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Baudinière (01/01/1946)
4.5/5   1 notes
Résumé :
L’intérêt de l'œuvre de René Thomasset est d’avoir situé ses deux premiers romans au Laos, pays souvent oublié de ses confrères littérateurs. Le premier, Pounah, publié en 1946, se passe dans la haute vallée laotienne de la Se Bang Hien, près de la ville de Tchépone.  Jacques Lamarque y a été envoyé pour prospecter les terrains aurifères que l’on trouve au bord de la Nam Kok, près de la frontière de l’Annam. Laissant leur fille Claire poursuivre ses études à Hanoï, ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
On sait assez peu de choses concernant René Thomasset, mis à part qu'il fut l'un des derniers chroniqueurs de l'Indochine française, dont il fut vraisemblablement un administrateur. Il s'est lancé tardivement en littérature, à plus de 50 ans, publiant en 1947 deux romans assez rapprochés, vraisemblablement écrits pendant la guerre, « Pounah » et « Sâo Baÿ », qui conservent un double intérêt historique, d'abord parce qu'il s'agit de deux des rares romans français traitant du Laos avec une assez grande érudition, mais aussi parce que ce sont les deux derniers témoignages littéraires sur l'Indochine française rédigés avant le début de la Guerre d'Indépendance.
Présenté sans complexe comme un "roman colonial", « Pounah », qui semble être le premier de ces deux ouvrages, marque en effet un décalage déjà notable avec beaucoup de récits publiés jusque là sur l'Indochine. René Thomasset est d'abord et avant tout un romancier de moeurs qui nous offre une tranche de vie assez réaliste, avec ses drames humains et ses joies sincères, tout ce qui fait à ses yeux l'essence même de la vie.
Installés dans une jungle encore peu défrichée, Jacques et Françoise Lemarque sont des scientifiques et des minéralogistes financés par le Ministère des Colonies pour chercher des gisements aurifères pouvant déboucher sur une exploitation. D'une entente remarquable et d'une rigueur professionnelle irréprochable, les Lemarque mènent depuis quelques années cette mission grandement inutile, tant le sol est pauvre en minerais, tout en composant au mieux avec la population locale, qui les regarde émerveillée comme des magiciens. Françoise y est cependant très populaire, ayant une formation en médecine, et s'étant improvisée avec grand coeur médecin d'appoint pour le personnel domestique et leurs familles, lesquels forment une sorte de village scientifique construit autour de la concession de Ban Nam Kok, au coeur d'une jungle hostile, environnée de tigres, qui s'introduisent nuitamment dans la concession pour s'emparer d'animaux de traits, de bétail ou même de jeunes enfants.
Seuls à disposer d'armes à feu, Jacques et Françoise doivent régulièrement chasser le tigre en plus de la dangerosité de base de leur mission scientifique, et le plus souvent ensemble pour une meilleure efficacité. Mais un matin, trop confiant, Jacques Lemarque part seul en chasse, et revient grièvement blessé. Une femelle tigre ayant peur pour le jeune bébé qu'elle venait de mettre au monde est parvenue à entamer de ses griffes une artère vitale dans la cuisse de Jacques. le colon doit d'urgence être rapatrié à la ville voisine de Tchépone (Xépôn), ce qui demande un transport douloureux sur un brancard de fortune, embarqué sur une pirogue malmenée par une rivière tumultueuse, et ce pendant de nombreuses heures.
