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Critique de PatriceG


A la parution de Guerre et Paix, de Léon Tolstoï je me souviens avoir lu à son propos une critique féroce tout droit sortie de la gente réactionnaire inféodée au régime impérial, les bouffons en quelque sorte, qui ravala sa salive après quelques tentatives de dénigrement de tailler un costume aux oeuvres émanant des nouveaux intellectuels "douteux", puis se rentrer dans un silence honteux voire capiteux ; Les meilleurs d'entre eux finirent par être unanimes et crier au génie ..

Pour Henry près d'un siècle plus tard sans vouloir comparer l'homme qui se disait proche d'ailleurs de Dostoïevski, peut-être à cause de sa dimension à épouser la pesanteur des peuples, il se ramassa en France pour commencer une volée de bois verts, alors que dans son propre pays le persona non grata était entendu.. Temple nous explique que la critique eut du mal aussi à cerner l'oeuvre d'Henry dans un premier temps parce qu'elle était inclassable.. Ben oui, tout ce qui est nouveau est inclassable dans une certaine mesure. Et puis, chemin faisant, des grandes voix de la profession finirent par s'élever et le placer au rang des meilleurs de sa génération et donc étouffer la voix monocorde des petits contempteurs qui après avoir braillé, cherchait à minorer son oeuvre en la qualifiant de simpliste, de marécageux et de pornographique, nous dit Temple...

Essai-Biographie que ce Henry Miller de Frédéric Jacques Temple. Un fond de magies entoure ce livre comme j'ai pu lire récemment le Tchékhov de Roger Grenier ; tout est dans le symbole : tout aspect décisif de la vie de Henry Miller qui a marqué Temple, mais qui se fait aussi une raison par rapport à ce qu'écrit notamment l'écrivain américain dans Tropique du Capricorne .. Tout aspect décisif qui semble incompressible et définissant, façonnant le caractère d'Henry Miller. Cette rue de Brooklyn où dès l'âge de 9 ans, ce dernier fait son entrée dans le nouveau siècle qu'il appréhende déjà comme tributaire de mille choses, un fatras invraisemblable de spectacles, mille ouvertures sur le monde libre et qui dit pourtant dans le même temps être pieds et mains liées dans ce quartier puisqu'il n'a vu rien d'autre. Il contemple ce pont de Brooklyn comme une merveille du monde conçu par un allemand du nom de Roebling, autre allemand que le nom qu'il porte et qui est désormais lié à l'activité débordante des immigrés.

Très franchement ce Pont de Brooklyn, en plus d'appartenir à, l'enfance de Henry Miller est pour moi le pont sublime que Raoul Dufy a porté de son pinceau dans la force de son âge, à la cime de son art dans les années 25 ou encore quand il est dit dans Tropique que ce pont vu pour la première fois remplace le bac depuis huit ans, comment ne pas penser à Le Clézio dans Chanson bretonne qui "du pont de Cornouaille survole l'embouchure de l'Odet à la hauteur d'un Goéland..", ce pont qui supplante dans le temps plus que dans l'esprit l'ancien bac qui reliait les deux rives du temps de son enfance ; Et qu'est-ce qu'un autre lecteur lira à son tour de ce qui se raconte ici ?

Mystère, transmission des savoirs, oui le symbole demeure comme essentiel dans les lectures qu'on peut faire .. Je pense aussi à ces forges de Brooklyn comme à ciel ouvert ou comme si on entrait dans un moulin quand il dit ceci toujours dans Tropique du Capricorne : "..avec la lueur rouge des fournaises, et les hommes qui marchaient vers la gueule embrasée, d'énormes pelles à la main, tandis qu'au-dehors on voyait les moules de bois creux pareils à des cercueuils, traversés fe tiges de fer sur lesquelles on s'écorchait les tibias ou on se rompait le cou. Je me rappelle les mains noires des forgerons, des fondeurs, la saleté incrustée si profond sous la peau que rien ne pouvait l'ôter, ni le savon, ni le récurage, ni l'argent, ni l'amour, ni la mort. Comme une marque noire sur eux "
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