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Citations sur Lettres d'une vie (8)

À Georges-Daniel de Monfreid, 8 juin 1915.
Et j'acquiers ainsi, parmi les décombres et la tuerie, le droit de me prononcer ensuite pour ou contre ; ou mieux encore, à n'y plus jamais penser ensuite, comme on se détourne en souriant d'un spectacle borné, grossier. D'autres choses, encore, seront à dire.
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À Jules et Pauline Hébert, Tientsin, 14 décembre 1911. Sur la révolution chinoise et la fin de la dynastie mandchoue.
Je vous disais, l'autre jour, mes sympathies mandchoues, parce que dynastiques. Je reconnais, en effet, que parfois les empires croulent, et que c'est même là souvent le plus beau moment de leur histoire. J'accepterais volontiers la chute de celui-ci si elle était retentissante, ou bien si l'usurpateur avait quelque chose du grand air des conquérants. Mais je hais les rebelles pour leurs attitudes apprises, leur humanitarisme, leurs lavures de vaisselles protestantes ; et surtout parce qu'ils contribuent à diminuer la différence entre la Chine et nous ; or vous savez que l'exotisme seul m'inquiète. Cela vaut bien quelques efforts.
p. 275
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À Saint-Pol-Roux, Tahiti, 6 août 1904.
Je désire deux années en France, en Escadre du Nord, après quoi je serai paré pour l'Extrême-Orient qui m'attire. En ces deux ans, peut-être mon orientation définitive, si tant est que je doive jamais en posséder une, sera peut-être éclaircie. Pour l'instant je suis heureux de vivre, de vouloir et d'agir. Je vous aligne ces mots sans aucun pédantisme, je vous l'assure ; Nietzsche m'entraîne, c'est vrai ; mais comme Formulateur d'états déjà sincèrement ressentis.
p. 117
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À Yvonne Segalen, Singapour 9 janvier 1918.
J'ai trois drames, dix romans, quatre essais, deux théories du monde, une poétique, une exotique, une esthétique, un traité des Au-delà, un répertoire général des choses inconnues, une vingtaine d'ouvrages inclassables, et quatre mille soixante-trois articles de deux cents à deux mille lignes à donner, avant de prendre ma vraie retraite. Après quoi je préparerai une édition entièrement contradictoire de mes oeuvres - afin que l'on puisse choisir.
Sérieusement, c'est ce ce côté-là, Mavone aimée, que je me prépare à vivre. Je tiens à dire ce que j'ai à dire. J'accumule trop de choses en moi, dont les explosions internes se traduisent au-dehors par d'apparentes sautes d'humeur. Le jour où j'en aurai dit le principe, je serai plus égal - et je rirai sans sourire, enfin.
p. 435
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À Paul Claudel, Brest 25 janvier 1915.
[Votre oeuvre] me livre en effet, avec une richesse, une puissance non pareille, tout l'arrière-monde et le poignant mystérieux humain sans quoi je me jetterais au cou de n'importe quelle croyance. Négligeant les dates, les intentions, et ignorant les secrètes préférences, j'en reviens malgré moi à Tête d'Or, à certain début de La Ville, à Connaissance de l'Est, et, dans les plus religieux et fervents de vos livres, à ce qui reste expression d'homme aux prises avec tout ce qui n'est pas lui - peut-être Dieu, et peut-être autre chose... C'est vous dire qu'un des plus fervents spectateurs de vos oeuvres est en même temps l'un des plus hétérodoxes et transfuges amis de votre âme, en marche imperturbable vers un but affirmé. Je suis conduit à cette sorte de blasphème, que l'étonnant pouvoir humain que vous montrez à célébrer le divin, et un certain divin catholique, m'écarte d'autant plus du Dieu qu'il me rapproche de l'homme qui le chante, - dont les mots, pleins de sortilège, me font voir d'autres symboles et un tout autre surnaturel que celui vers lequel il convie de s'avancer avec lui.
p. 365
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À Yvonne Segalen, Péking, 25 juillet 1909 [visite des tombeaux de la dynastie Qing]
Que les Egyptiens éternels aient tout sacrifié de leur génie, de leurs hommes et de leur temps au Temps qu'ils ont honoré ... Mais ici, quel mépris à rebours du Temps lui-même ! Il dévore ? qu'on lui donne à dévorer. Il ruine ? il décatit, il abrège, il tronçonne, il éventre et pourrit ? Qu'on lui donne à détruire. Qu'on nourrisse sa faim : et non pas avec des aliments durs et indigestes ... voici des mets plus apprêtés : des bois odorants ... des tuiles que délitera la pluie, et que la charpente effondrée versera comme des gravats sur le sol. Des charpentages faits pour la chute immense et des joints si précaires que déjà tout bâille et se disloque... Le Temps est repu. - Ici le monument est indurable et léger ... Mais il se réclame d'une autre puissance : le Monument chinois est /mobile/, et ses hordes de pavillons, ses cavaleries de toits fougueux, ses poteaux, ses flammes, tout est prêt au départ, toujours, tout est nomade : Rendons-lui donc son en-allée, sa fuite, son exode, et sa procession éternelle ...
[...]
Un empereur tombe ! qu'un autre lui succède : un palais meurt, qu'on en hausse un second exact et répété. Un jour s'abat, vienne le lendemain promis ... et que, si les êtres passent, leur série coule du moins avec une fuite éternelle et durable en ses retours.

pp. 200-202.
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À Jules de Gaultier, Paris, 28 décembre 1908.
Il se peut que dans mes développements je vous paraisse disciple hérésiarque ou infidèle ; que je m'égare, que je m'embourbe. Je ne puis qu'affirmer ma reconnaissance intellectuelle de vous devoir un tel point de départ. Même si je n'arrive pas, je serai au moins parti, et j'aurai, durant plusieurs années, vécu d'un bel espoir. Celui-là vous est dû tout entier.
p. 171
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À ses parents, Iles Marquises, 5 août 1903.
Comme débuts médicaux, j'ai vacciné 75 enfants, arraché 65 dents, soigné d'ecclésiastiques râteliers. J'ai surtout complété mes notes sur l'archipel, et suis sur la piste de curieux documents. Il vient de mourir, dans une île voisine, un peintre échappé de l'Ecole Symboliste, celle-là même que j'ai défendue dans le Mercure de France. C'est un des disciples de la première heure. Il est venu se retremper aux civilisations primitives ; a produit de très curieux bols sculptés, des tableaux du plus pur Impressionnisme, qui, naturellement, restent lettre morte aux bons négociants et épiciers du pays. Il me plaît de dépouiller pieusement ses manuscrits, de recueillir sur ses derniers jours des impressions que je vais envoyer à ses amis de Paris qui me sauront gré d'avoir un peu représenté, si loin, une Ecole qui m'est de plus en plus sympathique. Il s'appelait Paul Gauguin.
p. 98
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