Je pense à la force et au courage dont
Vanessa Springora a dû faire preuve pour écrire, et ensuite faire publier ce témoignage absolument nécessaire, pour elle mais aussi pour toutes ces filles victimes de
Gabriel Matzneff.
Aujourd'hui, deux ans seulement après sa publication, tout le monde sans doute la soutient - à part quelques fidèles irréductibles de ce pervers - mais au moment de son écriture, elle ne savait pas ce qui l'attendrait, à quelles attaques elle ferait face ni si elle serait salie et humiliée une nouvelle fois.
Ce témoignage relate les étapes de l'emprise que l'écrivain pédophile - éphébophile pour être plus exact, comme elle le dit elle-même - a eu sur elle de ses treize à quinze ans, et dont les traces sont encore ancrées en elle aujourd'hui, plus de trente ans plus tard. Elle retrace, avec le recul de ces trente ans qui la séparent de cette période et celui des thérapies qu'elle a suivies, ce processus qui a fait d'elle une victime qui se croyait consentante et amoureuse de cet homme plus âgé que son propre père.
Elle décrit la personnalité de l'homme, son narcissisme, sa perversité, ses manipulations pour jouir d'elle non seulement physiquement mais aussi psychiquement, totalement en fait, l'enfermant dans cette relation malsaine, l'isolant et utilisant cette relation dans ses écrits - journal et romans - pour s'encenser.
Difficile de croire que cette relation ait pu se vivre au grand jour, sous les yeux d'une mère consentante et d'adultes connaissant très bien la nature de l'homme sans qu'il n'en soit jamais inquiété. Quelques personnes s'insurgent, des passants, des parents, et notamment la québécoise
Denise Bombardier sur le plateau d'Apostrophes, qui a dû se sentir bien seule dans sa grande indignation.
Oui tout cela est incroyable et nous ramène à une époque où la libération sexuelle n'a pas fait que du bien...
Vanessa Springora parvient à décrire la manière dont elle a vécu cette emprise, l'amour qu'elle pensait ressentir alors, tout en ayant conscience, au fond d'elle que le comportement complaisant des adultes autour d'elle n'était pas normal. Et puis les années qui ont suivi, sa difficulté à se construire, se forger une identité, à s'accepter comme une victime et non comme une complice.
C'est dur, ça donne la nausée - heureusement ça se lit vite - car il parle de toutes ces conquêtes de jeunes filles vierges mais aussi de ses relations avec de tous jeunes garçons de 11-12 ans parti cueillir aux Philippines. Mais il m'a permis de mieux comprendre comment cette emprise se met en place et, aussi, que les paroles des écrivains ne sont pas paroles d'évangile, que la réalité peut être salement transformé tout comme les portraits des protagonistes, comme l'a fait
Matzneff avec
Vanessa Springora qu'il a continué de harceler toutes ces années durant, se présentant lui-même comme la victime d'une rupture amoureuse incompréhensible.
J'espère que ce témoignage aura apporté un peu de réconfort à
Vanessa Springora par les soutiens qu'elle a obtenu.