Ces gens-là, les artistes, sont plus sensibles et donc plus fragiles que les autres. On a l'impression que la vie peut les briser.
Ce que je cherche dans les êtres c'est la vérité pour créer des sculptures vivantes et non des oeuvres artificielles et mortes.
Voilà donc ce que faisait un sculpteur : il captait les mouvements de la vie et les figeait dans la terre !
Le corps humain est le miroir de l'âme... or c'est de l'âme que vient la beauté.
La beauté est partout. Il suffit de la voir.
"- La valse, chuchota Rodin, comme en lui-même. Quelle rare beauté ! Elle et lui nus dans un tourbillon d'étoffes, prêts à s'envoler. Et pourtant leurs pieds ne quittent pas le sol. Mais ils volent, ils volent. Plus rien n'existe au monde que la danse et eux deux.
- On dirait qu'ils vont tomber, mais ils tiennent bon. Ils sont soudés l'un à l'autre...la musique les porte, soupira Debussy.
- Rien ne pourra les séparer.
- Ils sont l'esprit de la danse.
- Ensemble éternellement, dans l'étreinte comme dans la chute. "
Elles avaient le sentiment de pénétrer dans un monde à la fois romantique et dangereux. Rodin avait-il vraiment le pouvoir de rendre fou d'amour ? La passion amoureuse était-elle donc à ce point destructrice ?
Un jour où, de passage en France, il était allé lui rendre visite dans son atelier, il avait été effarée de la découvrir si changée. Grossie, les yeux cernés, et si effroyablement crasseuse, elle vociférait contre le monde entier. Même sa voix était autre. Elle était devenue métallique.
Il n’avait pas reconnu sa Camille tant aimée sous les traits épaissis de cette clocharde. Mais il était tombé en arrêt de vent la beauté de ses sculptures. Comme si toute l’humanité de sa soeur s’était concentrée dans ses créatures de plâtre ou de marbre.
Il avait écrit un article pour célébrer son talent. Mais la femme de chair, sa soeur, non vraiment, il ne souhaitait plus la voir. La fuite et l’oubli étaient préférables à la vision de sa déchéance.
Oublier Camille. Oui, il fallait l’oublier. Ne plus même évoquer son nom.