L’érotisme habillait tout. Il masquait la platitude, la vanité des choses. Il donnait du relief à ses après-midi de lycéenne, aux goûters d’anniversaire et même aux réunions de famille, où il se trouve toujours un vieil oncle pour vous reluquer les seins. Cette quête abolissait toutes les règles, tous les codes. Elle rendait impossible les amitiés, les ambitions, les emplois du temps.
Elle comprit très vite que le désir n’avait pas d’importance. Elle n’avait pas envie des hommes qu’elle approchait. Ce n’était pas à la chair qu’elle aspirait, mais à la situation. Être prise. Observer le masque des hommes qui jouissent. Se remplir. Goûter une salive. Mimer l’orgasme épileptique, la jouissance lascive, le plaisir animal.
À une veuve, on pardonne beaucoup de choses. Le chagrin est une excuse extraordinaire. Elle pourrait, tout le reste de sa vie, multiplier les erreurs et les conquêtes, et l’on dirait d’elle : « La mort de son mari l’a brisée. Elle n’arrive pas à s’en remettre. »
Un enfant unique, c’est trop triste. Quand je vois le bonheur que c’est d’avoir un frère ou une sœur, je ne pourrais jamais en priver mes enfants.
Elle ne sait pas ce qui fait plaisir à Richard. Ce qui lui fait du bien. Elle ne l’a jamais su. Leurs étreintes ignorent toute subtilité. Les années n’ont pas amené plus de complicité, elles n’ont pas émoussé la pudeur. Les gestes sont précis, mécaniques. Droit au but. Elle n’ose pas prendre son temps. Elle n’ose pas demander. Comme si la frustration risquait d’être si violente qu’elle pourrait l’étrangler.
Pour appartenir au monde et se protéger de toute différence avec les autres. En devenant épouse et mère, elle s’est nimbée d’une aura de respectabilité que personne ne peut lui enlever. Elle s’est construit un refuge pour les soirs d’angoisse et un repli confortable pour les jours de débauche.
L’amour est là, elle n’en doute pas. Un amour mal dégrossi, victime du quotidien. Un amour qui n’a pas de temps pour lui-même.
Tout ce qui lui importe, c’est la liberté que le métier de journaliste lui apporte. Elle gagne mal sa vie mais elle voyage. Elle peut disparaître, inventer des rendez-vous secrets, ne pas avoir à se justifier.
Adèle est une femme gâtée et son mari est fier de penser qu’elle est très indépendante. Elle trouve que ce n’est pas assez. Que cette vie est petite, minable, sans aucune envergure. Leur argent a l’odeur du travail, de la sueur et des longues nuits passées à l’hôpital. Il a le goût des reproches et de la mauvaise humeur. Il ne lui autorise ni oisiveté ni décadence.
Être comédien, c’est savoir lâcher prise.