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3,45

sur 245 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
C'est l'histoire... c'est l'histoire ,sur une photo en noir et blanc, d'un garçon en T-shirt rayé; les mains sur les hanches, qui sourit en regardant l'objectif. La petite fille a 8 ans , et quand elle met les mains sur ses hanches, elle se sent presque invincible. C'est la photo du premier Henri, son oncle , dont le cerveau, qui avait déjà souffert à la naissance, a de nouveau été endommagé par deux encéphalites successives. Il est mort à 33 ans. Une vie pour rien, a dit sa mère qui disait aussi devant l'autre Henri, que ces enfants-là, il ne faudrait pas les laisser vivre.

C'est l'histoire d'un autre Henri, donc, il a neuf ans, la petite fille en a 11. Il est lui aussi handicapé, il va devenir son "frère ".
Le père d'Henri dit: " Les enfants, il faut les casser."Il pense sincèrement qu'on ne peut élever un enfant sans le casser , qu'il n'y a pas d'autre solution. Pas simplement plier, casser. Il faut entendre le craquement de la tige de bois que l'on ferme sur elle-même, à deux mains, d'un coup sec.

"Henri s'est cassé tout seul, quelques heures après sa naissance. C'était un beau bébé dodu de plus de trois kilos. Et tout à coup, un vaisseau s'est rompu dans sa tête.....
Le père d'Henri pense qu'il a cassé son fils et qu'il a bien fait, car ainsi il pourra exercer un métier, se marier et avoir des enfants.
Henri marche, mais ne deviendra jamais professeur de tennis.
Ce matin, le maçon ,qui s'appelle Yacouba et qu'Henri et son père connaissent depuis des années, est venu réparer la palissade. Henri, de mauvaise humeur, a refusé de lui dire bonjour. Son père s'est mis en colère et lui a ordonné de dire bonjour. Henri s'est obstiné dans son refus. Son père l'a obligé à se mettre à genoux dehors, sur le ciment, en lui disant qu'il resterait là, jusqu'à ce qu'il se décide à saluer poliment Yacouba. Henri est resté là une heure, il hurlait, pleurait de rage et refusait de céder. Henri est un petit saligaud de roseau qui plie mais ne rompt pas"

C'est l'histoire d'un autre enfant, prénommé Joseph. Qui tout petit tombe dans des escaliers , ne pleure pas, ne se casse rien. That sure was a buster dit son père.
Dans le monde du spectacle, "a buster", c'est une chute, une chute spectaculaire. Joseph vient de changer de nom, il s'appellera Buster.
C'est l'histoire de Buster Keaton.

De ces histoires parallèles, Florence Seyvos tire un récit( ou un roman, mais ce n'est pas précisé) que j'ai beaucoup aimé. Une écriture très simple , une construction très travaillée, aucun pathos, un regard plein de tendresse sur des personnages un peu décalés..
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Les critiques l'ont présenté comme peut-être le meilleur livre de l'année. Je n'ai pas cherché à faire de classement mais assurément ce livre m'a pris par surprise et la surprise était belle.

Deux destins, trois personnages. La narratrice a hérité d'un frère vers 11 ans parce que sa mère s'est remariée, aujourd'hui elle est à Los Angeles sur les traces de Buster Keaton la vedette du cinéma muet. Au fil des pages un récit en miroir se fait.
Henri le frère a un grand corps qui ne tient en équilibre que par moults efforts et harnachements, par des exercices permanents et épuisants. Comme sa tête a aussi des ratés il a appris par coeur des réponses automatiques en série ce qui donne des échanges tout à fait surprenants, comme cette réaction à la mort du père qui fait dire à Henri « Eh bien, je n'aimerais pas être à sa place. »
Et Buster Keaton l'élégant qui se prend les pieds dans le tapis, Buster que son père a doté d'une poignée dans le dos pour faire un numéro sur scène, il est devenu l'enfant projectile, l'enfant aux multiples fractures capable de résister à tout.
Une constante pour ces deux hommes : pas un cri, pas une plainte, Buster, devenu récalcitrant à la douleur, enchaine les cascades et se vautre sans arrêt pour la grande joie du public, et Henri contre vent et marée tente de mener une vie normale, de travailler, et même d'aller au cinéma. Je vous recommande la scène pathétique où Henri laisse la file avancer sans lui...
Ils sont des marginaux dans un monde à part où il est difficile de les rejoindre. Des hommes résignés mais qui sont capables de se révolter pas toujours pour leur bien.

