Peut-être que c'est parce que j'ai lu
Toni Morrison avant, mais je ne vais pas rejoindre le choeur de louanges. J'ai trouvé que le roman de
Jean-Luc Seigle manquait d'ampleur, que l'auteur n'arrivait pas bien à se lâcher - une écriture un peu trop appliquée, trop prudente, pas de jaillissement, d'inattendu, une route un peu trop droite. (On se tape même pour finir un cours magistral bien lourd et bien peu romanesque)
Bon d'accord, un roman sur le désir de mort, il ne faut pas s'attendre à ce que ce soit vibrionnant de vie et de belle énergie.
Ça commençait bien pourtant, avec
Prévert cité au seuil du livre:
« Un ouvrier c'est comme un vieux pneu,
Quand y'en a un qui crève,
On l'entend même pas crever »
Mais
Jean-Luc Seigle est beaucoup plus comme-il-faut que
Prévert, pas de dérapages contrôlés dans cette histoire d'un ouvrier de Michelin ; Albert à vrai dire n'a plus envie d'avancer avec ce monde qui a appuyé lourdement sur la pédale d'accélérateur et change à toute allure, au début des années 60, où la télé s'introduit dans les maisons, où le Formica chasse la table en bois, où l'on prend un virage brutal vers une société de consommation qui pourrait bien nous projeter dans le mur au bout de sa course folle.
L'ennui aussi c'est que les personnages féminins de
Jean-Luc Seigle ne m'ont vraiment pas touchée. La femme d'Albert, Suzanne, voue un culte à la modernité, à l'électroménager… Et aussi à son apparence, mise en pli, maquillage, talons aiguilles et robes copiées sur ses héroïnes de Nous Deux. Et puis, franchement, une femme qui n'a éprouvé, nous dit-on, de jouissance que lors de son accouchement, ça me laisse un peu dubitative.
Quant à la soeur d'Albert, Liliane, l'auteur semble penser que ce qui est embêtant chez elle, c'est qu'elle a des opinions politiques, alors qu'elle est si charmante quand elle se cantonne à être une bonne fille, ha là la grâce l'habite quand elle s'en tient à exprimer son affection dans le cercle familial.
D'accord, je suis sans doute sévère, le thème du livre est intéressant, il y a des passages qui ne manquent pas de justesse, mais je dois bien avouer que cette lecture est loin de m'avoir passionnée.