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Vladimir Sorokine (Autre)Anne Coldefy-Faucard (Traducteur)
EAN : 9782355970382
254 pages
Coédition L'Inventaire (15/03/2019)
4/5   8 notes
Résumé :
Coédition L'Inventaire/Nouveaux Angles. Livre inclus dans le programme " La Bibliothèque russe. Les 100 incontournables de la littérature russe " (Moscou). Un monde très proche du nôtre dans le temps et dans son évolution. Le progrès technique fait des ravages, les hommes ont des " puces " électroniques qui leur permettent de tout connaître sans effort. L'ère de l'écrit est révolue. Les livres papiers ont disparu, à l'exception de premières éditions, clonées à la de... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Je me souviens de Pepe Carvalho, son goût prononcé pour la bonne chère, mettant dans la cheminée des livres et la réplique d'Alma "— Tu n'es qu'un fasciste. Un cuistot !". Est-ce que Vladimir Sorokine avait lu le Quintette de Buenos Aires avant d'écrire Manaraga ?

Sorokine va poursuivre dans cette voie en alliant le goût des livres les plus prestigieux aux mets qu'ils grilleront et leur donneront cet incomparable fumet. L'auteur propose au menu des chefs cuistots un tour du monde littéraire des meilleurs plats cuits à la chaleur des "bûches" (anciennement dénommés livres, roman, volumes), rissolés à point aux plus juteux des mots d'auteurs prestigieux. Il faut le meilleur en tout. Fallait oser.

Et ce n'est pas si farfelu que ça quand dans ce monde futuriste, le tout numérique aura fait perdre l'intérêt des gens pour la beauté de la lecture sur papier. Que faire de ces bibliothèques qui regorgent de si magnifiques ouvrages ? Aussi, dans ce nouveau monde où la violence est monnaie courante, où les puces incorporées dans votre cerveau vous dictent ce qui est le mieux pour vous, où chacun, sans repère autre que celui du gain, tente de survivre, faire le choix d'intégrer la confrérie de la Cuisine n'est pas si bête. Avec la Cuisine, l'avenir des cuistots est assuré (en marge de la légalité bien évidemment, mais ça pimente le quotidien et assure de conséquentes rentrées d'argent).

Mais est-ce que la nature humaine peut se contenter de ce simple schéma, un peu mafieux certes ? Que voilà qu'arrivent sur le marché des livres clonés d'Ada ou l'ardeur de Nabokov. Alors que tous les cuistots s'étaient répartis le marché en fonction de leurs origines géographiques, Ada bouleverse la donne. "Ada a été écrite en anglais par un amateur russe, en Suisse, dans un canton francophone. C'est ça le hic ! le livre est lu par des Américains, des Anglais, des Russes et même des Suisses." Qui va pouvoir gérer le problème Ada ? Les prix vont chuter si les bûches se multiplient !

J'ai beaucoup apprécié l'humour de Sorokine avec ses Books' n' grills, les descriptions de la cuisson, des ustensiles du chef cuisinier (sans oublier son petit côté Jeeves dans le service aux petits oignons) et l'humour déclaré de l'auteur dans les alliances "roman-auteur-plat"

Un petit festin qui se déguste avec plaisir et la pépite évidemment :
« Fahrenheit 451, et les meilleurs steaks sont à vous ! »
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2050, suite à deux révolutions islamistes et une guerre, l'Europe se remet de ses plaies dans un moyen-âge high-tech étrange. L'ère du livre papier et du manuscrit est révolue, devenant pièces de musée d'exception. Une mode brûlante et clandestine enfle, celle des books'n'grills ! Autodafé alimentaire, les livres – chefs-d'oeuvre aux éditions originales – ont remplacé le charbon dans des barbecues hors de prix. Ce monde grotesque se découvre à nous par un prisme lui-même en décalage du système. Nous suivons le quotidien de Gueza et ses « futées » – puces « électroniques » qui règlent, accompagnent et renseignent sa vie, – des « cuisiniers » hors-la-loi. Entre marchés noirs du livre, cuisine à domicile chez d'excentrique plein aux as à travers le monde, réunion extraordinaire de la mafia des books'n'grills, complot moléculaire…

Ce high-concept aura beau donner l'impression d'être tiré par les cheveux, Vladimir Sorokine s'échinera de toute son âme à le rendre diablement concret et ne manquera jamais de nous paraître signifiant : sur la matérialité des choses, sur l'évolution des us et coutumes, sur la place de la technologie, sur la révolution industrielle qui a permis la multiplication du produit culturel, sur les révolutions qui singe la révolution pour n'être qu'un nouveau système de domination incrémentée +1, sur les contre-cultures qui deviennent populaires à l'apogée de chaque génération, sur la place de l'art et la littérature, sur la matière qu'est la langue, sur le contrôle mental et la technologie envahissante, sur la fiction, sur la réalité, sur l'empiètement de l'un sur l'autre… Manaraga interroge les mondes modernes derrière son auvent ubuesque. Publié en 2017, le roman reflète les crises patentes et latentes qui planent sur l'Europe.

