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sur 374 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
En ce début du XXIème siècle, le marché de l'art a développé un commerce artistique très lucratif : l'Art Hyper Dramatique.
Désormais, ce sont sur des toiles humaines que les peintres expriment leur talent.
Juin 2006. Jolie jeune toile de 24 ans, Clara Reyes doit participer à la nouvelle exposition du génie de l'art HD, Bruno VanTysch ; une exposition se déroulant à Amsterdam, qui promet d'être grandiose et que tout le monde attend avec la plus vive impatience.
Mais une série de destructions d'oeuvres du maître vient jeter le trouble au sein de la fondation VanTysch et de son service de sécurité.
Des cadavres de modèles sont retrouvés aux côtés d'enregistrements aussi terrifiants qu'énigmatiques « …dans ton sacrifice final repose le sens de la création….parce que l'art qui survit est l'art qui est mort… »
Au fil d'une enquête éprouvante, l'agent de sécurité Lothar Bosch pénètre l'univers extravagant, fantasmatique et inquiétant des marchands d'art, des artistes et des toiles humaines…

Quand le génial psychiatre espagnol José Carlos Somoza s'attaque à l'art pictural cela donne une oeuvre dense, riche et subtile, toute en atmosphère, relief, ambiance et clair-obscur.
Dans ce roman à la lisière de la science-fiction, la peinture est devenue une perversion artistique, un art dégénéré.
Avec un style très visuel, quasi graphique, une narration fluide, où l'utilisation des couleurs, des détails, des architectures et des espaces nous baigne sans effort dans un climat troublant et envoûtant, Somoza dépeint une réalité infléchie, parabolique, ni tout à fait différente, ni tout à fait semblable à notre réel, à l'orée de deux mondes, celui d'aujourd'hui et celui d'un demain proche.
Dans cet hypothétique - et toutefois fort plausible - monde de demain, le corps humain se manipule comme n'importe quel matériau, décliné selon les besoins en oeuvres d'art, objets de décoration ou d'artisanat. Une nouvelle forme d'Art est en place avec ses codes, ses côtes, ses valeurs, ses estimations et ses représentations ; un courant créatif extrêmement lucratif conduisant à tous les excès…
Mais si les éléments de « Clara et la pénombre » sont fictifs, ils ne sont pourtant guère éloignés de la réalité.
La peinture corporelle - body-art ou body-painting - existe depuis la nuit des temps, depuis l'aube de l'humanité.
Si nos ancêtres recouraient à cette expression par esprit d'appartenance, pour des impératifs de guerre, par signes distinctifs ou rites tribaux, l'époque contemporaine a érigé cette pratique picturale en expression artistique.
José Carlos Somoza dit : « J'ignore si la situation changera dans l'avenir, mais j'ai tendance à penser que si quelqu'un découvre comment gagner de l'argent par ce biais, ce ne seront pas les considérations morales qui empêcheront un tel marché humain de se dérouler de façon aussi spectaculaire ou plus que dans mon livre. »
Il nous en livre ici une variante des plus effarantes avec ce thriller philosophique intense, reflétant, tel un miroir de l'horrible, les déviances de nos sociétés.

« le Beau n'est que le commencement du terrible », Rainer Maria Rilke
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Dans un thriller particulièrement raffiné et construit avec maîtrise, José-Carlos Somoza nous fait voyager dans l'univers de l'art, dans un futur qui ressemble au présent, mais où les êtres humains deviennent des oeuvres d'art.
La dichotomie entre le beau et l'humain est ici poussée très loin.
Peu de temps après, j'ai lu Lorsque j'étais une oeuvre d'art, d'Éric-Emmanuel Schmitt, qui aborde le même thème, mais sous un angle différent.
Un grand roman de Somoza qui sonde, une fois de plus, les profondeurs de l'âme humaine.
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Clara y la penumbra
Traduction : Marianne Millon

Ce gros roman de près de six-cent-cinquante pages est probablement l'une des réflexions les plus intelligentes qu'on ait jamais écrites sur les dérives invraisemblables et plus encore malsaines de l'art contemporain. Mais cette réflexion englobe également une interrogation sur la nature de la Beauté et sur la limitation des droits du créateur sur son oeuvre, si tant est qu'elle puisse exister.

