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Citations sur Bérézina (369)

- Un haut lieu, dit-il, c'est un arpent de géographie fécondé par les larmes de l'Histoire, un morceau de territoire sacralisé par une geste, maudit par une tragédie, un terrain qui, par-delà les siècles, continue d'irradier l'écho des souffrances tues ou des gloires passées. C'est un paysage béni par les larmes et le sang. Tu te tiens devant et, soudain, tu éprouves une présence, un surgissement, la manifestation d'un je-ne- sais-quoi. C'est l'écho de l'Histoire, le rayonnement fossile d'un événement qui sourd du sol, comme une onde. Ici, il y a eu une telle intensité de tragédie en un si court épisode de temps que la géographie ne s'en est pas remise. Les arbres ont repoussé, mais la Terre, elle, continue à souffrir. Quand elle boit trop de sang, elle devient un haut lieu. Alors, il faut la regarder en silence car les fantômes la hantent. »
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Nous autres, latins, nourris de stoïcisme, abreuvés par Montaigne, inspirés par Proust, nous tentions de jouir de ce qui nous advenait, de saisir le bonheur partout où il chatoyait, de le reconnaître quand il surgissait, de le nommer quand l'occasion s'en présentait. Dès que le vent se levait, en somme, nous tentions de vivre. Les Russes, eux, étaient convaincus qu'il fallait avoir préalablement souffert pour apprécier les choses. Le bonheur n'était qu'un interlude dans le jeu tragique de l'existence. Ce que me confiait un mineur du Donbass, dans l'ascenseur qui nous remontait d'un filon de charbon, constituait une parfaite formulation de la "difficulté d'être" chez les Slaves : "Que sais-tu du soleil si tu n'as pas été à la mine ?"
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C’était la plaine biélorusse. La Grande Armée y souffrit le martyr. Les Panzers la ravagèrent cent cinquante ans plus tard, dans un sens puis dans l’autre. C’était des champs, des plaines sans fond. En été : la gloire des blés, pas dégouttés de pousser sur un charnier. En hiver, une étendue de neige sans formes ni contours, avec, à l’horizon, des villages de rondins blottis contre des sapinières.
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« Napoléon ? La Bérézina ? Tout cela n'est pas très glorieux », commenta-t-elle. Là, devant la rivière tombale, les mots que j'aurais dû lui jeter me vinrent aux lèvres. Mais j'avais été encore une fois victime de l'esprit d'escalier. « Vraiment chère amie ? Pas de gloire chez les pontonniers qui acceptèrent la mort pour que passent leurs camarades ; chez Eblé, le général aux cheveux gris, qui, sous la canonnade, traversa plusieurs fois le pont pour rendre compte à l'Empereur de l'avancée du sauvetage et mourut d'épuisement quelques jours plus tard ? Pas de gloire chez Larrey, le chirurgien en chef qui fit d'innombrables allers-retours d'une rive à l'autre pour sauver son matériel opératoire, chez Bourgogne qui donna sa peau d'ours à un soldat grelottant, chez ces hommes du génie qui jetaient des cordes aux malheureux tombés à l'eau, chez ces femmes dont Bourgogne écrit « qu'elles faisaient honte à certains hommes, supportant avec un courage admirable toutes les peines et les privations auxquelles elles étaient assujetties » ? Et chez cet Empereur qui sauva quarante mille de ses hommes et dont les Russes juraient trois jours auparavant qu'il n'y avait pas une chance sur un million de leur échapper ? Qu'est-ce que la gloire pour vous madame, sinon la conjuration de l'horreur par les hauts faits ? Au lieu de cela, j'avais bredouillé : Oui, euh, mais tout de même ».
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Il y avait la prémonition des clapots de Sainte-Hélène dans les remous du Niémen.
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Les défaites produisent toujours ces scènes de démence boschienne. Avant de mourir, foutus pour foutus, les hommes se saoulent, baisent et bouffent à s'en crever le ventre. Étrangement, aucun ne se met en quête d'une bibliothèque pour relire un dernier poème de Virgile.
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Qui était Napoléon? Un rêveur éveillé qui avait cru que la vie ne suffisait pas. Qu'était l'Histoire? Un rêve effacé, d'aucune utilité pour notre présent trop petit.
Le ciel se voila, quelques gouttes tombèrent.
J'eus soudain envie de rentrer chez moi et de prendre une douche pour me laver de toutes ces horreurs.
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L'Empereur avait réussi une entreprise de propagande exceptionnelle. Il avait raconté quelque chose aux hommes et les hommes avaient eu envie d'entendre une fable, de la croire réalisable. Les hommes sont prêts à tout pour peu qu'on les exalte et que le conteur ait du talent.
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Qu'est-ce qui s'était passé pour qu'un peuple devint un agrégat d'individus persuadés de n'avoir rien à partager les uns avec les autres?
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D'un point de vue tactique, les soldats étaient les pièces anonymes d'un dispositif. Ils n'avaient pas de valeur individuelle. Ils n'étaient pas considérés comme des êtres différenciés. Pas plus qu'une goutte d'eau n'est prise en compte lorsqu'on évoque un bras de rivière.
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