En voyage, l'arrivée me procurait toujours un soulagement doublé de mélancolie : l'aventure était finie, le rêve était mort, il s'était mû en souvenir.
Le soleil avait réussi ses percées. Les rayons s'infiltraient. Des gloires coulaient par les trouées de nuages. La campagne, lavée par les pluies de la veille, était en majesté.
Quand le corps se meut, l'esprit vagabonde, la pensée explore des recoins intouchés.
Le mouvement encourage la méditation. La preuve : les voyageurs ont toujours davantage d'idées au retour qu'au départ.
C'étaitent les plans d'un homme qui ne savait pas qu'il était déjà mort. La confession d'un fou en train de tomber de l'immeuble et qui fait sa liste de résolutions pour l'avenir, entre le troisième et le deuxième étage.
Ne pas savoir est le plus dur. Dans l'adversité, l'incertitude est un poison.
Souffrir quand on sait exactement où l'on se trouve et vers quel objectif on cingle, passe encore. On fait le dos rond, on prend sur soi, on enclenche le compte à rebours, on sait que tout aura une fin, on se dit qu'il faut tenir jusqu'au bivouac et qu'on recommencera le lendemain.
La mort d'un cheval est un spectacle suprêmement douloureux car elle survient en silence. Le silence des bêtes est la double expression de leur dignité et de notre déshonneur. Nous autres, humains, faisons tant de vacarme ...
S'il y a une innocence fauchée par la guerre, c'est bien celle des animaux : ils se seraient passés de la violence des hommes.
Un haut lieu, c'est un arpent de géographie fécondé par les larmes de l'Histoire, un morceau de territoire sacralisé par un geste, maudit par une tragédie, un terrain qui, par-delà les siècles, continue d'irradier l'écho des souffrances tues ou des gloires passées. C'est un passage béni par les larmes et le sang. Tu te tiens devant et, soudain, tu éprouves une présence, un surgissement, la manifestation d'un je-ne-sais-quoi. C'est l'écho de l'Histoire, le rayonnement fossile d'un événement qui sourd du sol, comme une onde. Ici il y a eu une telle intensité de tragédie en un si court épisode de temps que la géographie ne s'en est pas remise. Les arbres ont repoussé, mais la Terre, elle, continue à souffrir. Quand elle boit trop de sang, elle devient un haut lieu. Alors il faut la regarder en silence.