L'auteur imagine, dans un futur très proche, un monde de l'Art dominé par une école dérivée du body-art actuel et dénommée "l'hyperdramatisme." C'est Bruno van Tysch, personnage hautain, obsessionnel, hanté par son enfance rigide sous la férule d'un père artiste raté, qui a donné à l'hyperdramatisme ses lettres de noblesse. Quand s'ouvre le livre, van Tysch est devenu, comme aiment à le répéter les critiques, le "Dieu de l'Hyperdramatisme" et nul ne songerait à lui contester son génie.

L'héroïne du livre, Clara, n'a d'ailleurs qu'un rêve : être "peinte" par van Tysch. La jeune fille a découvert l'hyperdramatisme un jour de son adolescence, devant une oeuvre exposée près d'une piscine, dans la confortable maison des parents d'une camarade, et, depuis lors, elle a tout fait pour devenir modèle hyperdramatique. Entendons-nous : "modèle" n'a pas ici le sens qu'il revêt encore pour nous en peinture. Dans l'hyperdramatisme, le modèle - femme, homme ou enfant - est peint et "mis en place" par l'artiste qui l'expose alors dans une galerie, espérant bien entendu qu'il sera vendu. Lorsque cela arrive, l'"oeuvre" - puisque le modèle est une oeuvre désormais - est transportée et exposée chez l'acheteur le temps que celui-ci désire, ce qui signifie en général tant qu'il ne s'en lasse pas. Bien entendu, les heures d'exposition sont fixées à l'avance et, en dehors de leurs limites, le modèle-oeuvre peut vivre normalement : revêtir des vêtements, se promener, se restaurer aussi, satisfaire aux besoins divers de sa nature, etc, etc ... C'est un métier exigeant mais qui paie bien son homme. Et puis, il y a la gloire de l'artiste rejaillissant sur son modèle-oeuvre ...

Au travers d'un labyrinthe policier assez gore - les oeuvres maîtresses de van Tysch sont assassinées une à une de manière atroce - Somoza nous révèle les excès de la méthode hyperdramatiste. Tout d'abord, on ne voit que des détails dérangeants, inquiétants : nécessité pour les modèles de prendre certains médicaments afin de calmer leur faim ou leur désir de se rendre aux toilettes pendant les longues heures d'exposition, adoration servile pour "le Maître", orgueil aussi à l'idée de recevoir enfin, tatouée sur leur peau, une signature prestigieuse. Mais peu à peu, nous prenons conscience de tout ce que l'hyperdramatisme - et même certaines manifestations artistiques que nous connaissons - ont en commun avec la vision sadienne de l'univers.

Ainsi, ceux qui ne réussissent pas comme "oeuvres" ont toujours la possibilité de se reconvertir en "meubles" (canapé, table, lampe ...). Et ils servent réellement de canapé, de fauteuil, de tapis ... En fait, ils doivent tenir le rôle pour lequel on les a achetés. Ou bien les modèles qui débutent et qui ne sont pas encore très connus participent souvent - il faut bien alimenter le garde-manger - à des spectacles d'"art taché." Somoza ne s'étend pas outre mesure sur la chose mais on devine que c'est plutôt musclé, bien sanguinolent, plus ou moins sexuel, voire dangereux. Enfin, les modèles-oeuvres sont essentiellement des enfants ou de jeunes femmes et hommes. (A partir de trente ans, il devient difficile d'être une "oeuvre.") Dans le monde que Somoza nous dépeint avec un réalisme soigné, n'importe quel pédophile assez riche pour le faire peut par conséquent s'offrir une "oeuvre" qui n'est, à bien y regarder, qu'un enfant ou un jeune adolescent.

Le style est sans doute moins classique que dans "La Caverne des Idées" mais l'intrigue, menée tambour battant, est si prenante, elle amène tant de réflexions dans la tête du lecteur, tant d'interrogations aussi, qu'on a bien du mal à se libérer de temps à autre de ces (presque) six-cent-cinquante pages pour vaquer à ses occupations personnelles.

