Quand j'ai vu passer une proposition de LC de ce livre, je n'ai pas pu résister ! Eh oui !
Valentine Stergann a écrit l'un de ces livres que je retiens comme un gros coup de coeur malgré ses clichés, en l'occurrence «
Les ours mal léchés s'apprivoisent à Noël », et je suis toujours partante quand on me propose une nouvelle lecture M/M : ça ne pouvait donc que faire mon bonheur ! Hélas, la sauce n'a pas tout à fait pris, cette fois… Certes, je ne parlerais pas de déception (quoique…), c'est plutôt que j'en espérais beaucoup mieux, sans doute trop, et ce livre ne s'est pas hissé à cette hauteur attendue. Cependant, la plume de l'autrice reste tellement agréable à lire et entraînante que je suis en train de me demander si je ne vais quand même pas lire la suite, et sans trop tarder…
Je ne dois pas entrer loin dans les détails pour savoir ce qui n'a pas marché pour moi dans ce livre : l'un des deux héros, et seul narrateur, m'a agacée du début à la fin ! On a donc Gabin, 23 ou 24 ans (c'est dit précisément, mais je ne sais plus, et au fond ça n'a pas une folle importance) : citadin heureux à Paris, il vient de réussir ses études en droit avec succès. Il décide toutefois, dans une espèce de coup de tête que toute sa famille lui reproche (un mère surprotectrice, un père dont on parle bien peu, et une grand-mère très vive), de répondre à l'invitation de passer 3 mois chez son grand-père, le paria de la famille, car il a quitté sa femme pour vivre un nouvel amour loin de tous. Or, désormais veuf et prenant peu à peu de l'âge, Paul (le grand-père, donc), ne peut plus gérer seul la ferme qu'il tient depuis plusieurs années dans les Cornouailles, et a engagé depuis plusieurs saisons le ténébreux Isaac, qui a le même âge que Gabin à un an près (d'où ma confusion)…
Et voilà donc le problème : Gabin lui-même ! Ce personnage avait sans doute un capital de sympathie important, mais l'autrice en a fait une véritable caricature ambulante ! D'abord, c'est lui le seul narrateur – en soi, ce n'est pas un problème, je ne suis pas particulièrement demandeuse pour une romance (comme c'est tellement souvent le cas) où on entend la voix de chacun des deux protagonistes à tour de rôle. le problème, ici, c'est qu'il est extrêmement bavard, qu'il le sait et que son entourage ne cesse de le lui répéter, si bien que le lecteur le comprend d'emblée et aurait pu trouver cela amusant, voire « mignon », même si très vite ça devient « trop » ! de plus (hélas !),
Valentine Stergann a cru bon d'intercaler, en italique pour les distinguer de la narration principale, toutes les pensées, souvent très puériles, qui passent par la tête de Gabin… Et ainsi, elle enfonce son personnage, qui apparaît très rapidement dans toute sa splendeur d'adu-lescent, avec tous les clichés : ses deux meilleurs amis (tout aussi parisiens) à qui il est relié par ce cordon ombilical qu'est la 4G, mais surtout son vague mal-être de jeune intello qui ne sait que faire de sa vie, malgré ses études brillantes en droit et ce projet de devenir avocat, qui ressemble davantage à un chemin tout tracé parce que ça se fait, qu'à une réelle vocation.
Il est vrai que, dans un passage en particulier, on comprend que Gabin cache une véritable détresse, de se trouver si démuni face à la vie, et la masque en permanence dans ses logorrhées et pensées qu'il exprime spontanément sans jamais avoir l'air de réfléchir… Mais pour moi, ce genre d'état d'âme reste quelque chose que j'ai du mal à appréhender – peut-être parce que je suis désormais trop âgée et n'arrive plus à me mettre dans la peau d'un jeune de la moitié de mon âge (et même un peu moins) dans notre époque certes compliquée ; ou peut-être parce que, au même âge, j'ai dû « me battre » parce que je sortais d'un milieu bien moins favorisé que celui d'où semble issu notre Gabin, et que je n'ai donc eu ni l'occasion ni le temps de me poser toutes ces questions existentielles (même si le recul me dit que ça aurait peut-être été utile, si seulement… mais c'est un autre sujet). Bref, Gabin est l'archétype d'un anti-héros de notre époque, mais tellement exagéré qu'il en devient réellement soûlant.
En tout cas, j'ai infiniment préféré Isaac, qui ne passe pas ses journées à se faire des noeuds au cerveau, malheureusement il n'est jamais considéré qu'à travers le regard de son exact opposé, notre peu à peu amoureux Gabin… Un narrateur extérieur aurait peut-être fait la différence ?
Un autre gros bémol à ce livre a été la façon dont l'autrice traite le côté sexuel de la relation entre nos deux protagonistes. On est clairement dans une romance douce et gentille, qui se veut non érotique ; or, d'une certaine façon, cet aspect-là a manqué. Ce n'est pas que je veuille à tout prix de l'érotisme dans une romance ! on peut tout à fait s'en passer… mais ici ça ressemble davantage à une certaine maladresse qu'à un choix bien défini pour une romance de type « soft ». En effet, on a plusieurs scènes où les deux protagonistes commencent à se caresser etc., c'est même chaque fois bien explicite je trouve. Et puis, dès qu'il faut passer sous la ceinture... paf c'est comme si on nous fermait la porte au nez! Or, après avoir réellement chauffé l'ambiance, à chacune de ces scènes de préliminaires, l'autrice donnait tout simplement le sentiment qu'elle ne savait pas trop comment mener les choses dans une relation M/M, et du coup elle n'en dit rien... Elle aurait dû, soit rester dans la suggestion sans parler (du tout) de ces caresses qui font monter le désir de nos personnages et que le lecteur le ressent réellement (comme dans toute bonne romance descriptive), soit oser entrer dans un érotique léger, tandis que ici, on reste bloqués dans le « trop peu mais pas assez ». Un tel résultat est carrément frustrant !
Tout cela étant dit, la plume de l'autrice, malgré les aspects agaçants liés au fait que Gabin soit la narrateur, et cette indécision face aux scènes potentiellement plus descriptives, reste vraiment très agréable à lire, bondissante et non dénuée d'un humour fin toujours présent (même si ici, il est servi à la louche). Ainsi, malgré ses quelques (gros) défauts développés plus haut, ce livre est bel et bien une « lecture-doudou », légère et sans prise de tête… sauf pour notre narrateur qui manque cruellement de maturité. On peut espérer que les tomes suivants lui en apporteront au moins un peu !