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sur 1994 notes
Les hommes peuvent croire qu'elle est leste et facile. Les femmes peuvent la penser prédatrice, les plus indulgentes dirent qu'elle est fragile, une chose est sûre, ils ont tous tort.

Adèle s'est mariée et a fait un enfant avec Richard pour avoir une respectabilité et un refuge après les moments sensuels, les instants de transgression, la débauche. Mais qu'est-ce qui pousse une journaliste jolie, mère d'un petit garçon, mariée à un médecin qui l'aime et lui fait confiance à l'addiction sexuelle ? Adèle ne sait pas, si ce n'est sa mère mal aimante, jalouse et indiscrète. Depuis son adolescence, la source d'un mal être, compensé par l'érotisme qui donne du relief à sa vie, mais accentue sa paranoïa et la pousse dans une fuite en avant mortifère.

Leila Slimani, que le sujet difficile de la nymphomanie n'a pas rebuté, raconte avec une indéniable finesse une vie gâchée par des pulsions, un désir insatiable, avec l'inévitable détresse de ne pouvoir y mettre fin. Dans ce premier roman porteur d'une grande tristesse, elle montre la solitude extrême, inextinguible et irrémédiable que crée l'addiction. Une maladie honteuse, prenant ses racines dans l'enfance, impliquant le besoin d'exister à travers le désir des autres, de combler un vide en se remplissant de n'importe quel homme, une malédiction qui confisque l'essentiel bonheur d'aimer et de s'aimer.
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C'est un corps qui souffre.
C'est une vie vidée de sa sève que seuls les hommes peuvent remplir.
C'est une vie sans exaltation.
Entre un homme qui ne voit aucun plaisir dans l'acte charnel et une femme qui ne survit pour que cet acte.
Parce que cette femme se sent belle et déteste l'idée que sa beauté soit inutile, que sa gaieté ne serve à rien. Alors il faut que sa beauté plaise, excite et remplisse les étreintes.
Vie débridée obsédée par le besoin d'être désirée, malmenée, chahutée.
A dix ans, elle n'était qu'une petite fille que sa mère promenait aux alentours du moulin rouge, près des travestis, des prostituées, des drogués, ça ressemblait à un cirque aussi glauque qu'érotique. Une scène, une image suffisent à parasiter l'enfance vers un monde obscène.
Le mari ne voit rien.
La femme a peur d'être démasquée.

Un couple assis sur des coussins confortables.
Un couple absent l'un à l'autre.
Le mensonge flotte dans l'air.
Une odeur macabre s'infiltre.

Du sexe pour se remplir de ce qu'on a jamais reçu. du sexe pour exister. du sexe pour ne pas mourir.

Dans le jardin de l'ogre, il y a surtout Adèle, une femme en souffrance. Dans le jardin de l'ogre, il faut toucher ce qu'une femme a de plus précieux, son intimité. Une intimité porteuse de chagrin, de frustration et celle-ci se transforme en saccage intime. Dans le jardin de l'ogre, on ne revient pas indemne...
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Adèle est malade...
Adèle est sexuellement compulsive. Sa vie est un désir insatiable de corps, une pulsion impossible à contenir, une détresse à ne pouvoir y mettre fin. Ses infidélités sont légions, avec ce besoin irrationnel d'amants de passage qui entraine mensonges et dissimulation, crainte du sida ou d'une grossesse involontaire. Son corps est un tyran insatisfait, en dépit de sa maigreur, de son tabagisme et sa honte.
C'est une bien curieuse personne qu'Adèle, femme froide et secrète, entre dépression et névroses, incapable de se satisfaire de sa vie de bourgeoise assez gâtée entre mari aimant et enfant.
Quand Richard découvre la vérité, cette duplicité le laisse anéanti: "sa femme est un imposteur absolument magnifique".

Il faut bien dire que j'ai fait la fine bouche pendant le premier tiers, incapable de trouver de l'intérêt à cette histoire de névrose sexuelle. Peu à peu la pathologie de la nymphomanie apparait, avec cette narration factuelle, glaçante, sans affect, aux mots crus mais jamais provocateurs. Leïla Slimani ne tombe pas dans le piège de la vulgarité ou de la moralisation. Elle décrit une addiction mortifère, incontrôlable et désespérante. Son écriture est fluide et directe, aérée de chapitres courts donnant rythme et nervosité au récit. On peut s'étonner du choix osé que choisit cette jeune marocaine pour un premier roman.

