Quand on parle des bas-fonds, c’est pour désigner la partie de la société qu’on ne voit jamais. C’est dans ce monde que vivent les exclus, les individus sans repères. Et c’est là que prospèrent les monstres comme Roger Ling et Ignacio Ortiz. C’est là qu’ils trouvent leurs proies. Grâce à la drogue. À la vénalité. À la misère. Au désespoir. Une fois qu’ils ont pigé comment exploiter ces gens, ils n’ont plus jamais regardé en arrière.
Mais d'un autre côté, même si tout le monde aime fricoter un peu avec les garçons à cet âge, c'est comme je l'ai dit à Evelyn : une femme peut courir plus vite avec ses jupes relevées qu'un homme avec son pantalon baissé.
Si je chassais mes demons,je perdrais aussi mes anges.
Son mariage n’avait pas été parfait, mais tout de même sacrément réussi. Elle avait aimé son mari plus que la vie. Le perdre avait failli la tuer.
« Les basanés n’aiment pas se salir les mains.
— Sauf quand ils sont vraiment dans la merde.
— Vous pensez qu’elle est mêlée à cette histoire ?
— Je pense que c’est une vieille chouette sournoise qui ne vous jetterait même pas un seau d’eau si vous étiez en train de brûler vif. »
À partir de la puberté, Sara avait vécu en monogame obstinée. Son premier petit ami était un béguin de lycée, qu’elle avait fréquenté jusqu’à sa première année d’université. Lui avait succédé un étudiant de la fac de médecine. Puis elle avait rencontré Jeffrey et ne s’était intéressée à aucun autre homme. À part une désastreuse aventure d’une nuit trois ans plus tôt, il n’y avait eu personne depuis. Pour autant qu’elle s’en souvînt, un seul homme avait allumé en elle une petite étincelle, mais il était marié. Pire : c’était un flic marié.
« Dans les premières années, les Texicanos faisaient les gros titres presque tous les jours, parfois dans les éditions du matin et du soir. Les fusillades dans les rues, la marijuana, l’héroïne, le racket, les casses, la prostitution. Leur spécialité, c’était de mutiler les enfants. Quand ils avaient une dent contre quelqu’un, ce n’était pas à lui qu’ils s’en prenaient. Ils s’attaquaient à son fils, à sa fille, à son neveu, à sa nièce. Ils lui balafraient le visage au couteau : une coupure horizontale sur le front et une autre, verticale, le long du nez jusqu’au menton. »
La compagnie d’un homme lui manquait. La tournure d’esprit des hommes lui manquait, ainsi que les paroles étonnamment douces qu’il leur arrivait de prononcer parfois. Leur peau rugueuse lui manquait. Et le reste. Malheureusement, la dernière fois où elle avait roulé des yeux à cause d’un homme, c’était sous l’effet de l’ennui, non du plaisir.
« J’ai beaucoup de respect pour les flics. Et d’ailleurs pour tous les gens qui servent la collectivité. Comme les soldats. »