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Les éditions Gallmeister continuent d'exhumer des pépites oubliées de la littérature américaine, et s'attachent notamment à publier l'oeuvre d'un auteur au génie éclectique, Walter Tevis. Ce dernier a en effet écrit des romans de S.F. prophétiques tels que « L'Homme tombé du ciel » ou « L'Oiseau moqueur » et des ouvrages de facture plus classique consacrés au billard, tels que « L'arnaqueur » et sa suite « La couleur de l'argent », ou aux échecs, explorés dans le « Le Jeu de la dame ». L'inspiration prolifique de l'auteur a donné lieu à de nombreuses adaptations cinématographiques, au premier rang desquelles « L'Arnaqueur » sorti en 1961, où Paul Newman tient le rôle principal.

Publié en 1959, au cours la première phase de la carrière de Walter Tevis, qui connut une longue traversée du désert, avant de revenir sur le devant de la scène, « L'Arnaqueur » nous conte les débuts d'un joueur de billard surdoué, surnommé « Fast Eddie ».

Accompagné de son manager amateur Charlie, Eddie est précédé par sa réputation lorsqu'il arrive à Chicago. On évoque un joueur fantasque au talent extraordinaire, capable des coups les plus audacieux. Et pourtant. Les vieux routiers de Chicago en ont vu d'autres et savent d'expérience que la seule façon de juger un joueur de billard est de le voir jouer.

Malgré son talent, son sourire enjôleur ainsi que sa faculté à inspirer confiance, le jeune homme n'a jamais gagné les sommes extravagantes qui sont en jeu chaque soir chez Bennington, salle de billard mythique de Chicago, le temple des joueurs professionnels.

Jusqu'à présent, Eddie et Charlie sont surtout des arnaqueurs à la petite semaine qui, de ville en ville, rejouent le même scénario. Charlie déniche une salle au niveau correct ainsi qu'une table où jouent quelques amateurs de talent pour des sommes peu importantes. Eddie s'invite et joue de manière incertaine, ratant intentionnellement (mais discrètement) quelques coups faciles et réussissant à l'occasion des coups improbables. Les enchères montent, tant les joueurs sont à la fois fascinés par le toucher du jeune prodige et convaincus qu'ils peuvent le battre. Fin de la plaisanterie. Eddie ne manque plus un seul coup et rafle la mise. À présent qu'il est démasqué, il lui faut partir et trouver une nouvelle ville pour plumer d'autres pigeons inconscients.

Las de cette vie itinérante, pressé d'exposer enfin son véritable talent au monde du billard, notre héros se rend donc à Chicago pour y défier Minnesota Fats, qui pourrait bien être le meilleur joueur d'Amérique.

« Eddie enchaînait les cigarettes, et il voyait naître en lui une excitation qu'il avait goûtée de nombreuses fois auparavant, mais jamais aussi intensément : une sorte de lucidité électrique, de concentration délicate et alerte. Une forme d'angoisse le rongeait également. Mêlée à de l'impatience. Il se sentait bien. Nerveux certes, avec l'estomac noué. Mais rayonnant ».

Nous y sommes. Eddie va enfin savoir de quel bois il est fait et affronter un champion à la corpulence éléphantesque et aux doigts de fée, la légende vivante de la ville : Minnesota Fats. Une partie homérique de quarante heures d'affilée opposera les deux hommes et changera à tout jamais la destinée du héros. Elle le conduira à abandonner son ami et manager Charlie au profit de Bert, un homme au charisme magnétique qui se propose de prendre en main la carrière naissante du jeune prodige. Elle le conduira également, lors d'une aube teintée par la couleur du désespoir, à rencontrer la belle Sarah, qui partage avec lui un penchant marqué pour la dive bouteille.

Cet ouvrage très documenté nous offre une plongée saisissante dans l'univers des salles de billards enfumées, où les joueurs boivent plus que de raison sans que leur jeu ne semble en être affecté. L'enjeu du roman est pourtant ailleurs. Comme son héros souriant, Walter Tevis n'hésite pas à monter la mise. Aussi haut qu'il est possible. L'auteur se propose en effet d'explorer les tréfonds de l'âme humaine, ces failles que nous refusons de voir, cette douleur indicible qu'Eddie tente de noyer en enchaînant les verres de scotch en compagnie de Sarah.