Le milieu du cinéma Florence Seyvos le connait bien, scénariste de plusieurs films dont le très bon « Camille redouble », son portrait de Buster Keaton est saisissant et celui qu'elle porte sur Henri plein d'amour.
Un roman épatant sans chichis, sans effets, dont le ton plein de gravité et d'empathie nous donne envie de faire la connaissance d'Henri et de Buster « L'Homme qui ne rit jamais »

Lien : http://asautsetagambades.hau..
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Ils sont dociles mais insoumis.
Ils plient mais ne rompent pas.
Ils sont incassables.

Henri est un petit garçon cabossé, élevé à la trique par un père inflexible, désireux de lui faire acquérir le maximum d'autonomie, en dépit du handicap. Rigueur des soins de rééducation, maitrise forcée du langage et du maintien, Henri devient un adulte-enfant sous l'oeil bienveillant et directif de sa famille, de la soeur qui l'observe et qui en dresse le journal de vie par des petites scènes tendres, humoristiques, et parfois bien cruelles.

Dans un autre siècle, le petit Joseph est devenu Buster après une chute dans un escalier, avant d'être le Keaton comique des écrans américains. Enfant de la balle, l'apprentissage de la scène burlesque s'apparente à de la maltraitance physique ( il sert de projectile dans le numéro de ses parents), semant les graines de l'artiste incassable qu'il deviendra.

Quel curieux parallèle d'avoir associé deux destins si éloignés!

Buster est le miroir d'Henri, son double solitaire, résultat formaté du à la rigueur d'une éducation envers un enfant "récalcitrant". Il va où on lui dit d'aller, il fait ce qu'on lui dit de faire. La vie d'Henri est aussi burlesque que les films muets de Buster, on en imagine même facilement le masque triste et immobile, l'attitude mécanique.

Un livre touchant, original, aux belles images, comme ces vagues de ruines des maisons bombardées du Havre disparaissant peu à peu avec les marées.

Chose étonnante: je n'ai trouvé sur internet aucune photo de Buster K. souriant. Même le jour de son mariage, son visage reste un masque! Quelle maitrise de l'image pour l'époque...
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Qu'est-ce qui uni Buster Keaton, le célèbre comédien et humoriste, et Henri, un garçon atteint d'une déficience mentale et handicapé physiquement par des membres atrophiés ? A priori, rien. Et pourtant, dans « le garçon incassable », Florence Seyvos tisse des liens ténus entre le destin des deux hommes…

Tous deux ont grandi dans une famille où l'autorité du père était très forte, parfois brutale et intransigeante mais qui les a aidés néanmoins à s'endurcir et à forger leur volonté. L'un a repoussé les limites de son corps jusque dans ses derniers retranchements, bâtissant sa réputation sur ses talents d'acrobate et sa résistance physique incroyable. L'autre s'est endurci dans la douleur, au fil de centaines de séances de rééducation qui lui ont permis d'acquérir une certaine autonomie. Pour chacun, le travail sur le corps se fera au prix d'efforts colossaux.
Tous deux connaîtront également la solitude, l'exclusion et cette impression d'être inadapté au monde qui les entoure. L'un sera bridé dans son entreprise de création, incompris et rejeté jusqu'à sombrer dans l'alcoolisme, tandis que l'autre sera sans cesse materné, traité comme un être différent et mis à l'écart de la société. Chacun devra lutter pour s'imposer et se faire une place dans un monde impitoyable, trop étriqué et c'est ce combat que nous raconte Florence Seyvos à travers ces portraits d'hommes qui plient mais ne rompent pas.

