Elle [Jessica] n'est pas la veuve d'un accidenté, d'un héros de guerre, d'un homme affligé d'une maladie incurable. Elle est celle que son mari a décidé d'abandonner en ne trouvant que la mort pour ligne de fuite.
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Je crois que ce pays ramène à la raison. Une force sourd de son sol ingrat, de ses ciels violents. De ses tourbières. Et nous renvoie à une modestie reposante pour peu que nous admettions notre condition.
[...] Ici c'est différent. Nous avons beaucoup à apprendre.Il nous faut du silence.
J'admire ton courage. Je méprise ta lâcheté. Je respecte ta constance. Je hais la manière de te défausser sur moi, sur nous.
Au bout du chemin, la ferme lui apparait telle que sur la photographie.
Cette impression de familiarité la bouleverse.
Ce qui saccage sa vie et celle de Phil trouve sa source ici.
Contrairement à ce qu'espérait Phil, la destruction des archives n'a en rien refermé les plaies.
Sur le coup, j'ai trouvé que Samuel exagérait, car il devait bien imaginer comme je brûlais de curiosité. La discrétion est sa marque. Samuel est un homme dans l'ombre. Une ombre qui n'est ni obscurité, ni crépuscule. Encore moins ténèbres.
Il se sait observé. La complicité des corps, lorsqu'elle est dissimulée, tenue à distance par les vêtements, contrainte par la situation, a toujours fasciné Jessica. Les baisers réprimés sont parfois plus forts que ceux qui se posent sur les lèvres.
C'était fini. Et c'est bien ainsi. Samuel faisait son possible, je le lui accorde, pour ne pas m'apparaître en pleine lumière. Il s'est montré discret. Il t'appelait Abel, moi je disais Alexandre. Nous ne cédions ni l'un ni l'autre. Nous possédions chacun une moitié de toi. Nous n'avions pas envie de la lâcher. Nous n'étions pas encore prêts à recoller tes deux prénoms. À te reconstruire dans ta complétude.
À t'admettre tel que tu étais.
Jessica a renoué avec la duplicité. Cela lui fait du bien. Depuis trop longtemps elle encaisse sans esquiver. Tromper, illusionner, leurrer, se jouer, c'est important si l'on veut se sentir en vie.
Chaque époque ne fait que gratter en surface pour réécrire quelque chose de nouveau. En profondeur, c'est un millefeuille. Chez elle, dans l'Illinois, elle n'a jamais eu cette sensation de marcher sur un empilement de passés.