J'ai peu aimé le thème mais reconnait un vrai talent d'écriture et une curiosité littéraire.
Livre audacieux pour un portrait de femme pas tout à fait parfaite.
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« Son sexe n'est plus qu'un morceau de verre brisé, un labyrinthe de stries et de fêlures. Une fine paroi de glace sous laquelle flottent des cadavres gelés. »

Adèle souffre. Depuis son enfance, elle a froid. Un manque d'amour, une mère toxique et un père soumis et malheureux, bref, une famille où le froid a cristallisé les sentiments et la mère les a d'autant plus facilement broyés, anéantis. le sexe sera sa manière d'exister et de se détruire jusqu'à ce que cette femme redevienne « une surface sans fond et sans revers. Un corps sans ombre. » Ce qu'elle a toujours été dans le regard de sa famille.

Difficile de grandir en développant une harmonie, une confiance en soi. Adèle a peur. Cette émotion qu'elle connaît avec sa mère qui l'abandonne seule des jours entiers dans une chambre d'hôtel, est la seule qui lui paraisse être réelle. Pour se réchauffer, elle découvre la moiteur de son entrejambe.

« Les hommes l'ont tiré de l'enfance. Ils l'ont extirpée de cet âge boueux et elle a troqué la passivité enfantine contre la lascivité des geishas. »

Adulte elle aura toujours peur. Ce sentiment est réel, il a de la consistance pour elle. Elle est déséquilibrée, toujours sur la corde raide, prenant des risques, sa manière d'exister et cela lui donne le grand frisson. Elle vit une double vie, mère et épouse à certains moments de la journée, chienne lascive les heures restantes, « l'érotisme habillait tout. Il masquait la platitude, la vanité des choses », étendue sous des corps inconnus, elle existe « mille fois à travers le désir des autres ».

Elle trouve un intérêt à cette vie de mensonges, « elle est exaltée, comme le sont les imposteurs qu'on n'a pas encore démasqués. » Mais il ne faut pas se tromper. Ce n'est pas la duperie qui l'apaise de ses souffrances. J'ai plutôt ressenti qu'elle comblait un manque profond d'amour par cette vie de chair violente, furtives et fugaces. Depuis l'éveil de ses sens, elle a découvert un moyen de voir enfin quelqu'un s'intéresser à elle, et tant pis si ce n'est que pour le sexe, c'est déjà un intérêt qu'on lui témoigne. Avec une mère qui rabaisse constamment, elle trouve enfin une petite éclaircie dans sa vie, un espoir.

Mariée et mère, elle sait que cet espoir tient à peu et que l'âge venant, « elle aurait sans doute intérêt à arrêter maintenant, avant que tout s'écroule, avant de ne plus avoir ni l'âge ni la force. Avant de devenir pitoyable, de perdre en magie et en dignité. »

Son époux ne sait rien. Jusqu'au jour où un vieux téléphone blanc à clapet est découvert par mégarde. « Auprès d'Adèle, il a le sentiment d'avoir vécu avec une malade sans symptômes, d'avoir côtoyé un cancer dormant, qui ronge et ne dit pas son nom. » Quel constat ! Il faut dire qu'il est médecin... cela explique sans doute le fait qu'il fasse des comparaisons avec des maladies. Et ensuite ? Une réaction : partir loin de Paris et des tentations, il se fait plaisir. A cet égard, a-t-il cherché, rien qu'une fois, à donner du plaisir de sa femme ?

« Adèle a déchiré le monde. »

Leïla Slimani a déchiré le monde avec son premier roman, Adèle peut laisser certains indifférents, peut choquer ou en émouvoir d'autres selon les ressentis. Mais il reste pour moi que Leïla Slimani trouble, perturbe et déchire. Elle a décrit la souffrance intérieure d'une femme avec une plume qui personnellement me touche énormément.
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Que de fois Adèle s'est grillé les ailes à force de papillonner .
Son corps délire encore de ces spasmes , de ces plaisirs juste physiques .
Labouré , agrippé , écorché , il n'est que douleurs .

