Un récit sombre, d'un réalisme inexorable, pour nous conter l'histoire d'une famille et de sa descente aux enfers, de la perte d'emploi, puis de logement jusqu'à la déchéance finale. Je n'ai pas trouvé le moindre lien entre l'histoire et la couverture du livre : dans la première édition française et dans les différentes éditions russes la couverture suggère la campagne, le monde rural, mais là … mystère total ! le style de
Roman Sentchine est agréable, limpide, l'auteur alterne les points de vue des différents protagonistes de manière bien équilibrée. Mais c'est une lecture éprouvante, un peu comme les livres de
Joyce Carol Oates ou comme Betty ou bien Là où chantent les écrevisses, mais sans la moindre note d'espoir, sans happy end ou tout au moins une fin un peu ouverte !
Les Eltychev se retrouvent acculés d'impasse en impasse : le père perd son emploi pour faute grave (la faute en question est assez cocasse) et donc son logement de fonction. La mère, originaire d'un village à une cinquantaine de kilomètres de là, propose d'aller habiter dans l'isba de sa vieille tante. Ce qu'ils font, accompagnés de leur fils aîné adulte. Il n'y a pas beaucoup de place dans cette maison. le cadet les rejoindra plus tard, quand il sortira de prison. Dans la famille Eltychev, il n'y a pas un personnage pour rattraper l'autre, impossible d'éprouver vraiment de l'empathie pour l'un d
eux, c'est tout juste si l'on a envie de plaindre un peu plus les d
eux femmes, la vieille tante ainsi que la mère. Leur retour à la nature est tout sauf une partie de plaisir, impossible de trouver un travail, les hivers sont terribles et surtout l'été, seul moment où il est possible de construire une nouvelle maison, est très court et que c'est aussi le moment de faire toutes sortes de provisions pour l'hiver… Sans compter qu'il n'y a aucune solidarité villageoise. Nous sommes au début des années 2000, une période de transition où les russes ont le droit de bâtir
eux-même leur maison, mais où il n'y a guère de moyens légaux d'acheter les matériaux, où l'on pose des compteurs d'eau et interdit de se brancher sur les bornes fontaines, alors que dans le fin fond de la campagne aucune maison n'a l'eau courante. Des villages comme celui-là il y en a énormément en Russie, même s'il est faux de dire qu'à la campagne c'est toujours comme ça. On peut noter que dans le village aussi tout se dégrade à toute vitesse : accès à la télé, accès à l'eau, club de loisirs, ... le père, contrairement au fils aîné, a des projets mais on a l'impression que chaque espoir n'est là que pour qu'il se prenne une claque, et cela, saison après saison, jusqu'à la fin ! le fils aîné est une vraie tête à claques qui manque totalement de personnalité et de caractère, quand aux autres villageois on n'aimerait pas les croiser en rentrant chez soi le soir. Il faut dire qu'il y a aussi beaucoup d'alcoolisme, et cela accompagne bien sûr la dégringolade des Eltychev. C'est sordide, mais les scènes les plus sordides ne sont que suggérées.
Cet oeuvre est un peu dans l'esprit de la littérature villageoise soviétique des années 70-80, mais sans l'image idéalisée du village (encore que personnellement je n'ai jamais trouvé que cette littérature idéalisait tant que cela la campagne, en tout cas, pour les oeuvres que j'ai lu : La maison de Matriona, Les adi
eux à Matiora, Chronique de Pékachino) Il y a très longtemps que je voulais lire
Les Eltychev qui a eu un grand succès en Russie, et je ne regrette pas de l'avoir lu quasi en même temps que
Dans les forêts de Sibérie de
Sylvain Tesson qui rééquilibre un peu les choses et évite de sombrer dans la dépression.