Dans l'oeuvre de l'auteur espagnol, "Clara et la Pénombre" reste assurément l'un des ouvrages les plus riches et les plus intéressants - même si les puristes pourront se plaindre d'avoir deviné l'identité de l'assassin aux deux tiers du roman. ;o)
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Dans ce roman publié en 2001, l'auteur nous invite en 2006 dans le monde de l'art. Un monde ou tout a changé. L'art Hyper Dramatique tient le haut du pavé. C'est un art ou les toiles n'existent plus, ou plutôt si , elles existent mais elles sont humaines, vivantes. Ces toiles humaines sont peintes, mises en scène, exposées, vendue comme les anciens tableaux. C'est un commerce juteux qui rapporte aux artistes, mais aussi à ces modèles qui par ce biais engrangent beaucoup d'argent et espèrent passer à la postérité mais à quel prix?



le marché de l'art Hyper Dramatique est dominé par un peintre hollandais, Bruno van Tysch. Ce peintre, habile homme d'affaire a aussi créé une fondation pour développer ses revenus et protéger ses oeuvres qui sont accompagnées par des agents de sécurité. Tous les aspirants modèles ne rêvent que d'une chose être peints par lui. C'est le ças de Clara, jeune espagnole qui ne vit que pour être une toile, qui est prête a accepter tous les sacrifices pour être le modèle original d'une de ses oeuvres.


"Être une oeuvre d'art a quelque chose de... d'inhumain. Tu dois être froide, beaucoup plus froide. Imagine un sujet de film de science fiction : l'art est comme un être d'une autre planète et se manifeste à travers nous. Nous pouvons peindre des tableaux et composer des musiques, mais ni le tableau ni la musique ne nous appartiendrons, parce que ce ne sont pas des choses humaines. L'art nous utilise, petite, il nous utilise afin de pouvoir exister, mais c'est comme un alien. Tu dois penser à ça : quand tu es un tableau, tu n'es pas humaine."

le meurtre du jeune modèle de la toile Défloration, l'un des chefs d'oeuvre de van Tysch passe d'abord pour le geste d'un détraqué, tant cet assassinat est monstrueux, mais il est suivi de près par celui des deux protagonistes du tableau Monstres, autres oeuvre importante du maître. Toute la fondation est en émoi et son service de sécurité enquête. Est-ce l'oeuvre d'un concurrent, d'un fan dérangé? Toujours est-il que dans le contexte de la mise en place de la nouvelle exposition du maître le pire est à craindre.

