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Critique de Antyryia



Bon, se perdre ça arrive, on ne va pas en faire tout un fromage non plus. le GPS n'a pas été inventé pour les prunes.
Quoique, il faut parfois s'en méfier. Déviation sur l'autoroute, on met l'appareil en route, et une vingtaine de kilomètres plus tard, on se retrouve à notre point de départ, devant le panneau déviation.
Trop fort, il a su nous faire revenir sur nos pas après un long détour. Ca aurait pu continuer comme ça pendant longtemps. Jusqu'à la fin des travaux ou jusqu'à ce que ma mère et moi on ne soit plus que des zombis momifiés après mille tours de circuit.
Ou noyés sous les torrents de vomi de mon neveu, malade en voiture, qui se tordait le ventre à l'arrière du véhicule.
Mais finalement, nous avons su échapper à l'autoroute sur elle-même.

Une autre fois, chargé comme un baudet en prévision d'un salon du livre le lendemain, sous un soleil de plomb, je rejoignais le domicile de ma soeur qui s'était proposé de m'héberger, en train puis en tramway.
Si je savais globalement me diriger de la station jusqu'à chez elle, j'ai quand même enregistré son adresse sur l'application "Plans" de mon smartphone, merveilleuse technologie permettant de nous voir arriver progressivement à destination.
Ainsi mon petit point bleu évolue sur les routes de Mouvaux, se rapprochant de sa destination. Etrangement, je ne reconnaissais cependant rien autour de moi.
Finalement j'y suis presque, mais je ne le sens pas. Un dernier petit chemin qui mène au parc du Haumont et au point final de mon périple. A noter que ma soeur habite à cinq cent mètres environ dudit parc. Sa maison s'est-elle téléportée ? Me suis-je trompé d'adresse ? de toute façon la jonction ne se fait pas, à quelques mètres près, puisque je me retrouve au fond d'une impasse.
Le sac à dos me sciant les épaules, la sueur dégoulinant sur mon visage, je mets un instant ma fierté de côté et je l'appelle pour lui dire que je suis comme qui dirait un peu perdu. Finalement pas si loin, je la retrouve et nous avons pu partir à Bondues le lendemain rencontrer Amélie Antoine, Solène Bakowski, Maud Tabachnik, beaucoup d'auteurs de chez Taurnada, ainsi que quelques maisons d'éditions dont Inceptio, ceux-là même qui ont réussi à convaincre Luca Tathieazym de signer chez eux après une quinzaine de romans auto-édités lui ayant donné une très grande notoriété parmi les auteurs indépendants.

Aprèsla Mante nue et avant Les larmes écarlates ( prévu le 13 octobre 2022 ) est paru la réédition de la forêt, roman avec lequel j'ai découvert pour ma part cet auteur maintes fois recommandé.
La lecture s'est avérée plus ardue que je ne l'aurais pensé tant la langue y est riche et le langage soutenu. Par le biais de cette écriture extrêmement travaillée, l'auteur a également un sens de la formule assez unique pour nous faire ressentir ce que vivent et ressentent ses personnages, les mystères et la folie de leur environnement.

Comme en 1958 le GPS n'existait pas encore, il n'y avait vraiment aucune raison pour qu'une partie de la classe de collège de Madame Lambert se perde dans la forêt de Benon ( Charente Maritime ) pendant son cours en plein air de biologie.
Et pourtant, il a suffi que Simon soit déséquilibré par une racine puis de la foudre qui s'est abattue juste devant eux pour qu'ils se retrouvent à sept, distancés par le groupe principal.
Que jamais ils ne rejoindront, pas plus que le bus ou la route.
Ce qui leur arrive est totalement impossible et inexplicable.
Tous les chemins ne mènent pas à Rome dans cet univers parallèle mais à une clairière, avec une vieille cabane en son centre.
"Qui avait bien pu fabriquer ce taudis ? Des chasseurs ? Ceux qui avaient bâti la cabane avaient-ils été prisonniers de la forêt sur elle-même ?"
Ils partent par le sud, ils reviennent par le nord. Ils choisissent l'est et la ligne droite les ramène à l'ouest. Ils suivent le petit ruisseau et reviennent à leur point de départ.
"A chaque tentative, c'est comme si on faisait le tour de la terre, comme si elle était devenu toute petite."
Chaque adolescent y va de sa propre hypothèse pour rationaliser l'inconcevable et trouver la brèche qui les ramènera vers le vrai monde. Expérience militaire, enlèvement extra-terrestre, apocalypse, monde parallèle, à moins qu'ils ne soient les jouets d'une force obscure.
Ou alors c'est Gargamel qui les ai réduit à la taille de schtroumpfs avant de les insérer dans une boule à neige.
Et ça n'est qu'un premier aperçu du cauchemar dans lequel ils ont mis les pieds, qui n'a pas fini de les surprendre.
Le lecteur ne sera pas en reste.