Le billard n'est qu'un prétexte. Un jeu, qui se double souvent d'une arnaque, où l'on finit le plus souvent par se mentir à soi-même. Bert va forcer Eddie à affronter ses démons intérieurs, à cesser de se voiler la face, à appréhender cette fêlure intime qui distingue les perdants des gagnants, au billard comme dans la vie.

« Ils avaient baissé les vitres de l'auto. À l'extérieur, l'air était frais, et quelques nappes de brume légère planaient sur l'allée de Findlay. le soleil, encore bas, brillait ; les cris discordants des oiseaux accentuaient l'impression d'irréalité. Eddie distinguait des reflets orangés et jaunes sur les feuilles des arbres, il savourait à pleins poumons l'atmosphère mordante. C'était une étrange et précieuse matinée, riche de promesses. »

Cet instant contemplatif, où Eddie semble touché par la grâce après une nuit à jouer au billard français, illustre le propos véritable du roman. Comme son personnage, qui fait semblant d'être médiocre pour mieux duper ses adversaires, Walter Tevis feint d'écrire un roman sur un jeu qui consiste à pousser des boules à l'aide d'une queue, afin de tenter de percer le mystère absolu de l'âme humaine.

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Petites magouilles, grandes fripouilles, petites fractures et grosses coupures sur fond de paris clando' ça vous branche ?

Gallmeister tape dans les classiques et profite du succès de Walter Tevis, écrivain qui se refait un teint hâlé grâce aux feux des projecteurs qui ont récemment porté à l'écran le jeu de la dame.

Ici exit les échecs, car même s'il le roman en est ponctué, on parle plutôt de feutre de boules et de queues. Mais non je n'suis pas devenu vulgaire gratuitement et je n'associe pas un couvre-chef à une description familière d'attributs masculins.. Laissez-moi reformuler, il est question de canne, de billes et de tapis…de billard, vous vous en doutiez, n'est-ce pas ?

Une traduction est toujours un acte délicat et éminemment individuel, mêlant intimement sémantique, interprétation personnelle, et souci de retranscription fidèle.
Celle que nous propose ici les éditions Gallmeister file un bon coup de souffle sur l'ancienne version. Tel que pourrait le faire un joueur de billard après avoir frotté le bleu, cette craie appliquée sur le procédé de la canne pour éviter tout coup manqué lors du contact avec la bille blanche, Marc Boulet, modernise le ton et les termes employées pour accrocher le lecteur et contrer tout coup manqué.

Sans vouloir dénigrer le travail de Marcel Duhamel qui s'était penché sur la traduction il y a plus de 30 ans, et en avait livré un travail jugé digne de publication, j'ai vraiment goûté cette nouvelle mouture d'une fraicheur bienvenue.
L'atmosphère des salles de billards y est admirablement retranscrite, les termes choisis ont été triés et la sélection s'en ressent immédiatement sur le plaisir de lecture qui se fait sans cet arrière-gout de désuétude que m'avait laissé l'édition précédente.
Quel travail de l'auteur pour nous plonger dans l'état d'un jeune joueur talentueux, poulain racé fougueux, intrépide et téméraire, jeté dans la cour des grands. Quelle précision, quel talent pour retranscrire une ambiance, un mindset et basculer avec une facilité déconcertante de la vision macro à micro dans un match ou l'intensité du jeu se prolonge jusqu'à des heures outrancières.

Il y a un peu du mythe d'Icare et pas mal de clichés de ces polars US des sixties. Si le traitement du personnage féminin dans ce roman est déplorable, un petit grain de sel suffit a remettre un peu de sens et à prendre le recul nécessaire pour ancrer l'oeuvre dans un contexte aujourd'hui fort heureusement résolu. J'enlève une demi étoile car ce choix de l'auteur de donner un peu de cadre et un peu de relâche entre des parties intenses décrites avec intensité semble un peu malhabile tant ils manquent de profondeur et semblent posés avec nonchalance sans dextérité comme un patchwork bricolé par un ouvrier exténué, ça freine inutilement un récit immersif à souhait.

