Le drame des sociétés modernes réside dans l'agitation des êtres.
Se démener pour se donner une raison de vivre.
Devoir sans cesse trouver à faire.
Se condamner au divertissement pour vaincre l'oisiveté.
De ces contraintes naît la trépidation que nous connaissons. Le voyage au long cours apaise la fébrilité du corps [...] ainsi l'esprit débarrassé de la fièvre de l'action, se détache, mis à disponibilité.
Voyager, c'est calmer les bouillonnements du sang pour donner à la pensée tout le loisir de s'épanouir.
Quand nous poussons la porte du musée de Noukous après la traversée du désert, nous pensons y trouver l'habituel fatras muséographique hérité des temps soviétiques : graphiques sur la production de la région, peintures hyper-réalistes qui font chanter les lendemains, collections de médailles du mérite, du travail, de la performance...
Or c'est Molière qui nous accueille. Et Saint Louis, flanqué d'une Marie-Antoinette en buste et d'une Vénus à se faire damner un mollah. Des statues ! Passé le premier étonnement, nous identifions des copies de plâtre de modèles exposés au Louvre.
- C'est un cadeau de Fernand Léger à l'URSS, nous explique la Directrice du musée, Marinika Babanazarova.
Nous sommes dans le musée d'µIgor Savitsky, peintre ukrainien, né en 1915, relégué en Asie centrale par les soviétiques ...
En vertu de quelle théorie croit-on toujours qu'il faut rester longtemps auprès des gens pour tisser avec eux des liens profonds ?
- La mer. La voilà ma pauvre mer.
Il pleurera doucement.
[...]
- Ne pleure pas, ne pleure jamais Sergueï, ce ne sont pas tes larmes qui feront revenir les eaux !
- Ils nous ont volé la mer...
Puis il ajoute :
- On n'a rien pu faire. Je leur ai écrit pourtant, à Moscou, pour expliquer qu'on allait à la catastrophe. J'ai même été reçu dans un bureau, là-bas/ Mais on n'écoute pas un petit capitaine.
Souvent on se jette corps et âme dans le voyage à cheval davantage pour le cheval que pour le voyage.