De quoi la belle veut-elle se punir en passant de paluches en paluches de petits coucheurs d'un soir ?

Son mari est un chirurgien de renommée qui lui passe ses quatre volontés et lui offre une vie de bourgeoise libre et aisée .
Mais Adèle s'enfonce de plus en plus dans le tourbillon de la folie jusqu'au jour où Richard découvre cette débauche , cette tourmente , cette tempête .
Il est cocu d'une femme qu'il vénère : une nymphomane , une salope .
Lui , en vrai chevalier , l'aime d'un amour chaste , à croire qu'il veut la préserver .
Il oublie qu'amour et volupté s'enlacent dans un corps à corps où la sagesse n'a pas de place .

Comment sauver sa bien -aimée de ce feu qui la ravage ?
" Elle était sa névrose , sa folie , son rêve d'idéal .Son autre vie . " P. 186

Dès le début du roman , on est happé dans cette tornade de sadisme , de jouissance et surtout de souffrance d'Adèle .
L'auteure nous y précipite par des phrases courtes , incises , au vocabulaire précis , colorée et cru , en vrai cinéaste .
Elle nous décrit une femme belle , inconstante , qui est en manque de reconnaissance et d'amour , malgré son mari , malgré son fils .

On retrouve une similitude entre ce roman et celui de Julie Saget dans " la maison de repos " où les héroïnes recherchent la quête de l'absolu par la soumission au sexe .
Il faut une part importante de sensualité pour traiter un sujet aussi tordu et surtout avoir de la tripe .

On ne reste pas indifférent à l'écriture de Leïla Slimani : elle interpelle et laisse groggy !
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L'histoire d'une femme, j'aime les histoires de femmes, c'est mon côté potin mondain entre deux verres de vin, en cristal les verres bien entendu.

Le roman d'un sexe, une toison brune, des jambes qui s'écartent, la sève qui s'écoule ; c'est mon côté voyeur entre deux verres d'un single malt, l'aventure dans cette inconnue qui s'ouvre à moi.

La musique sauvage, riffs sur les sentiments, pas de quoi siffloter la joie de vivre, le bonheur conjugal. Un western sans poussière avec mise à mort de l'âme, pendue à la branche du chêne familial, une balle perdue dans le coeur du plaisir.

Mais le roman, la femme, le sexe se composent sans douce mélodie autour de l'addiction. L'addiction au sexe, l'addiction maladive qui détruit, à commencer par soi-même, puis autour de soi. C'est du brut.

Et comme toute addiction reconnue, il y a surtout une énorme souffrance, la perte de son âme, la peur de l'autre, puis celle de la découverte. Malgré un mari et un enfant, Adèle est ainsi, prise dans le tourbillon malsain de ses pulsions, celles du sexe à tout-va, en tous lieux. Il y a la vie de façade et puis sa vie intérieure et bouillonnante.

Avec la crudité des mots ou la bestialité des scènes, Adèle survit intérieurement d'hommes en hommes, des coups d'un soir pour la plupart, des rencontres du hasard, dans un bar ou sur un quai, hagard. le sourire, première étape, l'envie, le désir compulsif, le soulèvement de la jupe l'arrachage du string, secondes étapes, et puis elle se retourne, pas un mot, pas un adieu, une cigarette, une pastille de menthe pour enlever le goût du foutre, troisième étape. S'ensuit ce sentiment de honte qui te submerge. C'est la dernière fois, une promesse vaine car au moment où tu penses cela, tu sais parfaitement que non… Une nouvelle pulsion, impulsion destructrice, le cercle vicieux de l'addiction, l'addition des membres dans son con ou son cul, Adèle est ainsi, elle ne peut s'y résoudre.