Vladimir Sorokine donne à son écriture les moyens de ses projets. Il va la fouiller, lui donner un souffle, une musicalité, jonglant entre vocabulaire riche, néologismes pseudo-futuristes, et vulgarité splendide. À travers le narrateur Gueza et ses « futées » – car de leurs présences fluctuent les détails, – l'auteur ne va pas hésiter à jouer de la stylistique pour imiter l'essoufflement du personnage dans une course effrénée, sa chute d'un avion, ses bugs de cerveau sous-traité. Cela n'est pas sans me rappeler le travail de e. e. cumming sur sa poésie typographique. En outre, romancier post-moderniste, les romans dans le roman sont de la partie, nous gratifiant du texte Tolstoï, par Leon Tolstoï – aucun lien – homonyme de Leon Tolstoï ; ou bien les restes carbonisés de quelques pages ayant résisté aux flammes du grill ; ou encore un flash électronique et littéraire, pur produit de la littérature de 2050 ; un extrait d'opéra ; un essai philosophique révisé ; les pitch holographique, etc. etc.

Coup de coeur évident, j'ai grignoté les 250 pages de ce roman aussi vite que les langues de flamme dans le grill. Au menu ce soir, nous vous proposons ours à la Sorokine avec sa sauce vodka aux glaces du Manaraga (éd. L'Inventaire/Nouveaux Angles, 2019).
Lien : https://disappearagain.wordp..
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Je n'ai jamais lu de livres de l'auteur mais je dois vous avouer que son résumé a eu le mérite de piquer ma curiosité, c'est pour cette raison que j'ai voulu tenter l'aventure même si je suis totalement contre la disparition du livre papier sous prétexte que les gens ne lisent plus ! Je suis également contre l'implantation d'une puce électronique qui me dicterait ma vie et qui me stalkerait (espionnerait) ! Vive la technologie n'est-ce pas !



Notre narrateur est un "book'n griller" depuis neuf ans. Il est un très grand cuisinier qui lit, qui lit beaucoup et bien c'est-à-dire qu'il sait aussi bien manier les légumes que les ouvrages classiques, ceux d'un autre temps. Ses auteurs à lui sont les auteurs de la littérature russe. On va trouver de drôles de plats avec des clins d'oeil fort sympathique comme par exemple "Croquettes de carottes avec feuillets manuscrits de Tolstoï".



Ce Chef hors-pair a des clients dans le monde entier, il passe sa vie dans les avions à naviguer de pays en pays avec sa mallette d'ustensiles sous le bras pour cuisiner pour les gastronomes qui viennent le voir.



Ça, c'était pour le côté léger et jovial car l'auteur a imaginé une révolution islamique, une guerre dont l'Europe n'est pas sortie indemne. Ce côté obscur de l'histoire est là pour dresser l'assiette de l'auteur qui nous dépeint les bons et les mauvais côtés d'un monde qui continue sur une mauvaise lancée.



C'est la débâcle ! Plus de livres papier, les personnes ne suivent plus l'actualité, les informations qui sont importantes, des puces sont implantées dans les corps... Rien ne va plus dans le monde du futur ! le prix de la culture pour bien manger est élevé ! Les musées sont pillés pour pouvoir manger des mets délicats, dans la clandestinité mais avec beaucoup de délices ! La bonne bouffe serait-elle incompatible avec les oeuvres d'art ?



Ce livre est étonnant et burlesque. L'auteur nous parle de la fin du papier, de la culture, de l'art qui ne dépendra finalement que de puces électroniques. L'auteur a un style bien à lui qui matche dans son récit hors norme.



Tout ça pour vous dire que ce livre qui m'a intrigué au début a su retenir toute mon attention jusqu'à la fin car j'étais curieuse de savoir comment allait se finir l'histoire de notre books'n'grills...




