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Citations sur Manaraga (7)

Je suis né à Budapest, il y a trente-trois ans, d'un juif de Biélorussie et d'une Tatare polonaise. Mes parents étaient des réfugiés : mon père avait fui les fondamentalistes orthodoxes, ma mère ceux de l'islam - dans les deux cas, des obscurantistes barbus, qui voulaient être aimés et compris des populations, et, à cette fin, bombardaient, incendiaient, égorgeaient, fusillaient sans pitié.
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« Fahrenheit 451, et les meilleurs steaks sont à vous ! »
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Les livres sont pareils aux chevaux, sauvages et fantasques, il faut savoir les prendre. Je n'use ni de cravache ni d'éperons. De la tendresse, rien que la tendresse !... Pour moi, les livres ne sont pas simplement des bûches, comme on les appelle dans notre communauté de cuisiniers clandestins. Quoi qu'on en dise, le livre c'est tout un monde, certes à jamais disparu. (...) Et je sais pertinemment que si vous aimez vraiment un livre, il vous le rendra en vous donnant toute sa chaleur.
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[…] grâce à ma puce, je lis couramment douze langues. Il n’y a que le russe parlé qui me pose problème. Ca se comprend : pas facile, aujourd’hui, de trouver quelqu’un qui le parle. Des Russes, je n’en ai connus que dans mon enfance, quand ils venaient chercher du travail chez nous, à Budapest. C’était dur pour eux, leur Titanic, qui avait pour nom Russie postsoviétique, sombrait. J’étais gamin, mais je me rappelle un Russe un peu bourré qui faisait un genre de confession. Il comparait ses compatriotes aux juifs : les seconds avaient été chassés de leurs terre par Dieu et dispersés à travers le monde parce qu’ils avaient crucifié le Christ ; les premiers, parce qu’ils avaient crucifié l’homme. « On a crucifié ce qui était nous en nous, qu’il répétait. On l’a crucifié ! Et à cause de ça, la Russie est aspirée dans un trou noir ! » J’avoue qu’à l’époque, je ne voyais pas du tout le sens de ce qu’il racontait. Plus tard, j’ai pigé. N’empêche que les Russes, une fois hors de leur communauté, se sont vite intégrés. Au bout du compte, ils ne se débrouillent pas plus mal que les autres : il y a trois grands noms russes de book’n’grill chefs, qui cuisinent exclusivement au roman anglais, et je suis prêt à m’incliner devant l’un d’eux, Leo Volkoff. Ce type a dix ans de moins que moi, mais il est déjà une star de notre Cuisine. Son menu de Noël au Virginia Woolf, l’an dernier, restera dans les annales : un ensemble de petits bouquets composés de gibiers à plumes et de poissons de rivière, de légumes, de fruits, et cuits avec une inimitable virtuosité.
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Poignée de main à Walid. Auquel je tends l’argent. Marcel presse sa Futée et, quelques instants plus tard, déboule le Hummer blindé des facteurs. Les gardes sortent, toutes Futées piaulantes. Un facteur montre le nez. Ce ne sont jamais les mêmes, leur réseau postal couvre le monde entier. Celui d’aujourd’hui est un gars de petite taille, au type mexicain. Son visage est totalement inexpressif. Les facteurs sont des gens sûrs, parce qu’ils vivent grâce à nous, bouquinistes et cuisiniers. Leur impitoyable dureté envers les pirates de librairie est devenue légendaire. Ils ont écorché vif un Roumain qui avait bricolé dans sa cave une « édition originale de Don Quichotte« , l’ont transformé en reliure et on mis le bouquin sous la tête du malheureux, dans son cercueil. Sur toutes les pages, figurait la même phrase : Anathema maranatha. Mieux vaut être en bons termes avec eux…
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Six mois plus tard néanmoins, alors que le pillage des musées et des bibliothèques à travers le monde était devenu monnaie courante, l’humanité dut décréter que le book’ n’ grill était un crime non seulement contre la culture, mais aussi contre la civilisation. La hache de la loi ne fut plus suspendue au-dessus des seuls cuisiniers, des voleurs de livres et des clients, mais encore des invités simplement désireux de tester le carré d’agneau rôti au Don Quichotte ou le steak de thon grillé au Moby Dick. Il va de soi que les premiers procès furent retentissants et s’achevèrent par des condamnations exemplaires : l’humanité préservait son patrimoine culturel. Sa part éclairée craignait que, sans les livres des musées, l’Homo sapiens ne se changeât définitivement en singe, un i-Phone dans la patte. C’est ainsi que le livre fut inscrit sur la Liste rouge des espèces menacées.
