La maison de Matriona

Trois nouvelles composent ce livre de Soljenitsyne et le premier de cet auteur que je lis.

Je dois dire que j'ai largement préféré la première "La maison de Matriona".
Racontée avec une grande simplicité, on retrouve toute l'âme slave et l'attachement viscéral de l'auteur à son Pays.
La morale de cette courte nouvelle sera sans nul doute la convoitise humaine ; où chacun tente d'obtenir ne serait-ce que l'indispensable pour vivre.

"L'inconnu de Krétchétovka" nous emmènera dans une gare , un centre de ravitaillement où wagons et trains, remplis tantôt d'hommes, tantôt de marchandises diverses devront être acheminés sur les lieux où sévit la guerre.
Observer - rédiger et parfois aussi dénoncer.
Toute l'absurdité des règlements y sont consignés.

"Pour le bien de la cause"
Une Commission décide d'allouer des locaux neufs, initialement prévus pour agrandir et améliorer l'accueil d'un Collège Technique, à un Institut de recherches.

Corruption et injustices, soi-disant pour le bien de tous.

Soljenitsyne entend ici le langage des hommes paysans, ouvriers, simples soldats ou étudiants.

"Qu'est ce qui fait donc la prééminence de Soljenitsyne dans la littérature russe contemporaine, son extraordinaire influence sur ses confrères, cette action puissante qu'il exerce sur les lecteurs ? La modestie du vrai courage. La retenue de ton. La gravité. le goût infini de la vérité. L'art de dire le plus difficile. Et un coeur plus grand que tous les malheurs".

trois nouvelles, ou trois courts récits.
Lieux, contextes, personnages très différents. Trois angles de la vie dans l'URSS communiste.
Dans chaque récit des personnages attachants:
- la vieille Matriona qui aime toujours le fiancé qu'elle croit peut être avoir trahi pendant la guerre en épousant son frère.
-Zotov le lieutenant qui a honte de n'être que l' adjoint au commissaire de gare plutôt que de se battre au front
- Fédor le directeur de l'école faible et fatigué lui aussi de ne pouvoir défendre correctement ses collègues, ses élèves pour récupérer le nouveau bâtiment qu'ils ont construit et dont ils ont tant besoin.

Et toujours l'administration, le secret, la peur des hauts fonctionnaires et de leur pouvoir, les gens qui disparaissent, le manque de tout alors que tous travaillent comme des chiens ou des esclaves pour la gloire de la Patrie.

Un style très agréable à lire, on avale chaque histoire ; on est loin du style alambiqué et des sentiments outranciers courant dans les romans russes des grands maîtres.

Ce livre regroupe trois nouvelles d'une centaine de pages qui témoignent des conditions de vie en Union soviétique dans les années 40 et 50. Chaque récit s'inscrit dans un lieu bien défini. le premier dans l'isba délabrée d'une vieille femme qui héberge un enseignant (ils partagent une seule pièce). La deuxième dans une gare où réfugiés et marchandises transitent en temps de guerre. La troisième dans un collège technique dont les occupants logés à l'étroit attendent avec impatience leur déménagement dans un bâtiment neuf.

Ces histoires sont intéressantes d'un point de vue social et historique et elles rendent compte de l'engagement de l'auteur qui dénonce les injustices du système. Par contre, d'un point de vue littéraire j'ai pris peu de plaisir à cette lecture. Les dialogues entre plusieurs personnages parfois dans un langage populaire (j'imagine difficile à traduire) sont très présents, surtout dans les deuxième et troisième nouvelles. Ils rendent le texte souvent confus au lieu d'en faciliter la lecture. La forme courte n'est peut-être pas la meilleure porte d'entrée pour découvrir Soljenitsyne. La prochaine fois, je me tournerai vers un de ses romans, sans doute le pavillon de cancéreux.