Ce que je pourrais reprocher à ce roman pourtant plein de finesse et de subtilité, c'est ce lien ténu, parfois obscur, qui relie Buster Keaton à Henri et qui n'est pas toujours évident. On glisse de l'un à l'autre sans s'y attendre, sans en comprendre la raison ce qui peut déstabiliser le lecteur et le perdre. Pourtant, chaque portrait pris à part est passionnant et touchant. On se prend d'affection pour cet acteur insolite, ce cascadeur hors pair et pour ce garçon fragile mais porté par l'amour de sa famille. Il y a énormément de tendresse et de douceur dans ce texte délicat et sensible. Difficile de ne pas être touché par la plume enveloppante de l'auteur et par sa dextérité. Néanmoins, il m'a manqué un petit quelque chose pour être complètement envoûtée…
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Difficile de ne pas être happé par ces deux destins hors norme. le garçon incassable, un cadeau, un concentré du meilleur de Florence SEYVOS.
Dans ce document, les existences de Buster Keaton et Henri, son demi-frère de l'auteur, sont racontées en parallèle. On passe de l'une à l'autre histoire sans heurt, on y suivant des êtres différents. Aucun lien direct n'est établi vraiment entre les deux (ce qui n'est pas gênant). Les points qui les relient sont des fils invisibles que l'on perçoit. Dans ce récit vaudevillesque, la gaité côtoie l'inégalité fac à l'handicap. Tout est dans la subtilité, dans ces deux vies où la pudeur cache des blessures.
« Les premiers succès de Buster sonnent le début d'une immense partie de cache-cache qui durera neuf ans, et au cours de laquelle Joe, avec la complicité des directeurs de théâtre, usera des arguments et des subterfuges les plus variés »
« Pour la première fois de sa vie, Henri ira lui aussi à l'école, mais en grande section de maternelle. Il est convenu que François surveillera un peu son nouveau frère pendant les récréations. Mais dès le jour de la rentrée, il s'avère que ce n'est pas d'une surveillance qu'Henri a besoin, c'est d'une protection rapprochée. »
Des êtres à part, qui plient sous les exigences et les conventions imposées par leurs pères, mais qui ne cassent jamais, résistants sous des allures si fragile, tragiques sans être pathétiques, à la fois sans défense, sans malice et sans peur, sans ambition aussi et c'est peut-être ce qui déstabilise le plus et qui les rend aussi attachant.
« Son coeur est maintenant aussi souple qu'un ballon de soie, il se gonfle joyeusement dans sa poitrine, il s'échappe d'elle et s'étend sur la ville entière. Elle aime Buster, et la semaine prochaine, ils seront mariés. »
« A l'automne suivant, Henri entre au CAT. Il rêve de travailler sur une machine, celle qui fait des trous dans des rondelles de métal. »
Florence SEYVOS rend ce témoignage touchant, certes étrange mais émouvant. de cette histoire entremêlée en résulte une leçon d'humanité et un message de tolérance. J'ai été totalement séduite et ce fut un pur plaisir de lecture.
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Qui est ce garçon incassable? La famille de Florence Seyvos a été plusieurs fois confrontée au handicap: un oncle, puis un frère, tous deux prénommés Henri, deux cerveaux endommagés, des "vies pour rien" comme le dit sans scrupule la grand-mère, sèche et mauvaise. À ces deux Henri, l'auteur a ajouté un troisième personnage, Joseph "Buster" Keaton, "Buster", c'est à dire "casse-cou". Son père, "danseur excentrique", découvrit assez vite que Joseph semblait invulnérable et inventa tout un numéro sur ce thème: l'enfant dont on cherche à se débarrasser, qu'on jette violemment (au sens propre, que ce soit dans les coulisses, le public ou la fosse d'orchestre) et qui revient toujours -comme Henri l'handicapé qui chassé comme neveu revient comme petit-fils? Cet acharnement à tenir sa place est la marque de l'enfant incassable, qu'il soit Henri ou Joseph, lui qui fait ce qu'il estime devoir faire, maladroit, inapte et solitaire, toujours au bord de provoquer une catastrophe et réchappant finalement à presque tout, y compris au malheur.
Aussi, pour elle-même, quand elle accouche, Florence Seyvos ne demande pas à avoir un enfant en bonne santé: ce qu'elle espère, c'est un garçon incassable, un enfant appliqué à tracer son chemin et à vivre sa vie en acceptant que parfois les maisons vous tombent dessus (mais si on se tient au bon endroit, on passe à travers la fenêtre ouverte).
Livre subtil et dense, écrit dans une langue parfaite, à la fois familière, précise et poétique, éloigné de tout pathos mais profondément empathique.
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J'ai beaucoup aimé ce livre, d'une belle sensibilité, sans faux semblants ni ornements, à la fois brute et poétique. le récit croisés des vies d'Henri et de Buster Keaton rythme le livre, avec des flashs de la vie de la narratrice par rapport à son frère. Ce livre est intéressant et instructif en divers points, notamment sur le regard de la famille sur un proche handicapé qui a tendance (et c'est bien naturel) à vouloir le surprotéger alors que la personne souhaite (comme tout le monde) avoir sa propre vie et a envie d'indépendance. Les touches biographiques de la vie de Buster Keaton à travers sa filmographie sont éclairantes sur cet artiste emblématique et à la fois mystérieux.

