Visiblement, le shérif est un brave type. Paresseux, veule, un peu simplet peut-être, mais vraiment très gentil, et qui semble encore amoureux de Myra, sa femme, bien qu'elle ne le traite pas toujours très bien. Pourtant, que deviendrait-elle sans lui ? Que deviendraient-ils, plutôt, elle et son frère, ce bellâtre crétin qui vit chez eux ? Sa femme est une mégère, mais il se console dans les bras de Rose, sa maîtresse maltraitée par son mari. Or s'il est extrêmement populaire auprès des dames de cette petite ville du Texas, ses concitoyens ne peuvent que constater qu'il ne fait pas grand-chose pour faire respecter la loi. Comme les élections approchent, Nick Corey craint qu'un autre ne lui souffle son boulot… et il ne sait rien faire d'autre, notre shérif ! Est-il si benêt que son apparente gentillesse le laisse supposer ? Il arrive un moment où le cave se rebiffe et les deux macs locaux vont en faire les frais en premier…
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Pottsville, 1280 habitants se déroule en 1917 dans une petite ville du Sud des États-Unis. L'histoire du frère de Myra qui vit sous le même toit que le couple m'a rappelé Coup de torchon. Après vérification, j'ai pu constater que le génial film de
Bertrand Tavernier est bien une transposition de ce roman. le shérif de
Jim Thompson change brutalement de personnalité et, aux défauts existants, s'ajoutent la cruauté et la violence. Pourtant,
jusqu'au meurtre d'Oncle John, je n'ai pas pu m'empêcher de trouver des excuses à Nick Corey : orphelin de mère, élevé par un père violent qui le battait, marié contre son gré, moqué par ses concitoyens, méprisé par collègues… et malgré tout ça, toujours disposé à rendre service. Il ne fallait pas s'y fier. Avec un humour très noir et pas mal de cynisme, l'écrivain dénonce les disfonctionnement de la société américaine : racisme, puritanisme, compromissions, corruption, mépris de classe, etc. La veulerie et l'hypocrisie du shérif se font jour dans un leitmotiv : « Je ne dirais pas que j'ai tort, mais je ne dirais pas que j'ai raison non plus » qui, selon les besoins de la cause, peut se transformer en « Je ne dirai pas que vous avez tort », etc. Les dialogues sont souvent savoureux et l'exceptionnelle grossièreté de Rose se révèle parfois revigorante. Je ne m'étendrai pas sur l'image des femmes véhiculée dans ce roman, sinon pour dire que les temps changent et que c'est tant mieux ! Toute honte bue : un bon moment de lecture et plusieurs éclats de rire…