Au final, c'est un roman assez triste, la tristesse de l'addiction et son désespoir qui s'y rattache. Faire bonne figure, mais intérieurement l'âme est démolie. Peut-être même depuis la plus petite enfance avec ce manque de réconfort ou d'amour. Drogue, alcool ou sexe, le cercle vicieux de cette dépendance connaît le même rythme, cette pulsion, poussée d'adrénaline qui oblige à franchir de nouveau le pas, pour s'affranchir de son besoin immédiat. L'adrénaline s'estompe, se dilue et à la fin de l'acte, la misère, la peur de se regarder dans le miroir, le dégoût qu'on peut y trouver dans ce regard. Sauvagement sombre, cette putain d'histoire. Merci, j'aime les histoires sombres. Quoi ? J'ai plombé l'ambiance de ce début de semaine ?... C'est une certaine vie dans des putains de vie. Bonne semaine.
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Adèle le sait, il n'y a pas pire de savoir de ce que demain sera fait.
Malaise, spirale infernale, baise, ne pas rentrer dans le moule, se donner du bien, faire mal, pudeur de merde, tout oublier, vie formatée, ne pas se perdre en banalités, avoir une attitude de mâle, ne pas se plier. Être prise, sans fin.
La jeunesse t'a confisqué ta joie, ton présent déjanté va te rattraper, tu vas morfler.
Tu es le bras armé de ta décadence, le sexe pour exister, le sexe comme langage pour exprimer la détresse. Tu aimes pour un quart d'heure, pour un regard, pour une odeur.
L'envie, qui juste une minute t'irradie, paradis malsain qui est le tien.
La jouissance comme une vengeance, comme une conséquence d'une vie flétrie. Une maladie.
Quid de Richard, ton mari, ton refuge pareil au saint-bernard ? Et de ton fils Lucien ?
Ou sont-ils dans ta tête entre tes va-et-vient? Tu dois être bien seule dans tes luttes internes. Quand doivent s'arrêter tes rêves obscènes?
Parce que tu es allé trop loin, tout explose et, calculatrice tu baisses l'échine et enfin tu fais l'éloge du quotidien ? Combien te faudra-t-il de temps pour épuiser les joies modestes?
Être ordinaire et l'accepter, cela te rend-il plus heureuse ?

Dérangeant, percutant, émouvant, l'ogre est bicéphale et ne manquera pas de t'emporter dans tes propres doutes. Nous avons tous nos béquilles avec plus ou moins d'excès pour affronter le journalier. Leïla Slimani, sans tendresse, en développe un exemple d'une violence extrême.
« Je vais te dire une chose moi : Les gens insatisfaits détruisent tout autour d'eux. »
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Journaliste d'arrière-plan, mère d'un petit garçon de trois ans, Adèle est une éternelle insatisfaite. Une Emma Bovary du 21e siècle. D'ailleurs c'est en Normandie que son médecin de mari envisage d'aller s'enterrer – l'enterrer, elle, puisqu'elle lâchera son boulot à Paris, tandis que lui sera bien occupé par son poste de chef de clinique...

Femme-enfant gâtée, frustrée ?
Avide d'être remarquée et désirée, Adèle comble depuis longtemps l'ennui et le sentiment de vacuité avec le sexe. De la baise brute, sans tendresse, sans répit, partout, avec n'importe qui, ou presque. Elle aime décrocher le gros lot avec des hommes ambitieux, bien placés. Quelques verres pour s'enhardir, drague brutale, séduction crue, le type n'en revient pas, il se laisse faire, avec plaisir. Mais déjà, elle, ça ne l'intéresse plus, souvent même avant la fin de l'étreinte. Elle jette. Si le partenaire s'accroche, elle peut y revenir, vraiment quand elle n'a rien d'autre.
Son mari ne voit rien. Trop occupé ? Il est d'une gentillesse et d'une patience infinies avec elle.

Leïla Slimani est douée pour raconter des histoires. 'Chanson douce' m'a happée, d'autant que la description de ce drôle de trio (parents et nourrice) et de la dégringolade insidieuse y est subtile.
Je suis moins convaincue ici. Peut-être parce que j'ai lu récemment d'autres romans sur des addictions – alcoolisme ('Etat d'ivresse', Denis Michelis) et kleptomanie ('Confessions d'une kleptomane', Florence Noiville) – que j'ai trouvés plus aboutis, plus intenses ?

