La dama número trece
Traduction :
Marianne Millon
Ici aussi, un gros roman : cinq-cent-cinquante-et-une pages. Somoza a un faible pour les pavés, probablement parce que les histoires qu'il imagine ressemblent à des labyrinthes aux méandres infinis. "
La Dame N° 13" ne manque pas à la règle mais à ce jour, ce livre reste pour nous l'un des moins convaincants de son auteur.
Le thème pourtant a de quoi séduire un grand lecteur puisqu'il s'agit du pouvoir des mots et tout particulièrement du pouvoir de la poésie. le héros du roman, jeune professeur de lettres en dépression, poète à ses heures, possède une merveilleuse bibliothèque, remplie exclusivement d'ouvrages où les plus grands poètes voisinent avec les moins connus. Dans cet univers qu'on pourrait croire voué à la douceur et à la beauté, au pire à celles, tristement suaves, de la nostalgie et du regret puisque, deux ans plus tôt, notre homme a perdu son épouse, Beatriz, dans des circonstances tragiques, des ombres sinistres et à première vue incompréhensibles commencent à s'infiltrer sous la forme d'un cauchemar récurrent. Une grande maison solitaire, un assassinat atroce, une errance fantomatique dans la maison à la recherche de ... de quoi, exactement ?
La répétition du cauchemar pilonne de façon insupportable le cerveau de Salomón
Rulfo, puisque tel est le nom de notre héros. le malaise et, disons-le, la peur, atteignent un tel degré qu'il songe même à se confier à un médecin. Surtout quand il apprend, aux informations télévisées, qu'un crime s'est effectivement déroulé dans une maison absolument semblable à celle qu'il voit dans ses rêves. Mais quand il se résout à pénétrer dans cette étrange demeure, à la porte de laquelle est gravée une citation de "La Divine Comédie" : "lasciate ogni speranza / laissez ici tout espoir", il ne se doute pas que les événements vont l'aspirer dans une aventure incroyable où la pitié ne sera jamais de mise pour les vaincus.
L'idée est plus qu'intéressante : elle est belle et tout amateur de littérature est tenté d'y croire - ne connaissons-nous pas, au plus intime de notre être, la merveilleuse puissance des mots ? Maintenant, est-ce la manière un peu trop "éclatée" dont elle est traitée ou la trop grande froideur du personnage féminin principal ? A moins que cette façon exclusivement négative et souvent atroce d'utiliser un pouvoir dont lui-même a pu apprécier, à divers moments de son existence, l'indicible générosité, ne parvienne pas à convaincre réellement le lecteur pur et dur, celui qui, tout comme Salomón et tout comme "les Dames", ne saurait vivre loin des bibliothèques et de leurs hôtes éternels ? ...
C'est à cette explication que nous nous arrêterons tout en vous recommandant néanmoins de lire "
La Dame N° 13", lequel demeure tout de même un bon roman d'épouvante à défaut de se révéler aussi complexe que "
Clara et la Pénombre" ou encore "
La Caverne des Idées." ;o)