Citations sur Dévotion (48)
Dans le train, je continue à écrire fébrilement, comme ressuscitée d'une mer du souvenir. Alain lève les yeux de son livre et regarde par la vitre. Le temps se contracte. Nous approchons soudain de Paris. Aurélien est endormi. Je réalise que les jeunes gens ont l'air beau quand ils dorment et que les vieux, comme moi, ont l'air mort.
- Pourquoi pleures-tu ? demande une voix.
- Je ne sais pas, je réponds. Peut-être parce que je suis heureuse.
L'inspiration est la quantité imprévue, la muse qui vous assaille au coeur de la nuit. La flèche vole et on n'est pas conscient d'avoir été touché, on ignore qu'une multitude de catalyseurs, étrangers les uns aux autres, nous ont clandestinement rejoint pour former un système à part, nous inoculant les vibrations d'un mal incurable - une imagination brûlante - à la fois impie et divin.
Le plus souvent, l'alchimie qui produit un poème ou une oeuvre de fiction est dissimulée dans l'oeuvre elle-même, voire incrustée dans les stries enroulées de l'esprit. Mais dans ce cas précis, je pouvais retrouver la trace de pléthore de pistes, une forêt de sapins, la coupe de cheveux de Simone Weil, les lacets blancs, un petit sac rempli de vis, le pistolet existentiel de Camus.
Le destin a une main mais n'est pas la main. Je cherchais quelque chose et avais trouvé autre chose, la bande-annonce d'un film. Emue par une voix sonore quoique étrangère, je laissai libre cours aux mots qui se déversaient. Je me suis embarquée dans un périple, attirée par un jukebox lumineux faisant apparaître une symphonie de points de référence. Je me faufilais dans un monde qui n'était même pas le mien, j'arpentais les rues abstraites de Patrick Modiano. J'ai lu un livre, découvert le militantisme mystique de Simone Weil. J'ai observé une patineuse artistique, totalement charmée.
Quel est le rêve ? Ecrire quelque chose de bien qui serait mieux que je ne le suis, et qui justifierait mes épreuves et mes errances. Fournir la preuve, par le truchement d'un fouillis de mots, que Dieu existe.
Pourquoi est-ce que j'écris ? Mon doigt, tel un stylet, trace la question dans le vide. Une énigme familière posée depuis la jeunesse, se retirer du jeu, des camarades et de la vallée de l'amour, ceinte de mots, un battement extérieur.
Pourquoi écrivons-nous ? Irruption du choeur.
Parce que nous ne pouvons pas simplement vivre.
Affranchie de toute attente et de tout désir, elle tournoyait, elle était à la fois le métier à tisser, le fil et le brin d’or. Elle inclina la tête et leva un bras au ciel, elle capitulait, attirée par la main gantée de sa propre conscience.
La perspective de monter dans un avion sans un livre déclenche chez moi une vague de panique. Le bon livre peut servir en quelque sorte de guide bénévole, donnant le ton, voire altérant le cours d’un périple.
Il nous faut écrire, nous engager dans une myriade de combats, comme pour dompter un poulain têtu. Il nous faut écrire, non sans un effort soutenu et une bonne dose de sacrifice, pour capter l’avenir, revisiter l’enfance et serrer la bride aux folies et aux horreurs de l’imagination pour une communauté vibrante de lecteurs.
Car la nature st sacrée, plus sacrée que les icônes, plus que les reliques des saints, qui étaient autant ses mortes comparées à l'être vivant le plus Gant. Le renard sait cela, et la biche, et le pin.