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sur 823 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
En pays breton, on dit de quelqu'un qui n'attend pas que le ciel lui tombe tout rôti dans le bec, de quelqu'un qui travaille donc, se montre courageux et ne laisse sa tâche à personne, de quelqu'un aussi qui est débrouillard, vif et prompt à prendre une décision, qu' "il n'a pas les deux pieds dans le même sabot." C'est la définition qui correspond à mon sens au mieux à ce "Chien Jaune" de Simenon, un roman où, même si Maigret pense et cogite toujours autant, l'action domine l'essentiel du récit.

En effet, à l'Hôtel de l'Amiral de Concarneau, où le commissaire Maigret, alors en détachement à Rennes, est dépêché suite à une tentative de meurtre sur la personne d'un honnête notable de la petite ville - a-t-on jamais rencontré d'ailleurs de notable qui ne fût point honnête ? - les actes criminels s'enchaînent avec une précision implacable. Des bouteilles de Pernod et de calvados empoisonnées à la strychnine dès le jour même de l'arrivée de Maigret jusqu'à la mort - toujours par absorption de poison - d'un second notable compagnon de bouteille et de bamboche du premier, en passant par la "disparition" du journaliste local, qui connaît tout le monde et peut-être tout sur tout, et dont on ne retrouve que la voiture avec de nombreuses taches de sang à l'intérieur, tout va à une vitesse singulière et tout à fait inhabituelle pour l'amateur de Maigret : c'est un véritable tourbillon, qu'accompagnent en mesure la pluie et le vent bretons, particulièrement en grande forme dans "Le Chien Jaune". (Et je ne vous dis rien de la boue dans les rues et sur la lande : un vrai régal ! )

L'astuce de Simenon dans ce roman consiste d'une part à ralentir les réflexions du commissaire et, d'autre part, à ne pas donner au lecteur le temps de raisonner. Maigret n'a pas terminé un interrogatoire que, paf ou boum ! il se passe à nouveau autre chose et il doit agir en urgence, entraînant à sa suite un lecteur qui, bien sûr, veut comprendre mais dont les montées d'adrénaline successives handicapent lourdement les facultés de compréhension. le coupable est-il celui-là ? Ou alors cet autre ? A moins que ce ne soit Emma, la fille de salle tellement résignée qu'on peut la soupçonner de toutes les révoltes ? Et qui est ce vagabond énorme, éternellement accompagné d'un chien jaune, qui va et vient tout autour ? Pour le maire, qui est apparenté au ministre de l'Intéreur , pas de doute : ce vagabond est l'assassin, il faut l'arrêter. Maigret, lui, est loin d'en être aussi certain ... Et cet hypocondre de Dr Michoux - qui, d'ailleurs, n'a jamais exercé ? Que cache-t-il de si terrible pour se retrouver tout heureux enfermé dans une cellule parce que, de son propre raisonnement, l'Assassin ne pourra ainsi s'en prendre à lui ? Il y a bien cette histoire comme quoi, bien des années auparavant, une diseuse de bonne aventure lui aurait prédit que la Mort s'avancerait vers lui aux côtés d'un chien jaune mais Maigret a beau être compréhensif - et nous aussi - on n'y croit guère ...

De tous temps, "Le Chien Jaune" a bénéficié d'une excellente presse parmi les amis de Simenon et de Maigret. C'est un roman chaleureux, plein de vie et de notations attachantes, avec un Assassin remarquable tant par son cynisme que par la brutalité avec laquelle il se révèle à tous lorsque le commissaire démêle enfin l'écheveau du mystère. Les victimes, d'abord pâlotes et presque indistinctes dans ce furieux remue-ménage, deviennent de plus en plus attachantes - je parle des vraies victimes, si vous lisez le roman, vous comprendrez la nuance. Seul regret à exprimer : l'assassinat du fameux chien jaune qui a si fidèlement tenu compagnie à son maître - et inquiété tant de mauvaises consciences parmi les notables du coin.