Bien sûr, aussi énigmatique que soit le décor, ce sont les personnages qui vont lui donner du relief et multiplier l'intérêt de leur confrontation avec cette nature souvent hostile. Il y a d'abord Louis, le narrateur et meneur qui n'hésite pas à alpaguer le lecteur.
"A vous qui ne me jugez pas, les lecteurs ( vous ne me jugez pas, hein ? ), je peux vous le confier : j'avais le trac."
Evoquons ensuite Nagib, le marocain, qui demeure celui à l'esprit le plus cartésien. Simon est aussi timoré que son demi-frère Romain, moqueur, est capable de prendre les choses en main. Deux adolescentes sont là également : la réservée Claire et l'extravertie Elise. Enfin, pour compléter la bande : la Teigne, ou Achille de son véritable patronyme. Un connard fini, égoïste, privilégiant toujours son intérêt sous la menace de ses poings. Un danger public dont les muscles pourraient cependant s'avérer utile s'il daignait rentrer dans le rang.
Mais bien sûr, ce vague portrait esquissé évoluera progressivement, certains caractères se révéleront quand l'enfermement se prolongera au-delà de toute durée acceptable et qu'il faudra s'organiser pour survivre.
Se nourrir, se protéger d'un prédateur à l'extérieur, consolider la cabane en ruines, s'adapter au climat.
Grandir et se responsabiliser bien plus vite que n'importe quel autre jeune de leur âge.
Finie l'innocence et l'insouciance, l'entrée dans le monde adulte sera brutale.
Et oui, ils sont sept, et si leur ennemi n'est pas un clown maléfique, l'hommage à Ca de Stephen King est plus que suggéré.

J'ai ressenti quelques longueurs mais j'ai souvent été piégé par d'imprévisibles tournants. Il se passe quasiment toujours quelque chose qui relance cette histoire fantastique dont le rythme ralentit parfois mais jamais ne s'essouffle. Un nouveau mystère insoluble, une tragédie qui nous prend à la gorge, une situation inédite qui remet en perspective ce que nous pensions savoir. Quelques moments tendres et d'autres d'une incroyable tension dans cet environnement irrationnel.
"A ce rythme, ils seraient tous fous dans peu de temps."
Quelquefois, Luca Tahtiazym dédramatise de façon plus que bienvenue avec un trait d'humour.
"- C'est bien de réfléchir. Tu dois avoir mal à la tête, non ?"

Par contre, j'ai un gros bémol parce que j'ai ressenti une grosse frustration une fois la dernière page tournée.
Je sais bien qu'il s'agit d'un roman surnaturel et qu'à partir de ce moment là, il ne faut pas chercher à tout rationaliser. Il doit rester une part d'inexplicable.
Mais là je me sens comme un con parce beaucoup trop de questions restent en suspens, des évènements majeurs sur lesquels l'auteur lui-même a beaucoup insisté.
A ceux qui ont lu le roman, je tends une main timide pour comprendre pourquoi les livres dans la cabane ? Pourquoi des corps disparaissent et pas d'autres ? Qu'est le Sanglior finalement ? Pourquoi le mutisme s'impose-t-il à certains protagonistes ?
Et ce ne sont que quelques exemples de questions qui persistent à me poursuivre.
Est-ce expliqué ? Est-ce que je n'ai pas su lire entre les lignes d'un auteur trop subtil pour mes petites neurones ? Est-ce que je n'ai pas su lire la notice à la fin du roman ?
Si une âme charitable a ne serait-ce qu'un début de logique pour mettre un peu de cohérence dans cette folie, vous me trouverez dans la clairière du bois de Maroeuil ou en mp sur Babelio.
Par avance merci.
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