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sur 181 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
En anglais, « scum », c'est l'ordure, le rebut, le salaud. Pour Valerie Solanas, c'est l'acronyme de Society for Cutting Up Men, et c'est déjà tout un programme !

« Vivre dans cette société, c'est au mieux y mourir d'ennui. Rien dans cette société ne concerne les femmes. Alors, à toutes celles qui ont un brin de civisme, le sens des responsabilités et celui de la rigolade, il ne reste qu'à renverser le gouvernement, en finir avec l'argent, instaurer l'automation à tous les niveaux et supprimer le sexe masculin. » (p. 9) Dans ce pamphlet, l'autrice effectue une démonstration par l'absurde poussée à l'extrême. Cela peut sembler grotesque ou délirant, mais à bien lire et relire le texte, on comprend toute la pertinence du propos.

Le postulat de Valerie Solanas, c'est que l'homme voudrait être une femme. Frustré, il compense en baisant à tout va et en projetant sur les femmes ses propres faiblesses. « Chaque homme sait, au fond de lui, qu'il n'est qu'un tas de merde sans intérêt. » (p. 16) Pour mettre en place une société plus juste où les femmes auraient toute leur place, l'autrice prône évidemment la fin du patriarcat et du capitalisme, mais surtout la mise sous tutelle des hommes, ces êtres maladifs et incomplets. « La virilité est une déficience organique, et les hommes sont des êtres affectivement infirmes. » (p. 10) Il faut redonner le pouvoir aux femmes, seules à être capable de l'assumer et de diriger le monde.

Au-delà du discours violemment satirique et agressif envers les hommes et résolument féministe, Valerie Solanas veut forcer les lecteur·ices à changer de vision sur le monde, à déplacer leur point de vue pour se mettre dans les pompes de l'autre sexe. « L'amour ne peut s'épanouir dans une société fondée sur l'argent et sur le travail dépourvu de sens. Il exige une totale liberté économique et individuelle. » (p. 47) En première lecture, le manifeste est évidemment féroce et jubilatoire : il fait hurler de rire, soit pour éviter de hurler tout court, soit pour s'entraîner à hurler, justement !

La postface modeste et lucide de Lauren Bastide éclaire le texte et donne d'autres pistes pour le comprendre et l'appliquer à notre société de 2023. Vous vous en doutez, ce petit livre prend sa place sans attendre sur mon étagère de lectures féministes ! « Les femmes, elles, prennent pour acquises leur identité et leur individualité, elles savent instinctivement que le seul mal est de nuire aux autres et que le sens de la vie est l'amour. » (p. 40)
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Plus qu'une pensée féministe, rebelle, anarchiste ou que sais-je encore, Scum Manifesto est avant tout un pamphlet. Afin de bien éclairer le futur lecteur, il est bon de définir le concept du pamphlet, soit un écrit fait pour tuer.
A ce titre, Scum Manifesto réussit, puisqu'il argumente et explique comment et pourquoi il faudrait tuer tous les hommes de la Terre sans éprouver aucune pitié.

Le véritable problème de ce texte est son auteur : Valérie Solanas. Et certain(e)s lecteur(ice)s qui n'ont jamais vu aucun ordre patriarcal s'exprimer, qui pensent que ces idées sont des fantasmes de féministes, auront l'impression de tenir entre leurs mains un mein kampf. A celles-là et ceux-là, j'aimerais les rassurer.

Non, un génocide masculin n'aura jamais lieu, peu importe le nombre de gens qui le lisent, et
non, jamais les femmes ne détiendront un pouvoir absolu et fasciste sur l'humanité - oui je sais, il parait que certaines tribus primitives évoluant culs-nus avaient mis en place un pouvoir matriarcal, mais ne nous en inquiétons pas outre-mesure.
Pour l'instant, et je parierais mon âme là-dessus, des hommes déteindront le pouvoir sur les femmes jusqu'à la fin des temps.

Cela, n'importe quel esprit honnête pourrait en convenir. D'où l'humour de l'auteur par ce renversement des forces, et le trente-six millième degrés nécessaire pour lire ce texte. Mais hormis cela, que reste t-il ? le cri d'une femme blessée par les hommes. Comme ces hommes qui la violèrent depuis sa plus tendre enfance, ou comme celui qui l'exploita artistiquement (1), puis qui perdit sa pièce de théâtre (2) par pur je m'en foutisme, ou encore, comme cet homme éditeur qui fit fortune en vendant le Scum Manifesto dans le monde entier sans jamais rétribuer son auteur. Au final Solanas n'arrivera pas à briser sa tragédie, les hommes, et finira par crever d'une pneumonie dans une bouge crasseux de San Francisco.