J'ai vraiment beaucoup aimé.
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J'avoue que le parallèle entre Henri et Buster Keaton est un peu exagéré mais le parcours de ces deux personnages, un handicapé et la star du cinéma muet se suit avec intérêt.

Il y a beaucoup de pudeur et de tendresse dans le portrait d'Henri. La narratrice ne cache pas les difficultés à partager le quotidien d'un être différent et sait aussi décrire l'attachement qu'elle éprouve envers ce frère d'adoption.

Quant au portrait de Buster Keaton, il est très instructif et apprend bcp sur l'évolution de l'industrie cinématographique.

Le point commun, c'est peut-être ce décalage des deux personnages, leur vulnérabilité face au monde. Leur chance : la bienveillance et l'amour de leurs proches.

Un texte sensible et pudique à découvrir.


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Incassable, Henri l'est. Aucune douleur ne semble le toucher, sauf peut-être les exercices de rééducation que son père l'oblige à subir pour en faire un garçon "normal", de surcroît professeur de tennis.
Rabroué pour son rire "bête", malmené par d'autres enfants qui ne comprennent pas sa différence, mais protégé par sa soeur et son frère. Henri ne souffre pas du manque d'amour, il ne souffre pas des brimades, tout comme Buster Keaton, considéré comme un objet, comme une chose depuis son plus jeune âge, lancé sur une scène, malmené par son père pour le plus grand bonheur des spectateurs et la renommée de son show.
Et Keaton aime ça, toute sa vie sera consacrée à ses chutes spectaculaires.
Ces deux là sont pareils, ils ne ressentent pas la douleur, ils sont incassables, ils sont résistants, forts et insoumis.
Florence Seyvos ne tombe jamais dans le mélodrame. On ne plaint ni Henri, ni Buster Keaton, on les suit simplement, l'un dans sa vie quotidienne et banale, l'autre dans sa vie mouvementée et accidentée. du grand art !
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La partie sur Buster Keaton m'a beaucoup intéressée, j'ai appris plein de choses et cela m'a donné envie de voir/revoir ses films. L'auteur parle aussi très bien de Henri, le frère par alliance de la narratrice, handicapé. On sent une grande empathie et de l'affection de la part de la narratrice et à travers son regard, on parvient à mieux comprendre Henri, sa façon de voir le monde et ses manies. L'écriture est agréable, ce roman se lit sans effort et avec plaisir.
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