Ah, voilà un moment qu'on attendait une bonne surprise au rayon polar.
Merci donc à Mr.
Heinrich Steinfest pour son roman étrange :
Requins d'eau douce.
Et si le roman relève du décalé,
Heinrich Steinfest ne l'est pas moins : le bonhomme est d'origine autrichienne (son roman se passe à Vienne) mais il est né en Australie (d'où sont les requins) et il vit désormais en Allemagne...
Jugez un peu : l'histoire commence avec la découverte d'un cadavre à moitié bouffé par un requin, un cadavre qui flotte dans une piscine sur le toit d'une résidence du centre de Vienne ... un requin égaré loin de la Gold Coast ?
Le reste du bouquin et toute sa cohorte de personnages sont à la hauteur de cette entrée en matière un peu déjantée, en équilibre instable (mais parfaitement maîtrisé) sur la frontière ténue entre réalisme cru, insolite déluré et nonsense so british so germanique.
Quel plaisir que cette lecture où la kulture est évidente sans se prendre au sérieux, portée par l'humour pince sans rire et les associations d'idées, où le sel de l'esprit est si savoureux et si impertinent qu'on se dépêche de passer les détails de l'intrigue policière dans la hâte de se perdre dans une nouvelle digression à demi philosophique.
Une lecture où l'on retrouve un peu d'une ambiance entre l'inspecteur Derrick et
Fred Vargas.
L'inspecteur Lukastik est misanthrope, obsessionnel, impertinent, prétentieux et arrogant, un vrai parisien.
Accessoirement il mange la soupe tous les soirs avec ses père et mère et il a couché avec sa soeur. Vraiment un personnage ambigu. Et passionnant. Une sorte de dandy-policier.
Délicieux, savoureux. Epicé et relevé, salé comme la soupe du père.
Pour finir on citera l'un des aphorismes du
Tractatus Logico-philosophicus du penseur et logicien autrichien
Ludwig Wittgenstein, abondamment utilisé par l'inspecteur Lukastik au fil de son enquête :
Sur ce dont on ne peut parler, il faut garder le silence.
Alors taisons nous et découvrez vite ce nouvel inspecteur venu d'Autriche !
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