C'est ce qui motiva mon envie d'écrire cette critique, vous affirmer que pour bien appréhender ce court pamphlet, il est nécessaire de s'intéresser à la vie de son auteur. Solanas, un artiste de génie que la société américaine destina à la rue, la toxicomanie et à la prostitution, mais un esprit incroyable aussi, une guerrière pleine de pulsions de vie, et de mort.

En plus du Scum Manifesto, si vous souhaitez vous intéresser à ce destin hors du commun, je vous conseille vivement le visionnage du film qui raconte sa vie, " I Shot Andy Warhol ", et la prestation incroyable de l'actrice qui l'incarne, Lili Taylor.


(1) le même homme qui exploita le peintre Basquiat, puis qui l'assassina
(1) selon Solanas son oeuvre ultime, qu'elle ne possédait qu'en un seul exemplaire.
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On entend souvent dire "ce qui est excessif est insignifiant". Non !
Ce texte, ce Scum manifesto est "excessif". Et il n'est pas une bouffonnerie, ou une blague. Il est issu d'une femme qui s'est fait violer, abîmer sa vie durant par des hommes. Tu m'étonnes qu'elle hait la haine ! La haine de ces sales cons !
Pourtant, malgré son "excès", Solanas n'en oublie pas de considérer l'aspect systémique de l'infâme. Système capitaliste pognon-roi construit par et pour l'homme. Mais qui craint, qui pousse tout le monde à sa perte. L'homme tout autant, d'ailleurs.
Solanas a raison, l'automation-machinisation nous aiderait à ne plus avoir à faire des travaux inutiles voire dégradants. Et 55 ans plus tard, c'est encore plus vrai et plus réaliste, réalisable.
Solanas croyait en elle et ses pensées et ce manifeste. Aucun second degré. Une simple "expression" express, survivre. Comment ne pas la comprendre ? Pourquoi la mépriser ? Pourquoi ne pas en discuter.
Je suis un homme et même si je fais partie par conséquent de ceux qu'il conviendrait d'éliminer, je trouve que ce n'est pas "intelligent" de faire l'économie d'y réfléchir.
Petit point au passage, suis totalement pour le centre de suicide ouvert à tous pour disparaître sans douleur.
Cette femme, elle, encore, a dû se suicider, cloîtrée en hôpital psychiatrique : absolument choquant. le genre de fin qui m'est insupportable. Et tant d'autres ont cette tentation ou en sont résolus à agir en ce sens, ce non-sens... Dans ce système abject qui n'a pas encore fini de se perpétuer et de perpétrer ses malheurs.

Ce manifeste est "excessif", oui (n'est-ce pas un peu le propre d'un manifeste ?), mais insignifiant, non. Non.

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La postface de Lauren Bastide donne de très utiles et intéressants (indispensables même) éléments pour contextualiser le texte et la personne de Solanas.
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5 étoiles parce que c'est un pamphlet extra-ordinaire. Sur la forme : lorsqu'on n'est pas contemporain De Voltaire, on n'est pas tellement habitué aux pamphlets. Il faut bien garder en tête que ce texte n'est ni un essai ni une analyse mais une tentative de programme visant à défendre la cause des femmes. le style est jubilatoire car très cru et maîtrisé, Valérie Solanas a le sens de la formule. C'est un plaidoyer d'une victime qui n'a qu'elle-même comme avocate, écrit dans l'urgence, celle de dire la vérité des choses, telle que Solanas la vit, et proposer tout de suite une solution - radicale (comment pourrait-elle être autrement quand elle a été à ce point humiliée par les hommes). Il est beaucoup plus intéressant d'aborder ce texte en y cherchant les fulgurances (sur le travail ou l'art par exemple) que d'essayer de démonter une théorie qui n'en est pas une. Si l'on tente de combattre le renversement opéré par Solanas lorsqu'elle affirme que les hommes se construisent (mal) à partir du désir d'être une femme et d'avoir un vagin, c'est qu'on accepte d'emblée les idées de la psychanalyse selon laquelle la femme se construit sur ce désir inconscient de pénis. Or, entrer dans un débat de psychanalystes n'a pas de sens pour critiquer ce pamphlet. En revanche, pour bien le comprendre, il est primordial de lire la très éclairante postface de Lauren Bastide qui donne tous les éléments pour une bonne réception du texte.
C'est grâce à Netgalley que j'ai pu lire ce texte avant sa sortie (et d'autres d'ailleurs).
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J'avais hâte de lire ce livre dont j'entendais régulièrement parler dans les cercles féministes comme un texte un peu mythique, et ça a été une lecture dingue pour moi. C'est violent et sans concession, et c'est ce dont ma colère avait besoin. Solanas appelle à une émancipation brutale, une véritable rupture avec les hommes jugés dans leur ensemble comme inaptes émotionnellement, incomplets et indignes de la patience des femmes. Elle n'y va pas par quatre chemins et à ce titre on se demande plus d'une fois si elle est bien sérieuse, s'il ne faut pas prendre ce texte avec du recul et un petit sourire, mais quand on connaît l'histoire de Solanas et les multiples plans sur lesquels les hommes l'ont réduite, brutalisée et silenciée, on doit réfléchir à deux fois. J'ai beaucoup aimé son insistance sur l'incapacité émotionnelle des hommes, conséquence directe du patriarcat et de l'éducation hétérosexiste, mais aussi le fait qu'elle dénonce le système capitalisme, les deux étant profondément liés. Cette façon qu'elle a de dire sa colère bien légitime fait du bien, mais derrière il y a aussi la pensée que c'est un système entier qu'il faut faire tomber. C'est un texte coup de poing, qui a mal vieilli par endroits (passages validistes), mais qui fait du bien. J'ai également trouvé très juste la postface de Lauren Bastide qui redonne tout son sérieux à ce texte, et qui soulève les limites de l'image que l'on garde aujourd'hui de Solanas.
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Je décide de prendre ce pamphlet radical et anti-hommes au pied de la lettre et non pas avec humour.