Malgré le sentiment de tourner en rond à la lecture, cet ouvrage se dévore, grâce au suspense : jusqu'où Adèle pourra-t-elle jouer avec le feu sans faire cramer la baraque ?
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Adèle a tout pour elle. Parisienne, 35 ans, belle, journaliste, mariée à un chirurgien, maman d'un petit Lucien. En apparence, elle a tout pour elle. Mais la réalité est bien plus sombre.

Son job ? « Adèle n'aime pas son métier. Elle hait l'idée de devoir travailler pour vivre. Elle n'a jamais eu d'autres ambitions que d'être regardée. […] Elle aurait adoré être la femme d'un homme riche et absent. Au grand dam des hordes enragées de femmes actives qui l'entourent, Adèle aurait voulu traîner dans une grande maison, sans autre souci que d'être belle au retour de son mari. Elle trouverait merveilleux d'être payée pour son talent à distraire les hommes. »

Son fils ? « Lucien est un poids, une contrainte dont elle a du mal à s'accommoder. Adèle n'arrive pas à savoir où se niche l'amour pour son fils au milieu de ses sentiments confus : panique de devoir le confier, agacement de l'habiller, épuisement de monter une pente avec sa poussette rétive. L'amour est là, elle n'en doute pas. Un amour mal dégrossi, victime du quotidien. Un amour qui n'a pas de temps pour lui-même. »

Son homme ? « Dans la rue, ils marchent vite, l'un à coté de l'autre. Ils ne se touchent pas. S'embrassent peu. Leurs corps n'ont rien à se dire. Ils n'ont jamais eu l'un pour l'autre d'attirance, ni même de tendresse, et d'une certaine façon cette absence de complicité charnelle les rassure. »

Pour affronter le quotidien, Adèle multiplie les aventures et les coucheries. N'importe où, n'importe quand, avec n'importe qui. Adèle joue les femmes fatales, elle existe à travers le regard des autres. le désir n'a pas d'importance. « Elle n'avait pas envie des hommes qu'elle approchait. Ce n'était pas à la chair qu'elle aspirait mais à la situation. Etre prise. Observer le masque des hommes qui jouissent. Se remplir. Goûter une salive. […] L'érotisme habillait tout. Il masquait la platitude, la vanité des choses. »

Le portrait d'une femme insatisfaite. D'une femme perdue, malade. le portrait d'une nymphomane trompant son monde en permanence et dont la chute semble inéluctable. Leïla Slimani ne tombe pas dans la facilité et évite un enchaînement de scènes crues et gratuites auxquelles le déroulement du récit aurait pu pourtant l'autoriser. Il y a bien sûr quelques passages explicitement sexuels mais je n'y ai trouvé aucune surenchère. Pour autant, je ressors de ce premier roman à la limite de l'agacement. le portrait de cette bourgeoisie parisienne m'a souvent semblé très caricatural. le style froid n'a, à aucun moment, attiré mon empathie pour cette pauvre Adèle, que je me garderais bien de plaindre ou d'enfoncer. Bref, j'ai eu du mal, en tournant la dernière page, à donner du sens à cette histoire à la limite du pathétique. Mais bizarrement, j'ai aussi l'impression d'être passé à coté de quelque chose de plus profond. Bref, je suis un peu perdu.


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« Non ce n'est pas moi. C'est quelqu'un d'autre qui souffre.
Moi, je n'aurais pas pu souffrir autant. »
ANNA AKHMATOVA

Premier roman de Leïla Slimani, « Dans le jardin de l'ogre » traite du sujet tabou de la dépendance sexuelle.
J'avoue avoir hésité, pendant un moment, à lire ce livre en raison de son thème qui ne m'attirait pas et je pensais m'aventurer en dehors de ma zone de confort en le lisant. Mais ayant aimé les autres romans de l'auteure, j'ai décidé de lui faire confiance. En définitive, je ne le regrette pas : le roman n'a rien d'érotique, il y a certes, des scènes intimes décrites en détail, mais le récit est introspectif et centré sur la psychologie des personnages.