... Pourtant, dans un sens, cette mort était nécessaire : elle achève de conférer au roman sa tonalité intimement tragique. "Le Chien Jaune" ? Un incontournable de Georges Simenon et un livre qui, fidèle à la région où se situe son action (le Finistère) n'a certainement pas les deux pieds dans le même sabot. ;o)
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J'adore l'ambiance d'un roman de Maigret.
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Quelle clarté de la langue, quelle fascination pour le nocturne, les carillons de la vieille horloge résonnant à minuit derrière les remparts de la Ville Close : tout est poésie, tout y est inoubliable ! Vous vient soudain l'envie furieuse de vivre "pour de vrai" l'année 1931 à Concarneau... Vite, re-fonçons à la "Machine à explorer le temps" ! Vivent donc Jules Maigret et les nuages de fumée (de cigarettes et de pipe : en Littérature, ça passe mieux !), sans parler de la buée sur les vitres des cafés d'où l'on regarde tomber la pluie... bref, vive l'écriture immortelle -sensorielle - de Georges Simenon le Grand ! [avec 5 étoiles aussi pour moi, selon Saint-Babelio].

P.S. : pour la (toute) petite histoire, j'ai cité "Le Chien Jaune" comme ouvrage de chevet de Bruno le peintre raté - ceci dès les premières pages de mon petit roman "Grand Large" (véritable succès planétaire, de 2013 à nos jours : déjà 84 lecteurs !!!)
Lien : http://www.regardsfeeriques...
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"Le chien jaune" est le premier des Maigret de la mer, même si le monde de l'eau, de la rivière, a déjà été mis en scène dans "Le charretier la providence".
Le style est très Simenon, sobre avec une formidable puissance évocatrice de vent dans les dunes et de brumes montant du port. La pluie vous fouette le soir et le troquet sent la fine et la chaleur des hommes
Le scénario est également très Simenon: des ratés, trouvant encore plus raté et influençable qu'eux, la lâcheté, la trouille, la petitesse. Un bijou.
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Le chien jaune (1931) - Georges Simenon

Simenon a écrit ceci : "J'ai essayé d'être le plus simple possible, c'est le conseil qui m'a le plus servi dans ma vie. Je dois une fière chandelle à Colette de me l'avoir donné."

Merci Colette, Merci Simenon de l'avoir suivi car c'est ce qui m'a charmée, ce qui a retenu ma lecture et l'a rendue passionnante. Dès la première page, en quelques coups de "plume", sans fioritures inutiles, sans épanchements alourdis, par la seule magie de la suggestion, vous nous transportez dans un Concarneau de 1930, noirci de pluie et de boue, vous nous ouvrez la porte de l'Hôtel de l'Amiral, nos narines reçoivent les odeurs de tabac, d'alcool, de bière, de repas tristes et gras. Nous épions, tapis sans être vus, une frange misérable de la population, les regards sournois de quelques notables dont nous devinons la laideur sous leur dehors de bien-pensants de petite ville de province où chacun se sourit, se déteste, magouille lâchement. Nous suivons Maigret, nous approuvons sa placidité et sa non-méthode qui, en fin de compte, en est une, la sienne. Nous nous réfugions, inquiets, derrière sa silhouette tutélaire, nous ressentons ce qu'il ressent lorsqu'il observe le sordide qui se cache sous les défroques bourgeoises. Nous sommes touchés lorsqu'il s'émeut discrètement face à l'injustice vécue par les plus simples, les âmes pures que l'on salit. Enfin nous approuvons son geste final, quelle humanité chez ce "flic"! J'aime particulièrement ces ambiances à la "Chabrol", bourgeoisie de province, ombres furtives dans les rues, pluie qui tombe à verse, regards qui fuient, atmosphère étrange... Rien que de l'écrire, le frisson me gagne. J'aime, mais de loin, seulement de loin...

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