Lien : https://leslecturesdeladiabl..
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Un fabuleux et hautement métaphorique thriller d'anticipation, à base d'art de cuisiner la littérature, (presque) stricto sensu.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2019/04/23/note-de-lecture-manaraga-vladimir-sorokine/
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Je suis né à Budapest, il y a trente-trois ans, d'un juif de Biélorussie et d'une Tatare polonaise. Mes parents étaient des réfugiés : mon père avait fui les fondamentalistes orthodoxes, ma mère ceux de l'islam - dans les deux cas, des obscurantistes barbus, qui voulaient être aimés et compris des populations, et, à cette fin, bombardaient, incendiaient, égorgeaient, fusillaient sans pitié.
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Les livres sont pareils aux chevaux, sauvages et fantasques, il faut savoir les prendre. Je n'use ni de cravache ni d'éperons. De la tendresse, rien que la tendresse !... Pour moi, les livres ne sont pas simplement des bûches, comme on les appelle dans notre communauté de cuisiniers clandestins. Quoi qu'on en dise, le livre c'est tout un monde, certes à jamais disparu. (...) Et je sais pertinemment que si vous aimez vraiment un livre, il vous le rendra en vous donnant toute sa chaleur.
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[…] grâce à ma puce, je lis couramment douze langues. Il n’y a que le russe parlé qui me pose problème. Ca se comprend : pas facile, aujourd’hui, de trouver quelqu’un qui le parle. Des Russes, je n’en ai connus que dans mon enfance, quand ils venaient chercher du travail chez nous, à Budapest. C’était dur pour eux, leur Titanic, qui avait pour nom Russie postsoviétique, sombrait. J’étais gamin, mais je me rappelle un Russe un peu bourré qui faisait un genre de confession. Il comparait ses compatriotes aux juifs : les seconds avaient été chassés de leurs terre par Dieu et dispersés à travers le monde parce qu’ils avaient crucifié le Christ ; les premiers, parce qu’ils avaient crucifié l’homme. « On a crucifié ce qui était nous en nous, qu’il répétait. On l’a crucifié ! Et à cause de ça, la Russie est aspirée dans un trou noir ! » J’avoue qu’à l’époque, je ne voyais pas du tout le sens de ce qu’il racontait. Plus tard, j’ai pigé. N’empêche que les Russes, une fois hors de leur communauté, se sont vite intégrés. Au bout du compte, ils ne se débrouillent pas plus mal que les autres : il y a trois grands noms russes de book’n’grill chefs, qui cuisinent exclusivement au roman anglais, et je suis prêt à m’incliner devant l’un d’eux, Leo Volkoff. Ce type a dix ans de moins que moi, mais il est déjà une star de notre Cuisine. Son menu de Noël au Virginia Woolf, l’an dernier, restera dans les annales : un ensemble de petits bouquets composés de gibiers à plumes et de poissons de rivière, de légumes, de fruits, et cuits avec une inimitable virtuosité.
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Soir : Brochettes d’esturgeon grillées à L’Idiot. Roman bon poids, 720 grammes, du massif, 509 pages, papier vélin, reliure pleine toile. A largement suffi pour huit brochettes.
Comme convenu, le client et ses sept invités avaient solennellement pris place autour du grill. Pas seulement, bien sûr, pour se convaincre que j’utilisais vraiment l’édition originale comme combustible, un volume à 8 700 livres sterling, que je ne lui avais substitué je ne sais quel polar nordique du XXIe siècle, étalant cent cinquante nuances de médiocrité. Ils voulaient de l’art. Ils ont été servis.
Tout était pile poil. Et moi, j’étais au top. Évidemment, il n’y a qu’un book’ n’ griller averti pour connaître toutes les chausse-trappes qu’il doit éviter dans son job. Ça, c’est notre tambouille interne. Au temps où on imprimait les romans, on usait, comme chacun sait, de différents types de papier. Qui brûlent de diverses façons. Parfois, le feu s’étouffe, parfois il fait des étincelles, du coup les pages flambent et se collent à la viande ou volettent au-dessus de la tête des clients. Nos grills sont équipés de groupes filtrants, qui empêchent le papier de s’enflammer ou de se calciner. Généralement, ils ne servent qu’aux débutants. Un vrai chef doit faire travailler ses mains et sa tête. Les groupes de filtration réduisent la flamme autant que l’ampleur du spectacle. En aspirant l’air, ils rendent les choses moins présentables. Or, le