Jacques parvient à temps à l'hôpital, mais une hémorragie post-opératoire l'emporte tout de même pendant la nuit. Se retrouvant veuve à la tête d'une concession bien difficile à gérer pour une femme seule, bien que l'administration aimerait l'en dessaisir en douceur, Françoise va guérir son chagrin en demeurant à Ban Nam Kok, et en adoptant puis en domestiquant le bébé de la tigresse qui a tué son mari, et qu'elle baptise Pounah. Aidée de serviteurs fidèles et dévoués, dont un jeune garçon renégat des Viet-Minh qui va hélas attirer le malheur sur Ban Nam Kok, Françoise Lemarque, livrée à elle-même, passablement délaissée même par sa fille en pleines amourettes adolescentes avec la jeunesse dorée, va tout tenter pour continuer à faire vivre Ban Nam Kok jusqu'à ce que les Japonais envahissent le territoire et fassent basculer la fragile colonie dans la Seconde Guerre Mondiale…
Bien que le roman porte le nom de Pounah, le bébé tigre n'a en réalité ici qu'un rôle purement symbolique. Il incarne les bienfaits supposés de la civilisation occidentale sur un territoire où la nature est hostile à la vie en général. Si René Thomasset montre les populations locales avec un humanisme sincère, assurément chargé de tendresse et de respect, bien loin de certains autres auteurs condescendants, il donne de la colonisation une image un peu trop bienveillante, même s'il ne nie pas l'existence regrettable d'aventuriers véreux ou de quelques fonctionnaires puants. Mais assurément, il cautionne avec un bel esprit de corps la mission coloniale dans toute sa dimension civilisatrice, n'y reconnaissant comme adversité que l'âpreté d'une nature indomptée et la radicalisation politique du Viet-Minh.
Toutefois, on devine assez aisément que le but de l'auteur n'est pas de soutenir un mensonge historique ou une situation politique, mais de partager ce qu'il estime être une aventure humaine douloureuse mais d'une exceptionnelle chaleur. Car René Thomasset parle du Laos avec passion et érudition, avec une connaissance des langues, des usages, des particularités culturelles qui témoignent d'un véritable intérêt et d'une longue expérience. Pour lui, un bon colon français doit avant tout devenir laotien s'il vit au Laos, d'où la scène de début du roman où sont passablement tournés en ridicule un couple d'inspecteurs coloniaux, qui ne songent qu'à leur confort, et s'imaginent naïvement qu'un bon véhicule et une piste droite les amèneront à Ban Nam Kok sans la moindre suée.
Pour René Thomasset, civiliser le Laos, cela implique nécessairement de partager la boue des autochtones, et donc d'apprendre en retour de tous ces gens que l'on éduque, ou auxquels on fournit un travail améliorant leurs conditions d'existence, la nécessaire humilité fasse aux exigences de la nature et de la civilisation asiatique.
L'image est belle, elle est même noble, mais une fois encore, tout cela était sans doute un peu trop beau pour être vrai, même si la sincérité un peu naïve et utopique de l'auteur n'est pas à mon sens à mettre en doute. Ouvertement inspiré par Mark Twain et Louis Bromfield, René Thomasset signait avec ce premier roman un plaidoyer extrêmement touchant pour un héritage colonial cosmopolite et humaniste qui, même après les terribles évènements qui ont suivi, conserve encore aujourd'hui quelque chose de sage, de raisonnable et d'apaisé, ce qui rend la lecture de ce roman particulièrement sereine – pour peu évidemment qu'on ne se braque pas sur le sujet.
Enfin, cette oeuvre de fiction, à prendre comme un témoignage documenté mais certainement pas comme un documentaire, est aussi le produit d'une époque déterminée qui porte en elle la fin d'une guerre sanglante et l'inquiétude de l'avenir colonial, qui ne pouvait désormais plus se targuer d'être garant de la paix. Toutefois, à l'image de Françoise qui, consciente de la limite de ses forces, finit par revenir vivre en France, abandonnant Pounah dans un zoo tenu par un ami missionnaire, René Thomasset laisse entendre sans ambiguïté qu'il faudra savoir partir du Laos lorsque la France ne sera plus la bienvenue dans ce pays. Ironie du sort, « Pounah » est sorti des presses le 6 décembre 1946, un peu moins de deux semaines avant le début de la guerre d'Indochine…
À noter pour finir que ce roman est dédié à la comédienne Françoise Rosay, qui a peut-être servi de modèle pour le personnage principal.
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