Citations sur Le Consentement (477)
La folie me guette lorsque, pendant les rares moments que je passe encore en classe, je me compare à mes camarades qui rentreront sagement écouter leurs disques de Daho ou de Depeche Mode en mangeant un bol de céréales tandis qu'à la même heure je continuerai à satisfaire le désir sexuel d'un monsieur plus âgé que mon père, parce que la peur de l'abandon surpasse chez moi la raison, et que je me suis entêtée à croire que cette anormalité faisait de moi quelqu'un d'intéressant.
Très souvent, dans les cas d’abus sexuels ou d’abus de faiblesse, on retrouve un même déni de réalité : le refus de se considérer comme une victime. Et, en effet, comment admettre qu’on a été abusé, quand on ne peut niiez avoir été consentant ? Quand, en l’occurrence, on a ressenti du désir pour cet adulte qui s’est empressé d’en profiter ? Pendant des années, je me débattrai moi aussi avec cette notion de victime, incapable de m’y reconnaître.
Il m'en aura fallu du temps pour me laisser aller avec un homme, sans l'aide de l'alcool ou de psychotropes. Pour accepter sans arrière-pensée de m'abandonner à un autre corps, les yeux fermés. Pour retrouver le chemin de mon propre désir.
Il m'aura fallu du temps, des années pour enfin rencontrer un homme avec qui je me sente pleinement en confiance.
P 163 « L’abus sexuel, au contraire, se présente de façon insidieuse et détournée, sans qu’on en ait clairement conscience. On ne parle d’ailleurs jamais d’abus sexuel entre adultes. D’abus de faiblesse, oui, envers une personne âgée, par exemple, une personne dite vulnérable. La vulnérabilité, c’est précisément cet infime interstice par lequel des profils psychologiques tels que celui de G. peuvent s’immiscer. C’est l’élément qui rend la notion de consentement si tangente. Très souvent, dans les cas d’abus sexuels ou d’abus de faiblesse, on retrouve un même déni de réalité : le refus de se considérer comme une victime. Et, en effet, comment admettre qu’on a été abusé quand on ne peut nier qu’on a été consentant ? Quand, en l’occurrence, on a ressenti du désir pour cet adulte qui s’est empressé d’en profiter ? Pendant des années, je me débattrai moi aussi avec cette notion de victime, incapable de m’y reconnaitre. »
J'entends souvent dire, par ces temps de prétendu "retour au puritanisme" qu'un ouvrage comme celui de Nabokov, publié aujourd'hui, se heurterait nécessairement à la censure. Pourtant, il me semble que Lolita est tout sauf une apologie de la pédophilie. C'est au contraire la condamnation la plus forte, la plus efficace qu'on ait pu lire sur le sujet. J'ai toujours douté d'ailleurs que Nabokov ait pu avoir été pédophile. Évidemment, cet intérêt persistant pour un sujet aussi subversif - auquel il s'est attelé deux fois, la première dans sa langue natale, sous le titre de L'enchanteur, puis, bien des années plus tard, en anglais, avec cette Lolita iconique au succès planétaire- a de quoi éveiller les soupçons. Que Nabokov ait lutté contre certains penchants, peut-être. Je n'en sais rien. Pourtant, malgré toute la perversité inconsciente de Lolita, malgré ses jeux de séduction et ses minauderies de starlette jamais Nabokov n'essaie de faire passer Humbert Humbert pour un bienfaiteur, et encore moins pour un type bien. Le récit qu'il fait de la passion de son personnage pour les nymphettes, passion irrépressible et maladive qui le torture tout au long de son existence, est au contraire d'une lucidité implacable.
Quand j'annonce à ma mère que j'ai quitté G., elle reste d'abord sans voix, puis me lance : "Le pauvre, tu es sûre ? Il t'adore !"
Je suis sidérée par son refus de voir que cet amour portait en lui son propre échec, dès la première minute, qu'il n'avait aucun avenir possible puisque G. ne pouvait aimer en moi qu'un moment fugace et transitoire : mon adolescence.
La réaction de panique des peuples primitifs devant toute capture de leur image peut prêter à sourire. Ce sentiment d'être piégé dans une représentation trompeuse, une version réductrice de soi, un cliché grotesque et grimaçant, je le comprends pourtant mieux que personne. S'emparer avec une telle brutalité de l'image de l'autre, c'est bien lui voler son âme.
J'étais en train de me volatiliser, de m'evaporer, de disparaître. Sensation atroce, comme un arrachement au règne des vivants, mais au ralenti. Une fuite de l'âme par tous les pores de la peau.
Le manque, le manque d’amour comme une soif qui boit tout, une soif de junkie qui ne regarde pas à la qualité du produit qu’on lui fournit et s’injecte sa dose létale avec la certitude de se faire du bien. Avec reconnaissance et béatitude.