Sa maison est si difficile d'accès que personne ne vient jamais pour le week-end, les gens restent toujours au moins une semaine. Le premier soir, ils parlent d'art, le deuxième de leur boulot et de leur vie sexuelle, le troisième de leur peur de mourir, et le reste de la semaine ils se bourrent la gueule tellement ils sont gênés de s'être mis à poil.
Bientôt, vivre dans l'instant et se trouver là où on a envie avec qui on a envie sera tout ce qui restera.
Elle était à une putain de fête donnée à cause d’un enterrement, le deuxième de l’année après celui de Vincent en juin, et elle n’avait ni envie de penser à Vincent, ni envie de penser au fait que maintenant, à son âge, elle ne connaît plus que des gens qui sont seuls ou qui s’infligent des histoires aberrantes pour ne pas l’être.
La beauté est faite pour les gens qui ont le temps de l'absorber.
p142
Elle ne se sent pas seule ,ici, et elle ne l'est pas. Elle est entourée de tous les génies imaginables à chaque seconde. Il lui suffit de mettre n'importe quel disque, de plonger dans n'importe quel film, d'ouvrir n'importe quel livre. Elles parlent à des fantômes en permanence.
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Quand on se sent seule au milieu des autres, autant l’être pour de bon.
Margot qui vaporise la laque de sa grand-mère dans son salon, quand elle lui manque, pour faire venir son fantôme.
Ceux qui sont seuls sont faits pour l'être, visiblement. Ils n'ont pas droit au même confort mental que les autres, à la même facilité, la même simplicité.
Il n’y a que les jeunes artistes qui démarrent qui sont motivés pour mettre en ligne un tas de choses, saisir tout ce qui peut ressembler à une opportunité. Les autres sont perdus, ou sur pause, ou se sentent comme des reliques. Avoir un compte sur un réseau social sans être beaucoup liké, c’est comme la cage de l’animal au fond du zoo devant laquelle personne ne s’arrête. C’est la même violence que de jouer devant une salle vide, excepté que ce n’est pas uniquement en tournée, c’est tous les jours à chaque seconde. Les artistes ne sont pas uniquement suivis par des gens qui s’intéressent à ce qu’ils font, la majorité des followers est là par mode ou voyeurisme. Si ce qu’on poste ne les touche pas, ils zappent ou se désabonnent, pas intéressés de voir ce qu’on aime ou ce qui nous influence et pourquoi. C’est pour ça qu’elle a arrêté de poster, aussi bien sur Instagram que sur Twitter. L’internet a tout détruit. La haine, la jalousie, le mépris, la mauvaise foi, les critiques d’amateur qui se transforment en procès, tout ça a bousillé le moral d’absolument tous les artistes qu’elle connaît qui à un moment ou à un autre ont eu un compte ici ou là. Et plus il y a de gens sans talent ou d’influenceurs qui deviennent des stars, plus l’aura des stars véritables décline, et même si les mômes sont excités d’aller voir Rihanna ou Beyonce qu’elle a pu l’être a n’importe quel concert dans les années quatre-vingt-dix, qu’il n’y ait plus d’estime pour les artistes est un désastre. ( p163,164)
Un tas de gens se retrouvent dans des histoires improbables parce qu’ils rencontrent l’autre a un moment particulier, un moment à part qui rapproche, ils se connectent autour d’un sujet, se réconfortent ou s’encouragent et ne se quittent plus, et il y a un milliard de choses qu’ils n’ont pas en commun mais ils ne s’en rendront compte qu’après, une fois qu’ils auront emménagé sous le même toit et que ce sera trop tard pour se séparer parce qu’ils se seront déjà attachés. Et parfois c’est mieux que rien. Non pas de se tromper mais de se sentir habité par quelque chose. Mais Maintenant elle s’est fait une raison, il n’y a problème pas d’autres artistes qui vivent ici et seuls avec le même espoir qu’elle de rencontrer quelqu’un, sinon ils sortiraient de chez eux et elle tomberait dessus. Et encore moins des filles. Qu’est ce qu’elle s’imaginait, qu’elle allait en croiser,une comme elle qui voudrait la même chose et qui se baladerait au même endroit au même moment? Elle à toujours pensé qu’elle avait envie d’être avec quelqu’un qui lui ressemble , mais en fait non. Elle ne croit plus à cette complicité-là. Deux artistes ensemble, ce n’est rien de plus qu’une lutte de pouvoir pour avoir la possibilité d’exister, ou plutôt l’espace pour continuer à exister tel qu’on était avant la rencontre, au lieu d’avoir,à se plier à ce que l’autre voudrait qu’on soit. Qu’est-ce qu’elle aimerait, la, si elle pouvait choisir. Quelqu’un de Cinglé qui lui mette la tête à l’envers, ou quelqu’un d’équilibré avec qui avoir des conversations nourrissantes devant la cheminée ? Putain, non, ni l’un ni l’autre, elle veut juste la paix. ( page 143, 144)