Charles provoquait et corrigeait ceux qui défiaient ou attaquaient son frère aîné. Il le protégeait de la dureté paternelle en mentant ou en prenant les fautes à son compte. Il avait pour son frère l’affection que l’on porte à un être sans défense, chiot aveugle ou nouveau-né.
Il avait un gros livre noir, toujours à portée de la main, dont le dos s’ornait d’un titre en lettres dorées : La Médecine familiale du Docteur Gunn. Certaines pages étaient écornées et déchirées ; d’autres ne furent certainement jamais ouvertes à la lumière. Feuilleter le Docteur Gunn est un excellent moyen de connaître l’histoire médicale des Hamilton. Les pages usées traitaient des fractures, coupures, coups, oreillons, rougeole, tour de rein, scarlatine, diphtérie, rhumatismes, douleurs féminines, hernie – et évidemment de tout ce qui se rapportait à la grossesse et à l’accouchement. Quant aux chapitres sur la blennorragie et la syphilis, ils étaient intacts – ce qui prouve que les Hamilton étaient soit vertueux, soit veinards.
Il bougea les lèvres dans l'obscurité sans émettre de son, et pourtant il entendit ses mots. "Mon Dieu, dit-il, faites que je sois comme Aron. Ne me faites pas méchant. Je ne veux pas l'être. Faites que tout le monde m'aime, et je vous donnerai n'importe quoi au monde. Si je ne l'ai pas, j'irai le chercher. Je ne veux pas être méchant, je ne veux pas rester tout seul. Amen." Des larmes chaudes coulaient le long de ses joues. Ses muscles étaient tendus. Il essaya de pleurer silencieusement.
Il pouvait courir, sauter, soulever des poids, monter à cheval aussi bien que quiconque, mais il n'avait pas le goût de la compétition. [...] Tom disait: "J'ai essayé et cela me semble ennuyeux. Je crois savoir pourquoi: pour moi, la victoire n'est pas un triomphe et la défaite, pas une catastrophe; or ces deux sentiments sont nécessaires à l'aventure."
Nous y voici donc. La plus vieille de toutes les histoires. Si elle nous trouble, c'est que le trouble est en nous-mêmes.
- Je ne l'ai pas entendue depuis que j'étais enfant, dit Adam.
- Alors, vous devez la croire longue, mais elle est courte, dit Samuel. Je la lirai en entier et nous y reviendrons. Donnez-moi un peu de vin car mon gosier est sec. La voici. Une histoire si petite qui a fait une si profonde blessure.
C'était pour moi une étrange chose à accomplir. Liza ne me croira pas. Aussi ne lui dirai-je jamais. Une vérité incroyable peut faire plus de mal qu'un mensonge. Il faut une grande foi pour défendre une vérité inacceptable. Il y a un châtiment pour cela et c'est, en général, la crucifixion. Et je ne me sens pas la force de la supporter.
Il avait l'esprit de compétition qui pousse à affronter les autres pour les écraser - ce qui dans notre monde tient lieu de réussite.
« Je veux faire de ma terre un jardin. Rappelez-vous que mon nom est Adam. Jusqu’ici je n’ai pas connu l’Éden, si ce n’est pour en être chassé. » (p. 195)
« Tu n’es pas un être humain complet, je n’y puis rien. Mais je me demande s’il t’arrive de sentir qu’il y a quelque chose d’invisible autour de toi. Ce serait horrible si tu savais que cela existe et que tu ne puisses pas l’atteindre, ce serait vraiment horrible. » (p. 447)
« Il y a une ombre dans cette Vallée. Je ne sais pas de quoi elle se compose, mais je la sens. Quelquefois, alors que la clarté du jour est aveuglante, je sens cette ombre passer et envelopper le soleil et elle aspire toute la lumière comme une éponge. […] Une noire violence menace cette Vallée. Je ne sais pas. Je ne sais pas. C’est comme si un fantôme issu de l’océan mort qui dort sous nos pieds venait hanter la vallée et troubler notre air avec le malheur. C’est une ombre secrète comme un chagrin caché. » (p. 172)