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Citations sur Enfance d'un chaman (28)

La qualité du silence d'un homme présage souvent de la profondeur de sa parole. Et je sais que pour toi le mot est précieux. Tu parles avec parcimonie et seulement à certaines heures. Toujours en dehors de la lumière, de la routine de tes journées.
La certitude qu'à chaque instant tout écoute et donne à tes mots une autre portée. Ce qui explique sûrement ce suspend, chaque fois que tu vas te mettre à parler, cette façon de dresser l'oreille vers les arbres, de veiller à ne jamais couper la parole à la forêt.
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Les hommes ne savent plus écouter le monde, tendre l'oreille après la réalité, pour surprendre cette mélodie discrète, où l'on entend l'âme tinter avec comme une tension de joie.
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Combien existe-t-il de peuples qui osent aujourd'hui s'adresser à une plante à voix haute ? Tu réveilles une mémoire ancienne, ranimes dans la parole ce mélange de prière et de magie, caché dans les ourlets de la langue, à ses zones de lisière. Cette force d'incantation, ce souffle d'inattendus. Ce désir immodéré d'être entendu par les arbres et les pierres. De revenir au monde. De l'honorer.
Le feu éteint, la nuit s'avance, tu chantes encore. La lune à mi-ciel déjà, un vent de nuit s'approche de l'autre côté du fleuve. Je l'entends qui empoigne les arbres, les froisse l'un après l'autre, marche sur les cimiers. Ton chant s'y cogne, s'y éparpille, quand le souffle dégringole jusqu'à nous, chargé du sucrin des fruits de palmes, que les chauves-souris grignotent avec des bruits métalliques, une faim d'ailes battues. Plus loin, une chouette soupire. Puis un buisson clignote sous la raucité du crapaud.
Ainsi tu chantes jusqu'au lever du jour, mélangeant ta parole avec les voix de la forêt … 
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Enfin je te réponds que si tu n'as pas les yeux pour le livre, moi je n'ai pas les yeux pour la forêt. On n'apprend pas dans nos écoles à regarder vraiment le monde, à l'écouter.
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À chaque instant la forêt est épaisse de ce qu’elle s’apprête à dire, ou bien de ce qu’elle tait. Tout parle, sous les mousses, au coude d’un vieil arbre. Même le parfum au ventre de la fleur est un mot prononcé.
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Je suis l’enfant du fleuve,
d’un peuple cent fois mort
mais qui toujours renaît.
Le fils de l’homme à la sarbacane
le grand souffleur d’oiseaux,
le fils de la femme-fleur,
mordue par le serpent.
Je suis l’enfant des ruisseaux
sauvé par la loutre,
Lucero Tanguila,
né le jour du volcan,
le neveu de l’homme-tigre,
qui mord le cou des panthères
et plante les enfants
dans le ventre des femmes
qui lui portent une soupe.
Je suis celui qui s’est dressé
devant le fauve aux yeux luisants.
Celui dont la mort n’a pas voulu,
ce soir,
celui dont la mort ne voudra pas !
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Je ramasse tes mots sous les arbres, Lucero Tanguila : gouttelant ou parcourus par les insectes, traversés de souffles et de cris. Cette forêt infusée dans le verbe, jungle de pleins et de déliés. Paroles de lianes à l’assaut des grands troncs, avec le timbre ombreux du chant enraciné dans la moiteur, germé partout en métaphores jusqu’en ses moindres pourrissements. 
Le bonheur de ces mots vivants plantés en phrases drues, implacables et sonores comme des rideaux de pluie.
J’écris derrière tes traces, Lucero Tanguila, pour promener le livre dans la boue, rendre la page au monde.
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"Et partout cette musique, tendue entre les branches, dans les fils de lumière et dans les gorges d'ombre; cette vibration portée de gueule en gueule, amplifiée aux froissements d'un élytre, d'un cri rauque, d'un roulement dans le cou d'un oiseau. A chaque instant la forêt est épaisse de ce qu'elle s ' apprête à dire, ou bien de ce qu'elle tait. Tout parle sous les mousses au coude d'un vieil arbre. Même le parfum au ventre de la fleur est un mot prononcé."
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Il n’y a pas pour vous de différence entre l’homme, la bête, l’arbre ou le rocher, parce que la vie, vous dites encore « le souffle », est également présente en chacun. Vous êtes tous habités d’une même respiration. Une qualité qui prévaut sur l’apparence, ce voile qui vous recouvre et vous rend si singulier.
Tellement égaux sous le soleil, donc, que vous n’imagineriez jamais qu’il pût y exister le moindre degré entre les vivants. 
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Puis la forêt se tait. Dans l’espace agrandi du silence, une bête rugit. Un feulement grave de grand fauve. Par-delà tes visions, ce dédale d’illusions, de suppositions et de vertiges, tu n’es sûr que d’une seule chose : la bête est bien réelle. Tu sens ses yeux sur toi. Ce regard de tigre, immiscé jusque dans le souffle, ces pupilles qui te respirent, cette langue qui te palpe en même temps qu’elle te voit.

Alors tu fuis, plié en deux, perçant les feuilles. Derrière toi, ce rugissement impatient, presque joyeux : la bête s’est lancée dans la course, elle te remonte au petit trot. La terre lourde te fait déraper, tu es entré dans les vases, une odeur de pourrissements. Cours-tu vers la forêt de palmes d’eau ? Ce tapis de racines dressé sur les étangs, où vivent les crocodiles et les serpents ?

À cette idée tu t’arrêtes, accroupi, sans le souffle. Comment marcher sur cette lagune, en pleine nuit ?
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