Il est des chroniques plus difficile à écrire que d'autres parce qu'on ne sait pas vraiment par quel bout commencer, ni comment l'introduire.
Un peu comme un oeuf qu'une poule aurait du mal à pondre tant la lecture fut longue, dure, intensive, mélangeant des tas d'émotions qu'à la fin, on termine un peu saoule. Et devant sa page blanche.
Éliminons déjà le caillou dans la chaussure, perçons l'abcès de suite : j'avais pris plus de plaisir dans «
Une journée d'Ivan Denissovitch » mais les deux romans ne sont pas comparables au niveau du nombre de pages (700 ici).
Pourtant, dans cet hôpital qui soigne les cancéreux, nous avons ici aussi un large panel de la société russe dans toute sa splendeur.
Paul Roussanov est un crétin fini (dans le sens de veule et méprisant) qui s'insurge qu'une tumeur ait osé s'en prendre à lui, cadre zélé du parti communiste ! Non mais… Il est exigeant, s'insurge qu'on ne l'ait pas encore examiné après 18h et menace toujours de porter plainte.
Face à lui, Kostoglotov, un relégué qui a vécu les purges staliniennes, les camps du goulag et la guerre. Un personnage que j'ai mis du temps à cerner…
Nous avons aussi, pour équilibrer le bateau, le bienveillant Sigbatov, condamné à se faire emporter par sa maladie, le cynique Pouddouïev, un moribond désoeuvré… Chaly qui boit de la vodka,
Sans oublier l'étrange Chouloubine, qui contemple la salle, silencieux. du côté des médecins, on a la dévouée Lioudmila Dontsova, Vera Kornilievna Gangart dont la vie se résume à son travail, le serein Léonidovitch, le chirurgien respecté, et Zoé, l'impudente et naïve infirmière.
Dans cet espèce de huis-clos où toutes ces personnes sont obligées de cohabiter, malgré leurs différences de statut social (le Roussanov a refusé le pyjama de l'hosto et a amené le sien), vous n'échapperez pas aux méthodes de soin de l'époque – déjà des rayons, oui ! – ni aux regards des médecins sur ce crabe qu'ils tentaient déjà d'enrayer à l'époque.
L'époque, parlons-en, tien ! Elle n'est pas de tout repos non plus… 1955, Staline est out, mort et embaumé, et le pays est dans une phase de déstalinisation, ce qui n'arrange rien.
La maladie, par contre, les met égaux, se fichant pas mal qu'ils soient ancien prisonnier ou cadre du parti ! Là, c'est égalité. Et la maladie vous montre aussi une part peu connue des gens malades. Pas toujours la meilleure chez certains.
Malgré le fait que j'ai aimé découvrir ce petit monde qui souffre, qui espère, qui partage, qui se chamaille, qui perdent courage, qui se battent, j'ai souffert de certaines longueurs dans le roman au point que j'ai sauté des lignes.
Problème aussi, le nom des personnages qui changent souvent, étant appelé selon un nom et ensuite un autre… ça n'aide pas ! Lioudmila Afanassievna alias Dontsova, par exemple ou Paul Nikolaievitch qui est ensuite appelé Roussanov ou Paul Nikolaievitch Roussanov. Bon, lui, vu son caractère de chien, il était reconnaissable.
Soljenitsyne a été soigné dans un pavillon pour cancéreux et il a connu l
e goulag… Kostoglotov devait lui ressembler un peu. Un homme qui a connu l'horreur dans la vie et qui malgré tout, avance encore et toujours. J'ai aimé le personnage.
C'est un roman sombre, qui vous parle de ce régime qui oubliait sciemment ses membres les plus faibles et qui se complaisait dans ses odieuses certitudes.
Un roman qui vous ouvrira tout grand les portes de la souffrance humaine…
Un roman qui vous fera découvrir la Russie du 20ème siècle, celle de tous les excès, sa grandeur, ses injustices et l'amour énorme que portent ses habitants à leur chère patrie.
Un roman où il ne faut pas vraiment chercher un récit, une histoire, du suspense, car vous êtes juste face à un panel de patients et des médecins qui sont confrontés à la maladie et au manque de place dans cet hôpital de Tachkent
Un roman sombre, un roman qui dénonce un régime, un roman humaniste aussi, qui met en avant la capacité de l'humain à s'inscrire dans son destin. Ou pas.
Lien :
https://thecanniballecteur.w..