort un peu moins bien, probablement, après avoir lu "En étrange pays". Mais la nuit doit être plus palpable.
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Le roman de Karel Schoeman se situe à la fin du XIXème siècle en Afrique du Sud. J'ai eu envie de relire ce roman en apprenant la mort de l'auteur
Versluis, un bourgeois hollandais arrive à Bloemfontein après un voyage harassant, il vient soigner une tuberculose déjà bien avancée.
Les débuts sont difficiles, épuisé par le voyage et la chaleur, il retrouve un peu d'allant et prend pension chez Mme van der Vliet, une femme dévouée, efficace mais intrusive.
Tout une société gravite autour de lui, outre sa logeuse, la famille Hirsch qui respire la vitalité mais à la présence un brin insistante et le pasteur Scheffler.
Petit à petit Versluis va élargir sa vision, il découvre la petite ville
« quelques rues autour d'une place de marché, avec la tour blanche du bâtiment du gouvernement et les cheminées et les toits, couleur argent des maisons parmi les eucalyptus, les saules et les arbres fruitiers. »
Pour lui commence une vie sans heurts, une vie tranquille, comme amortie
« Versluis pensait qu'il avait trouvé en Afrique le même genre de vie que celle qu'il avait abandonné en Europe. C'en était en tout cas une assez bonne imitation aux confins de la terre. »
On sait peu de chose de Versluis et K Schoeman semble le tenir à distance, nous ne saurons jamais son prénom par exemple.
Il se mêle à la vie locale tout en gardant une certaine réserve, il est invité aux mariages, aux pique-niques et aux soirées poétiques où il doit payer de sa personne en lisant quelques poèmes.
C'est avec le pasteur et sa soeur infirme qu'il a les discussions les plus satisfaisantes. Versluis le libre penseur et impressionne le pasteur par sa connaissance du latin
« j'ai toujours trouvé que Virgile était une grande consolation (...) Mon Virgile et mon Montaigne ne me quittent jamais, pour que je puisse les lire en voyage ou la nuit quand je ne dors pas. »
Le pasteur lui aussi aime les livres et a une bibliothèque qui exigea des efforts
« cette petite malle avec Goethe et Schiller et Shakespeare que j'ai transportée pendant tout le voyage en bateau et en chariot à boeufs »
Il doute et se sent seul, il exprime des regrets car il ne lui est plus possible

« d'avoir des amis parmi les Noirs, ce pays avait déjà commencé à s'interposer entre nous avec ses décrets arbitraires »
C'est l'ultime étape pour Verluis, il le sait, bientôt il sera temps de
« ne plus faire qu'un avec soi, dans l'obscurité parmi les pierres, les racines et le gravier »
Contre toute attente il tente d'apporter de l'aide à un compatriote, Mr Gelmers, venu terminer sa vie en Afrique.
L'auteur livre sa réflexion sur la mort
« accepter l'idée qu'on va mourir, cela implique une lutte, parfois même une lutte qui dure toute la vie »
Un rythme du récit rendu lent par l'accablement provoqué par la chaleur intense. On devine à travers beaucoup de petites touches le devenir dramatique de ce pays.
La quête de Versluis est celle de tout être humain, quête de dépouillement illustrée par le veld infini
L'écriture est somptueuse, délicate, et trouve nécessairement un écho chez le lecteur



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Certains choisissent la Montagne Magique, Versluis a choisi Bloemfontein, cette ville perdue au milieu du veld - cette terre sans fin, aride, lumineuse et poussiéreuse, fascinante et hostile, réputée salutaire pour les poumons malades. C'est un bourgeois compassé, plein de conventions et de certitudes, pris dans son carcan de célibataire taciturne et hautain. Quoique libre penseur dans un milieu fortement religieux, il s'habitue peu à peu à la communauté européenne.

Il fuit les festivités frivoles au profit d'une relation curieusement intense avec un jeune pasteur et sa soeur infirme, frémissants de passion, ardents d'humanité, écartelés entre deux cultures, courant désespérément vers un accomplissement inaccessible, qui partagent avec lui leurs questionnements existentiels d'exilés.

Au coeur de ces trois solitudes, la mort, dont, entre gens bien élevés, on détourne pudiquement le regard, plane, discrète mais inéluctable. Versluis meurt seul, comme il a vécu, mais il meurt sans angoisse ni regret, ayant appris le sens du vide dans ce paysage étranger.

Cet enfermement, enrichi de couleurs, de lumières, de bruits et de silence, est un âpre écrin pour des solitudes misérables qui prennent "conscience de l'aspect inachevé de [leur] existence", chacun emprisonné dans un exil différent. le lecteur se laisse peu à peu envahir par une chape austère, qui l'empêche de lâcher une histoire pathétique et sombre, qui avance à petits pas, pleine de silences, de non-dits et d'envolées fulgurantes, dont il pressent la fin.
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C'est un très beau roman très touchant sur un homme qui peu à peu apprend à accepter sa mort comme inéluctable et proche.
Il passe de la résignation à l' acceptation, plus son état s'aggrave et plus il savoure chaque instant, découvrant et apprenant à connaître avec une curiosité simple et presque toujours désintéressée cet étrange pays si éloigné de la Hollande dans laquelle il avait jusqu' alors vécu, côtoyant quelques uns des habitants, un jeune pasteur, sa logeuse, des médecins, un couple de commerçant, la tenancière d' un hôtel, de futurs mariés…
Si de nombreux personnages se croisent notre homme demeure bien solitaire avec en compagnon fidèle sa maladie.
Une lecture intense en émotion.
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J'ai eu un peu de mal au départ à cause du rythme très lent mais peu à peu je me suis laissée prendre : l'histoire est très mince finalement, c'est celle d'un Hollandais, Verluis, atteint de tuberculose, qui a décidé sur les conseils de son médecin qui lui a vanté les bienfaits du climat de l'Afrique du Sud de faire ce long voyage.

Le roman s'ouvre sur son arrivée, dans les années 1850, à Bloemfontein, capitale de l'Etat libre d'Orange (un petit état au coeur de l'Afrique du Sud, où une importante communauté blanche, essentiellement germanique, mais aussi hollandaise et un peu britannique s'était installée). Il arrive d'abord dans un hôtel puis dans une sorte de pension de famille dirigée par l'autoritaire Mme van de Vliet. Cet homme assez rigide et froid au départ découvre cet « étrange pays », en particulier le « veld », ces immenses étendues vides et fascinantes, mais aussi la mort qui l'attend. le lecteur suit ce personnage, ses rencontres avec les autres membres de la communauté, la famille Hirsh, brouillonne, généreuse et pleine de vitalité ou le pasteur Shaeffler et sa soeur, dont l'humanité et la bonté irradient le roman.

Finalement c'est à la quête tâtonnante du sens de la vie que l'on assiste à travers les nombreux monologues intérieurs de Verluis, l'ouverture vers une autre dimension que la stricte routine d'une vie rangée, la découverte d'un pays radicalement étranger. L'écriture est ample, profonde et puissante. J'ai même du mal à en parler tant j'ai trouvé ce roman, poignant et fort, peut-être parce qu'il est centré sur l'essentiel.

J'ai corné le roman de la bibliothèque (je sais c'est pas bien…) à une dizaine d'endroits ! Difficile de choisir… hors contexte les citations perdent souvent de leur sens. de plus – et c'est ce qui me gêne un peu – c'est une traduction à partir d'une autre traduction anglaise.
Lien : https://dautresviesquelamien..
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