*
Adèle mène une double vie.
Dans la première, elle est une femme épanouie et heureuse. Journaliste, elle voyage beaucoup et elle vit dans un bel appartement parisien avec son mari chirurgien et leur jeune enfant.
Mais sous cette belle couche de vernis, se cache une femme seule, insatisfaite, malheureuse, rongée par un besoin dévorant de sexe. Malgré son attachement pour son fils et son mari, elle est comme une toxicomane, une droguée du sexe. Elle a besoin de se sentir vivante, entourée, regardée, désirée, malmenée.

« Elle voudrait n'être qu'un objet au milieu d'une horde, être dévorée, sucée, avalée tout entière. Qu'on lui pince les seins, qu'on lui morde le ventre. Elle veut être une poupée dans le jardin d'un ogre. »

Elle cherche à tout prix à préserver ses deux vies, ne voulant pas faire souffrir sa famille, et ne trouvant pas la force de résister à la violence de cet appel. Elle organise donc sa vie de manière à assouvir ses envies tout en maintenant un semblant de vie normale, son mari, follement amoureux d'elle, ignorant tout de l'addiction de sa femme.

« Les hommes l'ont tirée de l'enfance. Ils l'ont extirpée de cet âge boueux et elle a troqué la passivité enfantine contre la lascivité des geishas. »

*
Leïla Slimani brosse un portrait convaincant, troublant et douloureux d'une femme sous l'emprise de pulsions sexuelles qu'elle n'arrive pas à contrôler.
L'auteure ne cherche pas à expliquer pourquoi Adèle tente de combler les vides de son quotidien par une boulimie de sexe. Elle préfère s'attacher à ses personnages, à Adèle en particulier, à son mal-être, et aux répercussions sur son entourage.
Et le lecteur ressent ses tourments, sa peur d'être démasquée, sa solitude extrême, son insatiabilité impossible à refouler, son insatisfaction en même temps que cette violence qu'elle désire faire subir à son corps.

Tout doucement, Leïla Slimani amène une tension à son récit, le lecteur se doutant que cette vie insatisfaisante ne peut continuer ainsi.

*
Adèle n'est pas un personnage particulièrement sympathique, mais j'ai été touchée par sa vulnérabilité, sa souffrance psychologique suscitée par cette envie irrésistible et autodestructrice.
Ces aventures, sans amour, sans lendemain, n'apportent rien.
Aucun plaisir, aucune joie, aucune tendresse, aucun attachement.

« Parfois, elle a l'air d'un oiseau affolé, cognant son bec contre les baies vitrées, brisant ses ailes sur les poignées de porte. »

Adèle m'a rappelé Emma, l'héroïne de Gustave Flaubert. Toutes deux femmes de médecin, elles sont prisonnières d'un quotidien insipide, ennuyeux qui les mène à l'adultère.

*
J'avais déjà pu apprécier le style de Leïla Slimani, dans « Chanson douce » en particulier.
Je retrouve l'auteure dans la justesse des mots, l'écriture toujours très directe, brute, cru, laconique, sombre, sensuelle, mais qui ne juge pas.

« Elle comprit très vite que le désir n'avait pas d'importance. Elle n'avait pas envie des hommes qu'elle approchait. Ce n'était pas à la chair qu'elle aspirait, mais à la situation. Être prise. Observer le masque des hommes qui jouissent. Se remplir. Goûter une salive. Mimer l'orgasme épileptique, la jouissance lascive, le plaisir animal. Regarder partir un homme, ses ongles maculés de sang et de sperme. »

Elle nous fait entrer dans l'intimité de cette femme, et à travers cette mise à nu sans détour, je me suis sentie à la fois spectatrice et voyeuse. J'ai parfois été gênée, mal à l'aise devant cette écriture si juste, si franche, sans faux-semblant.

*
Pour conclure, « Dans le jardin de l'ogre » est un récit poignant.
Le thème choisi est certes audacieux, voire dérangeant, mais Leïla Slimani a le don d'émouvoir.
J'en ressors attristée par la détresse d'Adèle, la torture physique et psychologique qu'elle subit au quotidien. On ne peut la juger, on ne peut que compatir.

Merci Marlène50 qui, par ta belle critique, m'a donné envie de découvrir ce texte.
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