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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Israël Joshua Singer est un vrai romancier moderne.

Un qui trouve sa structure dans le désordre, son exaltation dans le hasard,son inspiration dans la nécessité, ses dénouements dans l'inaccompli, sa morale dans le non-dit, ou même dans l'indicible.

De Fer et d'Acier est une fresque haletante où, comme dans la vie, les rencontres font et défont les destins, où rien ne "s'arrange" parce que tout, tout le temps, se dérange, et où les amitiés, les amours, les guerres, les réalisations humaines jalonnent à l'aveuglette un parcours chaotique - comme ces stèles, dressées en désordre dans un cimetière ashkénaze , évoquent le chaos et la souffrance du shtetl encore vivant.

Temps et lieu sont déjà tout un programme: la Pologne, de fin 1915 à avril 1917.

L'armée russe en déroute perd ses soldats enrôlés de force : Allemands, Polonais et Juifs de Pologne -dire juif polonais relevant de l'oxymore - désertent à qui mieux mieux, à mesure que s'avance l'armée allemande, encore victorieuse..Dans l'indescriptible désordre de la période, la Pologne détestant aussi cordialement le second envahisseur que le premier, on a tôt fait de se fondre dans la nature...

C'est le sort de Benyomen Lerner, grand escogriffe juif, peu religieux, tenté par les idées socialistes, forte tête et cœur sensible - un curieux mélange d'orgueil et de crainte.

Il trouve d'abord refuge dans la famille d'un oncle tyrannique et caractériel, qu'il quitte sur un coup de tête, pour s'enrôler dans un chantier de reconstruction de pont, dirigé de main de fer par les Allemands, tout de cuir vêtus, qui mènent la vie rude aux autochtones.

Il fait peu à peu sa place dans ce camp où la discipline repose sur deux choses: la brutalité teutonne et la division irréductible entre les trois groupes ethniques: Russes, Polonais et Juifs.

Mais Lerner a du charisme et de l'orgueil: il fédère ces groupes immémorialement divisés, et devient, avec un Polonais de souche, un des leaders de la révolte- celle des "esclaves" du Pont de Praga. La révolte est réprimée, les leaders fuient et se cachent. la misère est telle à ce moment- la révolution russe commence à faire entendre ses grondements lointains- que Lerner croit sa dernière heure arrivée. Une improbable rencontre avec un millionnaire juif rouge va redistribuer les cartes.

Pour un temps...

Je ne vous raconte pas toutes les péripéties, je ne vous parle pas non plus des amours tenaces et contrariées de Lerner pour sa belle cousine Gnendel..

Le tourbillon de l'histoire, le souffle des idées nouvelles et des haines anciennes emporte sans la moindre pause, ce récit chaleureux et terrible, plein d'un athéisme généreux et d'un humanisme sceptique...

Des silhouettes, un moment, nous retiennent: celle de ce jeune hassid au caftan déguenillé et aux yeux doux qui supplie Lerner de lui dire pourquoi tout le monde le déteste - rencontre cruelle qui m'a particulièrement bouleversée- celle de ce médecin russe, médecin malgré lui et humaniste incompris- un juste perdu dans un monde de brutes, celle d'Aaron le millionnaire, dont le zèle éclairé et autoritaire entend donner aux miséreux du shtetl l'hygiène, l'éducation et le travail- y compris malgré eux!!!-, celle de Gnendel, la douce qui dit non, celle de Tèmè, la vieille qui dit oui avec une obscénité magnifique...mais toutes sont balayées par le vent de la révolution et de la guerre qui les emporte, les broie ou les sépare comme des fétus de paille...

La vie et l'expérience tiennent lieu de morale: "Continue de travailler, mais pas par pitié, par devoir" dit Lerner à Gnendel qui désespère d'éduquer ou de responsabiliser un peu les Juifs misérables dont elle s'occupe. "Quand la pitié aura disparu, le dégoût aussi disparaîtra. C'est aussi comme ça que je fais"

"Il faut cultiver son jardin", disait déjà Candide. I.J.Singer reprend et modernise cette règle de vie pragmatique et désenchantée.

Moins de pitié, moins d'empathie, plus d'efficacité, plus de satisfaction.

Une morale terriblement moderne. Et modernement terrible.

Israël Joshua Singer est aussi un philosophe moderne.
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VARSOVIE : début de la première guerre mondiale. La Pologne est alors partagée entre l'Autriche, la Prusse et l'Empire Russe. le récit commence alors que Benyomen Lerner, enrôlé dans l'armée russe et de retour momentané du front décide de déserter. Il se réfugie chez son oncle et sa tante qui l'ont élevé, mais bientôt, malgré l'amour qu'il partage avec sa cousine Gnendel, la cohabitation se révèle impossible et il doit se trouver une autre cache. En Août 1915 l'armée allemande envahit la ville et Benyomen est employé à la reconstruction du pont que l'armée russe a fait sauter pour couvrir sa retraite. Là, les hommes sont traités pire que des esclaves, pratiquement comme des animaux. Les sévices, les humiliations ne viennent pas seulement des militaires allemands : les ouvriers aussi s'insultent se battent, se volent entre eux.

"Lerner le soldat, le combattant, lui qui sur tous les fronts, dans les tranchées, avait toujours su défendre son territoire, ici, dans l'immense baraquement sombre, il n'arrivait pas à se débrouiller. C'était la première fois qu'il se trouvait en telle compagnie et il ne savait pas comment faire son trou, trouver sa place dans cette grande baraque sombre au sol recouvert de paille pourrie. La baraque était surpeuplée. L'air saturé d'odeurs de pieds, de linge souillé et de ronflements."

Il va alors s'enfuir après avoir contribué à déclencher une mutinerie et se retrouvera employé en tant qu'intendant d'un propriétaire terrien juif qui a entrepris de faire reconstruire son domaine par les réfugiés.

Le récit se termine alors que la révolution de 1917, à laquelle Benyomen va participer, éclate en Russie. On assiste donc à ses prémices. L'armée russe est vaincue, le peuple souffre, la misère règne. Dans DE FER et D'ACIER, I.J SINGER décrit avec beaucoup de détails et de réalisme l'ambiance qui règne à Varsovie et dans les campagnes avoisinantes à cette époque. Les réfugiés juifs sont chassés de villages en villages et terminent leur errance dans les rues de la capitale, en haillons, à moitié morts de faim, victimes de toutes les épidémies. Les ouvriers sont exploités, à peine payés, quelquefois maltraités jusqu'à la mort Pendant ce temps ceux qui ont su préserver leur argent et leurs possessions intriguent pour les faire fructifier. L'ami d'hier était russe, il est vaincu : peu importe celui d'aujourd'hui sera allemand : tous les moyens sont bons. le déserteur Benyomen Lerner va essayer de tracer son chemin et trouver son destin dans cette jungle.

Un récit fort qui m'a beaucoup intéressée surtout par son côté historique et d'autant plus qu'on sait que l'auteur vivait à Varsovie durant cette période.
Lien : http://lecturesdebrigt.canal..
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