N'y avait-il pas un dicton autrefois: New York, c'est très beau à visiter mais on ne voudrait pas y vivre ?
- C'était un peuple grand et terrible, dit-il enfin. Et ils étaient fous.
- Ils étaient quelque chose que nous ne pourrons jamais être, l'ami. Et que nous ne voudrions pas être.
Oh ! tourbillonner à jamais, tourbillonner dans le brasier. C'ETAIT BON, BON, BON. JE ME CONSUMAIS DANS MON PROPRE ORGASME au fond du trou noir de l'incendie, j'étais mon propre orgasme du corps, de l'esprit, du sexe, du goût, de l'odorat, du toucher, de l'émotion.
Il fallait quand même qu'ils en aient dans le ventre, les hommes de l'âge de l'Espace, pour s'agglomérer sur les autoroutes et foncer aussi vite que des hélicos à quelques mètres d'intervalle. Ils devaient avoir des réflexes fantastiques pour rester maîtres de leurs machines. Moi, je ne pourrais pas. Et je ne voudrais pas.
Ils se forcèrent à ricaner, mais leur rire se figea presque aussitôt sur leurs lèvres devant le regard de mépris dont la famille Kulongo les enveloppa : le regard d'éternité que les hommes de la brousse jettent depuis des siècles aux hommes des villes, un regard qui dit que seuls les lâches et les imbéciles essayent de cacher leur peur derrière un faux voile de dédain, que seuls ceux qui craignent la magie ont besoin de se moquer d'elle ostensiblement.
Nos ancêtres sont allés sur la Lune, c'était un grand peuple, le plus grand de l'histoire, mais je me demande parfois s'ils avaient toute leur raison.
Dans dix ans, je serai encore jeune. Je n'aurai que quarante ans. Si je prends toutes mes précautions, si je change mes filtres tous les matins comme c'est conseillé et si je ne me sers que des Key West Supremes, il me restera encore au moins dix ans de vie. Si ça se trouve, peut-être même que j'irai jusqu'à cinquante-cinq ans!
Comme nous filions à travers un fantastique et flamboyant coucher de soleil orange et pourpre pour retrouver Milford et l'Amérique moderne, pâle réplique de la civilisation africaine, nichée dans les interstices d'un continent fait de ruines inimaginables, je me retournai. Au-dessus de nous, le fleuve était une mer de flammes et, derrière, l'astre embrasait le paysage. Le Dôme Fuller scintillait sous ses rayons, gigantesque diamant serti sur la tombe d'une race qui avait conquis la Lune, qui avait transformé l'atmosphère en un somptueux et mortel poison, qui avait couvert tout un continent de ruines suscitant la terreur respectueuse du monde moderne, qui avait évoqué un démon par le truchement de circuits électroniques et qui avait fini par se déchirer de ses propres mains.
Je me rappelais par l'histoire, non par l'instinct, la suprématie totale que l'Amérique avait exercée sur le monde pendant l'âge de l´Espace. Elle l'avait acquise, non par des conquêtes militaires mais uniquement par le poids de sa seule existence.