Et c’est tant mieux ! La valeur du book’ n’ grill en fut aussitôt décuplée. Il en résulta une sélection qui éjecta les dilettantes. Il n’y eut plus pour lire que de vrais professionnels. Une Cuisine naquit, avec ses rites, ses traditions, sa hiérarchie, ses finances, son service de sécurité. Mais les risques s’accrurent d’autant. On commença à écoper de peines de détention pas piquées des hannetons. On rangea les cuisiniers clandestins dans la catégorie des terroristes internationaux : cela ne dura pas, c’était franchement exagéré ; il n’empêche que nous traînons derrière nous, visiblement pour toujours, une réputation de criminels – une marque d’infamie dont nous ne nous débarrasserons pas, Messieurs ! Nous sommes les comètes du book’ n’ grill, tout retour en arrière nous est interdit. Je le dis d’expérience : ceux qui ont tenu un morceau de bœuf grésillant au-dessus d’un Shakespeare en flammes, acquis sous la menace d’armes à feu, ceux qui, coiffés de la toque d’un blanc de neige, ont contemplé la face de gros pleins de fric, d’aristocrates, de politiciens, de bandits, d’acteurs, jouant des mandibules avec componction, ceux qui ont touché pour leurs efforts une belle blanquette dans une enveloppe – ceux-là ne se mettront plus aux fourneaux d’un restaurant ordinaire.
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Soir : Brochettes d’esturgeon grillées à L’Idiot. Roman bon poids, 720 grammes, du massif, 509 pages, papier vélin, reliure pleine toile. A largement suffi pour huit brochettes.
Comme convenu, le client et ses sept invités avaient solennellement pris place autour du grill. Pas seulement, bien sûr, pour se convaincre que j’utilisais vraiment l’édition originale comme combustible, un volume à 8 700 livres sterling, que je ne lui avais substitué je ne sais quel polar nordique du XXIe siècle, étalant cent cinquante nuances de médiocrité. Ils voulaient de l’art. Ils ont été servis.
Tout était pile poil. Et moi, j’étais au top. Évidemment, il n’y a qu’un book’ n’ griller averti pour connaître toutes les chausse-trappes qu’il doit éviter dans son job. Ça, c’est notre tambouille interne. Au temps où on imprimait les romans, on usait, comme chacun sait, de différents types de papier. Qui brûlent de diverses façons. Parfois, le feu s’étouffe, parfois il fait des étincelles, du coup les pages flambent et se collent à la viande ou volettent au-dessus de la tête des clients. Nos grills sont équipés de groupes filtrants, qui empêchent le papier de s’enflammer ou de se calciner. Généralement, ils ne servent qu’aux débutants. Un vrai chef doit faire travailler ses mains et sa tête. Les groupes de filtration réduisent la flamme autant que l’ampleur du spectacle. En aspirant l’air, ils rendent les choses moins présentables. Or, le livre doit être éclatant, il doit flamboyer, subjuguer. Un chef expérimenté a l’obligation de préparer l’ensemble du processus comme une partie d’échecs, de garder son sang-froid, alors qu’il joue les funambules au-dessus de l’abîme. Reliure, bande d’extrémité, toile, carton, gaze, ficelle de chanvre, signets, colle à la caséine, fleurs séchées, poux punaises, cafards, qui ont pu se loger dans le dos du livre – autant de menaces secrètes qu’il est indispensable de prendre en compte. Un jour, un cuisinier a vu s’enflammer un microfilm qui, au milieu du XXe siècle, avait été inséré dans la tranchefile. Un autre a eu des problèmes avec une reliure anthropodermique des Cent vingt journées de Sodome. Tout peut arriver, absolument tout. Le moindre faux pas, pas assez ou trop d’assurance, et c’est la catastrophe. J’exerce un métier à risque. Dans le meilleur des cas, je perds de l’argent, on me balance un verre de vin à la figure ou on m’assomme avec ma vaisselle de luxe. Dans le pire, le cuisinier se prend une balle molle, voire – bien souvent – dure, dans la tronche. De nos jours, les criminels sont de plus en plus friands de festins bouquinistiques. Et, depuis la guerre, les armes pullulent en Europe. Il y a, chez les Allemands d’aujourd’hui, un écho de l’âge d’or d’avant les hostilités.
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