Au-delà d'être un texte ravageur et tueur, c'est un cri de rage, de peur et du coeur d'une travailleuse du sexe sur l'horreur du capitalisme et du patriarcat.

Violent et puissant.
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Un chef d'oeuvre relativement ignoré qui avait prévu 30 ans avant tout le monde l'automatisation à tous les étages ;-)
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"Vivre dans cette société, c'est au mieux y mourir d'ennui. Rien dans cette société ne concerne les femmes. Alors, à toutes celles qui ont un brin de civisme, le sens des responsabilités et celui de la rigolade, il ne reste qu'à renverser le gouvernement, en finir avec l'argent, instaurer l'automation à tous les niveaux et supprimer le sexe masculin."

Ainsi s'ouvre Scum manifesto, court mais intense programme révolutionnaire écrit par Valérie Solanas en 1967.

D'abord elle explique pourquoi il faut éradiquer les hommes et le système patriarcal qu'ils ont créé, puis comment. Si Freud et Solanas avaient été contemporains, cela aurait fait des étincelles... Enfin, si on laissait les femmes s'exprimer. Solanas a été mise au ban, internée, privée d'argent malgré le succès de son texte, sa tentative d'assassinat de Wharol instrumentalisée pour gagner plus. Valérie Solanas inverse tout le discours patriarcal : la femme est complète, l'homme incomplet (l'envie de vagin😁). Pour oublier qu'en fait il veut être une femme, il essaie d'en posséder le maximum, sexuellement, intellectuellement, etc. Il y a de tout dans son texte, des passages très justes et toujours d'actualité malheureusement, d'autres abusés, mais une colère et une haine clairement légitime.

Franchement, lisez ce texte car il est fascinant, percutant, extrémiste, et surtout car la liberté de pensée dont Valérie Solanas fait preuve est juste incroyable👏. Nous, les filles à papa (et franchement c'est dur de ne pas l'être un peu même en déconstruisant beaucoup, tant l'éducation que l'on nous donne est écrasante, la faute au père...), nous donc nuançons tout le temps et avons malheureusement de bonnes raisons de le faire ! Quand je repense à comment Alice Coffin a été menacée du pire et a perdu son travail après la parution de son livre le génie lesbien. Ou Pauline Harmange qui a écrit Moi les hommes je les déteste (mais bon pas tant que ça quand même). Solanas, elle, les déteste vraiment et elle veut tout casser !!
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C'est super dur d'aborder Valerie Solanas et ce pamphlet particulier, Lauren Bastide le dit elle-même dans la postface. Tout au long de ma lecture, j'ai été traversée par différents sentiments et eu plusieurs réactions. J'ai été parfois gênée, j'ai ri, j'ai ressenti sa colère, j'ai adhéré à pas mal de ses idées tout en désapprouvant beaucoup d'autres. Avant d'être au premier abord un pamphlet extrémiste et misandre, je l'ai plutôt compris comme une critique du capitalisme et comment celui-ci a permis la domination masculine. Cette lecture était donc une expérience hyper forte et captivante !
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Tout simplement brillant. Comment le projet de l'autrice de prendre le pouvoir aussi logiquement qu'évidemment, sur un tond de missandrie justifiée, a trouvé en moi comme une raisonnance. je t'aime Valérie, même si tu n'es plus de ce monde pour lire ma critique. merci de nous donné les clefs.
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