C'était le seul petit reproche à une oeuvre que je suis très content d'avoir relu sous une nouvelle version qui lui donne une saveur nettement plus accrocheuse et que je recommande à tout lecteur féru de feuillu ambiancé magouille sauce yankee.
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A Chicago, les meilleurs joueurs de billard affrontent jusqu'aux petits matins enfumés des magouilleurs et requins du jeu, dans des salles sombres où l'ont prend les paris.
Eddie, petit arnaqueur de province, aimerait bien se frotter aux « grands » du billard, mais n'est-ce pas un peu présomptueux ?
Celui qui est surnommé Fast Eddie, joueur talentueux aux dents longues, a t'il vraiment l'étoffe d'un champion ?
La dérouillée qu'il va se prendre dans la mythique salle de Bennington laisse penser que non.
Mais son style attire pourtant les regards, et notamment celui de Bert, bookmaker renommé…
Une plongée dans le monde noir des parieurs et des joueurs, à cette époque où
l'argent circulait de salles de billard en salles de poker, pour finir sur les champs de courses, et dans les poches de gros malins, professionnels du bluff.
Prétexte pour parler d'addiction (à l'alcool, au jeu) de dépassement de soi et des blessures intimes qui nous pousse à tomber ou à se relever, selon qu'on est un gagnant ou un perdant.
Comme dans le jeu de la dame, aux thèmes assez similaires, mais avec un traitement complètement différent qui m'a, je dois dire, beaucoup moins séduite.
Le traitement réservé aux personnages féminins y est pour beaucoup, tant leur rôle y est cliché, inexploité ou dégradant.
L'aspect un peu désuet de l'écriture aussi, pas aussi noire qu'il aurait fallut pour rendre cette ambiance moite de fond de ruelles, propice aux roublardises, attendue ici.
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L'arnaqueur est donc autant un roman sur le billard qu'une réflexion sur la mentalité des vainqueurs - et des perdants - dont le point de bascule est illustré par le parcours d'Eddie. À ce titre, entre des parties documentées et immersives, il conceptualise les notions abordées, le tout avec passion. Mais, bien que le livre se dévore d'une traite et soit captivant de bout en bout, sa fin laisse comme une impression de "trop peu". L'intrigue est courte, les évènements s'enchaînent et se terminent vite, les personnages quittent la scène à peine arrivés. Par moments, l'auteur donne même l'impression de s'être plus concentré sur la description des atmosphères et des lieux que sur son histoire et le destin de ses protagonistes. S'en serait-il d'ailleurs rendu compte ? C'est possible car il donnera une suite à ce roman. Publié en 1984, La couleur de l'argent voit surgir un Eddie Felson vieillissant et que plus personne n'attendait, venu finir le travail.

Touchez mon blog, Monseigneur...
Lien : https://touchezmonblog.blogs..
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Comme le Jeu de la dame, ce livre met aux prises un génie du jeu avec un monde où être doué ne suffit pas. Comme le Jeu de la dame, j'ai trouvé le parcours brillant, la psychologie très fine, l'univers dans lequel le protagoniste évolue admirablement dépeint, mais la fin un peu bâclée. N'empêche, c'est un roman formidable que j'attendais depuis longtemps dans cette nouvelle traduction.
Et maintenant j'attends avec la même impatience la Couleur de l'argent...
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Mon prof de Maths, Jean Pierre La-Hargues, à Pau m'avait offert de bouquin en sup, car il pensait qu'a la manière d'Eddie, j'étais peut être un bon, mais un peu un looser, avec cette belle dédicace : "où il est brillamment démontré que si l'on perd c'est qu'on ne désirait pas vraiment gagner". Dans ce livre, j'ai trouvé la force pour réfaire inlassablement des exercices bêtes jusqu'à pouvoir les refaire lécaniquement, je trouve la force pour tenter de battre le Hutter Prize (prix de compression mondial)
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