La misère n'empêche jamais à la vie d'abonder. Hier, les enfants palestiniens couraient partout. Certains garçons s'asseyaient sur les ordures, face à l'ambassade du Koweit et rêvaient de héros en brandissant des imitations de kalache ou de M16.
On peut être un excellent psychiatre de divan et très mauvais praticien hospitalier. Un coureur de cent mètres n'est pas forcément bon en marathon.
Il accélère, la lumière augmente... Ne reste plus qu'a tourner à droite pour la rejoindre. Et s'échapper.
Quand Alexandre arrive enfin à l'angle, tout le désespoir s'abat sur ses épaules.
Le fauteuil se dresse là, à quelques mètres.
Rien n'a changé. Alexandre a tourné en rond.
Il n'a pas le temps de se retourner. Le feu se répand dans ses omoplates, la douleur s'enroule et déconnecte son système nerveux. Ils'écroule, à demi conscient, incapable de remuer.
La misère n'empêche pas à la vie d'abonder.
S'il existe bien deux choses qui ne se videront jamais, ce sont les hôpitaux et les cimetières.
Ce type a souffert, c'est un écorché vif brûlé à l'acide.
- Il y a une phrase intéressante sur la liberté: on ne sait pas ce qu'elle représente, tant qu'on ne l'a pas perdue.
Je suis médecin, Claude, et mieux placé que quiconque pour constater que le corps n'est qu'un assemblage de matière organique, de tripes, d'os. Quand une personne meurt, c'est parce que son cerveau s'arrête de fonctionner. C'est purement biologique, chimique, il n'y a pas d'histoire d'âme, la dedans.
Tout se brise en Claude. Toutes ses convictions, tous ses repères. Sur chacun de ces cadavres se reflètent les iris de Najat. Baisser les paupières, se boucher les oreilles ne lui sert à rien. La petite se dresse toujours là, à portée de main. Et elle hurle si fort ! jamais, il ne pourra se débarrasser du poids de son regard, c'est comme un corps étranger sous son crâne, une présence indestructible.
Il les as regardés mourir et il n'a pas bougé de son trou.
La voix est écrasée, presque murmurée. On le pousse sur le côté. Un coup de pied dans le flanc le plie en deux. Luc se retrouve au sol, déchiré par la douleur.
— Qui… Qui êtes-vous ?
Il n’y voit rien. L’individu a éteint et lui braque le faisceau d’une lampe dans les yeux.
— Ce n’est pas le problème, qui je suis. Vous n’étiez qu’une épave, Graham. Un pauvre petit psychiatre désespéré qui avait tout perdu, un bon à rien alcoolique et suicidaire, qui ne soignait que de vulgaires dépressifs. Vous n’auriez jamais dû mettre le doigt là où il ne fallait pas, dans quelque chose qui vous dépassait. Et pourtant, vous avez réussi.
— Je… Je ne comprends pas…
L’arme s’écrase sur sa tempe.
— J’ai envie d’appuyer, là, vous ne pouvez pas imaginer. Fils de pute.
Luc respire bruyamment. Ça puise sous son crâne.
— À qui croyez-vous avoir affaire ? À quelqu’un qui ignore tout de vous ? Je sais ce que vous avez fait, je connais vos terribles secrets.
— Vous… Vous vous trompez de personne.
— L’accident de votre famille en 2003, ça vous dit quelque chose ?
Luc reste muet, paralysé. L’homme continue.
— Vous étiez au bord d’une falaise, vous aussi, mais d’une falaise psychique.
Le canon du flingue s’appuie sur son poignet gauche.
— Et vous avez sauté.
— Assez ! Assez !
— J’ai tout ce qu’il faut pour vous faire plonger. Un nom en particulier. Justine Dumetz.