Qu’une telle atmosphère de terreur environnât ainsi un homme de Dieu d’un caractère et d’une orthodoxie sans tache, était une cause fréquente d’étonnement et un sujet de questions pour les rares étrangers que le hasard ou leurs affaires amenaient dans ce pays perdu. Mais dans la paroisse même, beaucoup ignoraient les singuliers événements qui avaient marqué la première année du ministère de M. Soulis ;
et, des mieux informés, les uns étaient réservés par nature, les autres évitaient ce sujet de conversation. À de rares intervalles seulement, l’un des plus anciens prenait courage après son troisième petit verre et racontait l’origine des allures étranges et de la vie solitaire du ministre.
Chapitre 1
Pour être plus précis, cette terreur émanait surtout d’un point particulier. (...)
La maison avait deux étages qui comprenaient chacun deux vastes pièces. Elle ne donnait pas directement sur le jardin, mais sur un sentier surélevé, une sorte de digue aboutissant à la route d’une part, et se perdant de l’autre sous les saules et les bouleaux élevés qui bordaient le courant. C’était ce bout de digue qui jouissait d’une si déplorable réputation chez les jeunes paroissiens de Balweary. Le ministre s’y promenait souvent après le crépuscule, poussant parfois des plaintes inarticulées dont il entrecoupait ses prières ; et lorsqu’il était absent, et la porte du presbytère fermée à clef, les plus hardis d’entre les écoliers s’aventuraient, le cœur battant, à « suivre leur capitaine » [En jouant à la queue leu leu.] sur ce chemin légendaire.
Chapitre 1
(...) lorsqu’il évoquait, dans une semonce privée, l’avenir des âmes impénitentes, on eût dit que son œil découvrait, au-delà des orages du temps, les terreurs de l’éternité. Bien des jeunes gens qui venaient se préparer à la Sainte Communion étaient affreusement bouleversés par ses propos.
Chapitre 1
Le Révérend Murdoch Soulis fut longtemps ministre de la paroisse de Balweary, dans la marécageuse vallée de la Dule. Vieillard à la mine sévère et glaciale, effrayant à entendre, il habitait les dernières années de sa vie, sans parent ni serviteur ni aucune autre compagnie humaine, dans le petit presbytère isolé que dominait le rocher de la Femme-Pendue.
Chapitre 1