Citations sur Megumi et le Fantôme (11)
- Sais-tu, Megumi, que tu as des racines dans ce pays ?
Megumi ouvrit de grands yeux ronds.
- Des racines ? Tu veux dire des ancêtres ? En Irlande ?
Mme Fujita acquiesça d’un petit mouvement de tête.
- Eh oui ! accroche-toi bien : mon arrière-arrière-grand-père... c’est-à-dire ton arrière-arrière-arrière-grand-père était irlandais.
- Héééé ! mais comment c’est possible ?
- C’était un écrivain, passionné par le Japon.
Il s’y est installé, s’est marié à une Japonaise, et y a passé toute la fin de sa vie.
Megumi n’en revenait pas.
Elle se frotta les yeux : était-elle en train de rêver toute cette scène ? Elle avança d'un pas et à cet instant, il se forma devant ses yeux un tourbillon de poussière et de particules en suspension, qui finirent par dessiner une silhouette humaine. A l'intérieur de celle-ci brillait une lumière orangée, intense et pure, qui vacillait à la manière d'une flamme de bougie.
"Dans l'encadrement de la porte, là où il n'y aurait dû se trouver que du vide, se tenait un être vêtu de haillons ; en guise de visage, la face creuse d'un squelette qui faisait claquer son horrible mâchoire."
- Soyez prudentes, quand même. En Irlande, les fantômes, on vit avec. Mais ce n'est pas pour autant qu'on ne s'en méfie pas.
- On vit avec au Japon aussi, répondit Megumi. Nous, on les appelle les yôkai.
- Alors, on ne doit pas être si différents... Bonne promenade.
Et puis, elle sentit monter en elle un drôle de sentiment. Pourquoi cette créature lui voudrait-elle forcement du mal ? C'est vrai, c'était un être terrifiant. Mais après tout, un fantôme, ce n'est jamais que l'esprit de quelqu'un qui a vécu parmi les hommes. Pourquoi s'en méfier, au fond ? Et puis, s'il avait voulu lui faire du mal, il ne perdrait pas tout ce temps.
On pense que les fantômes n'ont pas de sentiments, mais c'est faux : nous éprouvons la même peine que les vivants, au centuple. Car, finalement, nous ne sommes que ça : des émotions, privées de corps
Peut-être que tu me fais marcher, et peut-être que je t'ai fait marcher aussi. Ce qui compte, ce sont les histoires, au bout du compte.
Megumi, toujours paralysée, ne pouvait guère obtempérer, et préféra se cacher le visage. La peur la dévorait, comme un feu qui consume une allumette.
"et puis, elle sentit monter en elle un drôle de sentiment. Pourquoi cette créature lui voudrait forcément du mal ?"
C'était une jolie fin d'après-midi. Derrière les ombres du printemps été tapi l'été, avec sa chaleur et sa clarté.