C'était chaque fois la même chose. Il avait dû soupirer en se couchant : - Demain, je fais la grasse matinée. Et Mme Maigret l'avait pris au mot, comme si les années ne lui avaient rien enseigné, comme si elle ne savait pas qu'il ne fallait attacher aucune importance aux phrases qu'il lançait de la sorte. Elle aurait pu dormir tard, elle aussi. Elle n'avait aucune raison pour se lever de bonne heure.
Vous avez gardé l’argent parce que, toute votre vie, vous avez eu envie d’en posséder, non pas pour le dépenser, mais pour vous sentir riche, à l’abri du besoin.
— Cela me regarde.
Elle est de ces femmes qui surveillent les pesées et tirent l’argent pièce à pièce du fond de leur porte-monnaie, avec un regard soupçonneux, comme si tout le monde essayait de les tromper.
- Le père Noël n'a pas été fâché quand il a vu que tu le regardais ?
- Non monsieur, il était occupé à faire un trou dans le plancher pour aller voir le petit garçon du second.
- Il ne t'a rien dit ?
- Je crois qu'il a souri. Je ne suis pas sûre à cause de sa barbe. Il ne faisait pas très clair. Je suis certaine qu'il a mis un doigt sur sa bouche, pour que je n'appelle pas les grandes personnes n'ont pas le droit de le rencontrer. Est ce que vous l'avez déjà rencontré ?
- Il y a très longtemps.
- Quand vous étiez petit ?
Il entendit des pas dans le corridor. La porte s'ouvrit. C'était Mme Martin, en tailleur gris, un filet de provision à la main, un petit chapeau beige sur la tête. Elle avait visiblement froid.
Maigret s'arrêta encore chez la concierge, où il faisait tellement sombre qu'il fallait garder la lampe allumée toute la journée, et il était près de midi quand il traversa le boulevard, tandis que tous les rideaux bougeaient aux fenêtres de la maison qu'il quittait. A sa fenêtre aussi, le rideau bougeait. C'était Mme Maigret, qui le guettait pour savoir si elle pouvait mettre son poulet au feu. Il lui adressa, d'en bas, un petit signe de la main, et faillit bien tirer la langue pour attraper un de ces glaçons minuscules qui flottaient dans l'air et dont il se rappelait encore le goût fade.
[Georges SIMENON, "Un Noël de Maigret", chaptre 2, Presses de la Cité, 1951 - p. 48 de l'édition "Le Livre de Poche" (2007)]
Les gens qui achètent des bagages au dernier moment sont parfois des gens qui préfèrent qu’on ne parle pas de leurs allées et venues.
— Il ne t’a rien dit ?
— Je crois qu’il a souri. Je ne suis pas sûre, à cause de sa barbe. Il ne faisait pas très clair. Je suis certaine qu’il a mis un doigt sur sa bouche, pour que je n’appelle pas, parce que les grandes personnes n’ont pas le droit de le rencontrer. Est-ce que vous l’avez déjà rencontré vous ?
— Il y a très longtemps.
— Quand vous étiez petit ?
les gens ont tendance à se souvenir avec plus de netteté des événements qui se déroulent un jour différent des autres.
La porte était refermée quand Mme Maigret pénétra dans la salle à manger.
— Il ne peut pas aller voir sa fille les mains vides un jour de Noël.
— Mais…
Une vraie enfant trouve toujours l’occasion de rire. Il suffit qu’elle se sente en confiance, qu’on lui laisse des pensées de son âge