Ce roman de José Carlos Somoza est une oeuvre hybride. C'est à la fois un roman d'anticipation, un thriller, mais aussi et je dirais surtout une réflexion sur l'art contemporain, sur ses dérives mercantiles poussées ici à l'extrême avec la vente, l'échange de toiles humaines. Un roman passionnant composé comme un tableau. La première partie tourne autour des couleurs, la deuxième autour des formes, et la troisième autour de l'exposition de l'oeuvre. Une construction originale qui nous plonge dans le milieu de l'art sans jamais nous perdre. Une réussite.
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Je lis très rarement des polars sauf quand l'univers se déroule dans l'art!
Ici nous sommes aux croisements du polar, de l'histoire de l'art et de l'anticipation. Un regard acerbe est posé sur notre société du voir et du paraitre au travers du prisme de l'art contemporain et du marché de l'art.
Le récit se construit autour d'une nouvelle tendance développé dans l'art et les expositions, une sorte de croisement monstrueux entre les zoos humains et le body art. L'humain sert de support artistique. Au delà du modèle, l'humain sert de toile.. et un jour, à l'occasion d'une exposition, il y a une dégradation d'oeuvre... donc un meurtre. Et l'enquête démarre. Artiste, toile, commissaires d'expositions, collectionneurs, les différents protagonistes qui font et défont l'oeuvre sont minutieusement décortiqués et révèlent une société où l'humain s'est "chosifié" au profit de l'art et du design. Une très bonne lecture.
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Voici un pavé effrayant décrivant un univers où l'art a repoussé toutes les limites, où le pouvoir de l'argent a définitivement mis à l'écart l'humain, avec une trame quelque peu prévisible mais où les détails ne cessent de surprendre, un essai sur l'art et la perversion du génie, un roman à l'intrigue haletante et originale. C'est le premier livre que je lisais de Somoza, et je pense que ce ne sera pas le dernier.
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C'est sans conteste un des livres les plus glaçants que j'aie lu. L'histoire se passe dans le milieu de l'art contemporain, mais à un moment où les artistes se passionnent pour des toiles vivantes, peintes à même le corps, et l'un des courants de cet art, l'hyperdramatisme, consiste à déshumaniser totalement les "toiles" humaines pour en faire de purs objets.
Or un tueur en série enlève des toiles et les découpe vivantes avec un "découpe-toiles" qui est une sorte de petite tronçonneuse. Les toiles enlevées sont celles du grand maître absolu de l'art hyperdramatique, le génial et fou van Tysch. La police privée de sa fondation mène l'enquête pour éviter que des toiles valant plusieurs millions soient à nouveau détruites, et ce sans les considérer comme des personnes.
Nous suivons aussi le parcours de Clara, une jeune "toile" qui atteint le sommet de son art, c'est à dire la négation de soi-même pour être entièrement dans le désir de l'artiste.
A travers les excès de cet art factice inventé pour le roman, c'est tout une réflexion poussée sur l'art et son côté parfois mortifère, sur le rapport de l'artiste à l'oeuvre et sur ce qui fait, ou défait, notre humanité, et sur l'emprise de l'argent sur le monde de l'art. Inutile de révéler les excès de cet "art", il suffit de dire que l'auteur a pensé la situation dans toute son horreur. Un très long texte qui n'épargne rien au lecteur et qui se révèle un thriller implacable jusqu'à la dernière ligne.
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Somoza a le don de l'étrange et Clara et la pénombre est un livre puissamment bizarre, où l'on se perd allègrement depuis les salles d'exposition jusqu'à l'intimité crue des toiles humaines...A découvrir absolument !
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Le cadre de ce roman est l'art corporel. Comme dans tous les Somoza que j'ai lus jusqu'ici, la démesure, l'hybris conduit au surgissement du monstre (humain ou non), qui perpètre une série de crimes horribles. Ici, les déviances du body art pour cause d'avidité et de connivence entre art et "gros sous" constituent l'hybris et fondent l'intrigue, mais une recherche sommaire m'a permis de vérifier qu'il existe un certain nombre de références précises à des oeuvres et à des artistes bien réels des années 60 à 90. Déjà dans certaines de ces performances s'opérait la dangereuse et troublante confusion entre personne humaine et oeuvre d'art, qui pouvait mener à la déshumanisation de la première, proportionnelle à la valeur reconnue à l'autre : mais tant que l'artiste disposait de son propre corps, et malgré toutes les polémiques (cf. par ex. en France les interventions chirurgicales d'Orlan dans les années 90), cette déshumanisation n'allait pas de pair avec la marchandisation et une sorte d'esclavage des corps d'autrui... Dans le roman, au contraire, ce seuil est dépassé, la marchandisation est là, les personnages acceptent de se déposséder de leur corps et de leur humanité tout entière, jusqu'à l'immolation. Néanmoins la problématique de la marchandisation est bien réelle et bien actuelle.
Cette réalité et proximité avec des problématiques concrètes de notre propre temps, ainsi que la persistance du sentiment de l'horreur sont sans doute les raisons qui, pour la première fois, m'ont provoqué un heurt au cours de cette lecture, dont je reconnais pourtant le très fort impact - et, comme toujours, le caractère addictif du texte.
Parfois j'ai mépris ces heurts pour des longueurs ou des répétitions. Mais le trouble est voulu et savamment construit. Et peut-être pour la première fois aussi je mesure combien cette construction, outre qu'une formidable recherche littéraire, constitue aussi un acte de contestation politique.
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Le jour où je suis tombé sur ce livre, j'ai eu une sacrée chance : un roman policier, doublé d'un scénario d'anticipation et triplé d'une réflexion sur l'art contemporain… Trois pour le prix d'un ! Et en prime, un titre délectable (Clara, quel joli prénom…), une belle héroïne qui se met en danger en offrant son corps à l'Art, et un écrivain malin qui déroule ses entrelacs tout au long des six cent et quelques pages de ce délectable petit pavé qui fait bien réfléchir sur les tendances, tentations et dérives de notre art contemporain, tout un roman !
J'ai imaginé une couverture originale pour ce roman, à découvrir sur mon site.
Lien : https://www.lisiere.com/phot..
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