livre doit être éclatant, il doit flamboyer, subjuguer. Un chef expérimenté a l’obligation de préparer l’ensemble du processus comme une partie d’échecs, de garder son sang-froid, alors qu’il joue les funambules au-dessus de l’abîme. Reliure, bande d’extrémité, toile, carton, gaze, ficelle de chanvre, signets, colle à la caséine, fleurs séchées, poux punaises, cafards, qui ont pu se loger dans le dos du livre – autant de menaces secrètes qu’il est indispensable de prendre en compte. Un jour, un cuisinier a vu s’enflammer un microfilm qui, au milieu du XXe siècle, avait été inséré dans la tranchefile. Un autre a eu des problèmes avec une reliure anthropodermique des Cent vingt journées de Sodome. Tout peut arriver, absolument tout. Le moindre faux pas, pas assez ou trop d’assurance, et c’est la catastrophe. J’exerce un métier à risque. Dans le meilleur des cas, je perds de l’argent, on me balance un verre de vin à la figure ou on m’assomme avec ma vaisselle de luxe. Dans le pire, le cuisinier se prend une balle molle, voire – bien souvent – dure, dans la tronche. De nos jours, les criminels sont de plus en plus friands de festins bouquinistiques. Et, depuis la guerre, les armes pullulent en Europe. Il y a, chez les Allemands d’aujourd’hui, un écho de l’âge d’or d’avant les hostilités.
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Six mois plus tard néanmoins, alors que le pillage des musées et des bibliothèques à travers le monde était devenu monnaie courante, l’humanité dut décréter que le book’ n’ grill était un crime non seulement contre la culture, mais aussi contre la civilisation. La hache de la loi ne fut plus suspendue au-dessus des seuls cuisiniers, des voleurs de livres et des clients, mais encore des invités simplement désireux de tester le carré d’agneau rôti au Don Quichotte ou le steak de thon grillé au Moby Dick. Il va de soi que les premiers procès furent retentissants et s’achevèrent par des condamnations exemplaires : l’humanité préservait son patrimoine culturel. Sa part éclairée craignait que, sans les livres des musées, l’Homo sapiens ne se changeât définitivement en singe, un i-Phone dans la patte. C’est ainsi que le livre fut inscrit sur la Liste rouge des espèces menacées.
Et c’est tant mieux ! La valeur du book’ n’ grill en fut aussitôt décuplée. Il en résulta une sélection qui éjecta les dilettantes. Il n’y eut plus pour lire que de vrais professionnels. Une Cuisine naquit, avec ses rites, ses traditions, sa hiérarchie, ses finances, son service de sécurité. Mais les risques s’accrurent d’autant. On commença à écoper de peines de détention pas piquées des hannetons. On rangea les cuisiniers clandestins dans la catégorie des terroristes internationaux : cela ne dura pas, c’était franchement exagéré ; il n’empêche que nous traînons derrière nous, visiblement pour toujours, une réputation de criminels – une marque d’infamie dont nous ne nous débarrasserons pas, Messieurs ! Nous sommes les comètes du book’ n’ grill, tout retour en arrière nous est interdit. Je le dis d’expérience : ceux qui ont tenu un morceau de bœuf grésillant au-dessus d’un Shakespeare en flammes, acquis sous la menace d’armes à feu, ceux qui, coiffés de la toque d’un blanc de neige, ont contemplé la face de gros pleins de fric, d’aristocrates, de politiciens, de bandits, d’acteurs, jouant des mandibules avec componction, ceux qui ont touché pour leurs efforts une belle blanquette dans une enveloppe – ceux-là ne se mettront plus aux fourneaux d’un restaurant ordinaire.
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Vidéo de Vladimir Sorokine
Dimanche 16 mai 2010 Rencontre avec le romancier russe Vladimir Sorokine, Anne Coldefy-Faucard et Luba Jurgenson : « L'espace dans l'oeuvre de Sorokine », dans le cadre du banquet de printemps 2010 intitulé "L'Espace russe".

Vladimir Sorokine est connu dans les milieux non-conformistes depuis la fin des années soixante-dix. Il est né en 1955, et devient un écrivain russe majeur après l'effondrement de l'Union soviétique. Ses romans, nouvelles, récits et pièces de théâtre sont de véritables événements, suscitant louanges, critiques acerbes, contestations, indignation. Écrit dans les années 1985-1989, Roman est un des chefs-d'oeuvre de l'auteur. Il est publié en 2010 en français chez Verdier, en même temps que La Voie de Bro (Éd. de l'Olivier).
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