AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,55

sur 30 notes
5
3 avis
4
3 avis
3
3 avis
2
0 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Rechercher des romancières africaines, particulièrement d'Afrique Noire, est une expérience intéressante. Après 5 ou 6 résultats pertinents, on se retrouve rapidement avec des romanciers africains, la question du genre étant joyeusement abolie par le moteur de recherche qui décide sans doute que la requête est trop fastidieuse. Et il est vrai qu'elles doivent se battre pour se forger une place, ses femmes auteurs de romans, comme dans la plupart des continents du monde d'ailleurs.

Rencontrer la prose d'Aminata Sow Fall est donc une chance, elle qui fut parmi les premières à se lancer dans le grand bain, son premier roman Les revenants étant publié dès 1976. Elle bénéficie tout de même d'un certain terreau propice puisque la littérature sénégalaise est tout de même, parmi ses consoeurs africaines, celle qui a laissé le plus de place aux auteures, Maryama Ba à son époque ou Ken Bugul et Fatou Diome à sa suite. Par facilité, je la découvre via son dernier roman L'Empire du mensonge, paru lui en 2017.

Le roman s'attarde sur un groupe d'amis, dont l'histoire commune a forgé l'envie de construire leur pays sur leur propre labeur, en lutte avec l'hypocrisie, les magouilles et les compromissions ambiantes. L'histoire s'ouvre sur une réunion habituelle du groupe où on sent que le respect des valeurs partagés vient parfois se heurter aux réalités politiques du quotidien. On est intéressé à l'avance par la façon dont l'auteur va faire s'affronter idéaux et monde concret... mais on est ensuite plongé dans le récit de la constitution de ce groupe fraternel, en partant de la rencontre dans l'enfance, puis en se centrant sur l'évolution du personnage de Sada, celui-là même qu'on sent en difficulté au début du livre. L'auteur tisse habilement tout ce qui fait la construction de l'homme, ses liens familiaux comme sa formation scolaire ou pratique, les préceptes religieux, tout ce qui fait ce "d'où il vient" que son père l'incite à ne pas oublier. Un "d'où il vient" plus philosophique que géographique, ce socle de valeurs qui doit permettre de ne jamais se renier.

Tout cela est plutôt bien narré, avec un style fait de beaucoup de phrases nominales qui ne m'ont pas gênées dans la lecture, l'émotion passant parfaitement bien même avec une pénurie de verbes que l'auteur n'use que quand il s'agit de décrire brièvement certaines actions. le recours aux proverbes de sagesse populaire africaine est également agréable, totalement en cohérence avec le propos qui insiste sur la nécessité des racines, d'un ancrage qui empêche de vaciller quand le bateau tangue.

Cela ne peut que nous faire regretter que la situation tendue du début ne soit pas mieux exploitée car on en reste finalement à de grands principes certes essentiels pour imaginer une Afrique plus autonome et responsable de ses actes, sans rechercher une tutelle continuelle de grandes puissances ou chercher à accuser le passé. le malaise de la scène initiale était finalement le plus intéressant à interroger, car c'est lui qui fait que toutes ces belles idées tardent à trouver une application concrète dans des pays dont les forces vives ne manquent pourtant pas. L'auteure a décidé de ne faire que l'effleurer, consciente peut-être elle aussi que le défi était bien dur à relever.
Commenter  J’apprécie          532
Au Sénégal, il est de tradition de se retrouver dans la cour pour palabrer. Borso a nommé "L'empire du mensonge" un espace commun de débats et de lecture. C'est une façon de théâtraliser le mensonge, qui devient une règle courante dans le monde moderne d'après ce que disent les plus anciens.
En fait, Aminata Sow Fall raconte l'histoire de différentes personnes, notamment le trio d'amis Sada, Boly et Mignane qui se sont retrouvés à l'âge adulte après avoir été séparés petits. Ils étaient liés depuis leur enfance par la maison où leurs parents étaient colocataires bien que d'origines, de cultures et d'appartenances diverses.
C'est le plus pauvre, Sada, dont nous suivons l'histoire et celle de son père Mapaté qui veut marcher sur les traces de son illustre Grand-père Serigne Modou Waar, éminent érudit, descendant d'une lignée prestigieuse de l'empire Mandingue. Il donnera une mission à son fils : apprendre le monde et ne jamais oublier d'où il vient.
Les femmes ne sont pas en reste puisque Coumba est l'amie des jumelles Borso et Yassine la femme de Sada.
Entre le passé et le présent tout le monde s'entretient dans les bonnes intentions. Malheureusement il y a un côté c'était mieux avant... dieu et la tradition... qui m'a semblé un peu trop appuyé.


Commenter  J’apprécie          90
Je suis partie pour une petite virée au Sénégal, courte (121 pages) lues d'un trait. J'ai retrouvé l'ambiance, la chaleur, la cuisine sénégalaise qui font chaud au coeur. Je me suis un peu perdue au début dans les personnages, les familles africaines sont nombreuses, surtout quand elles sont élargies sur plusieurs générations et qu'elles adoptent facilement d'autres frères ou tontons qui se présentent en cours de route. Cousinages à plaisanterie. de beaux-frères et belles-soeurs.  Les amis aussi font partie de la famille, si bien que cela fait beaucoup de monde au repas de famille du dimanche...



J'ai retrouvé aussi le ton, le style oral si particulier aux Africains attentifs à la parole:

"Les mots pèsent. Exact! Peser et soupeser le sens des mots. - Tonton, quelle est l'unité de mesure pour peser le sens des mots?"

Style vivant, mêlant parfois quelques mots de wolof, des proverbes ou expressions africaines.

C'est aussi une jolie histoire, l'histoire d'une famille (élargie) histoire qui commence à la décharge où l'on récupère les ferrailles pour confectionner de jolis objets et qui aboutira à une belle concession avec un commerce prospère, des plantations de filaos, trois maisonnettes...et toute cette prospérité grâce à la ténacité, l'opiniâtreté des fils élevés dans une haute opinion de la dignité et de l'éducation.

"Ceux qui veulent nous faire croire que la pauvreté est notre territoire sans issue sont des charlatans d'un type nouveau. Ils se gavent de la détresse des gens démunis. Il ne faut pas confondre manque de moyens matériels et pauvreté...."

"le monde marche....le monde a de longues jambes. Savoir d'où on vient et qui on est : voie royale pour forger une conscience d'appartenance à l'Humanité en ce qu'elle a de plus valorisant. Sans cesse cultiver le jardin de nos mythes, idéaux et utopies sur le socle de l'édifice sacralisé de nos valeurs."

Et le mensonge dans tout cela?

"Elle (Borso) avait eu l'idée d'aménager dans la cour de sa maison un espace de débats et de lecture. Un beau jour, elle avait décidé de le baptiser "l'Empire du Mensonge"

"Oui, l'Art dans toutes ses expressions est mensonge! Mensonge sublime qui nous sauve"

Voici donc un livre qui rend optimiste!

"tout cela dans un but unique : l'autonomisation des populations, leur liberté, leur dignité. En même temps, elles ont bénéficié d'une formation technique et d'un programme de sensibilisation intense sur l'obligation de résultats de leur part. Chacun, en ce qui le concerne, devant assumer ses responsabilités. 

Objectif : autofinancement. Rien n'est facile...."

Aminata Sow Fall a écrit de nombreux romans et j'ai préféré La Grève des Battus et l'Appel des Arênes, ce dernier est mon préféré. 
Lien : http://miriampanigel.blog.le..
Commenter  J’apprécie          50


Lecteurs (121) Voir plus




{* *}