Craig est un adolescent qui vit avec sa famille dans le Wisconsin. S'il est victime de brimades à l'école, il suscite les espoirs de son pasteur qui voudrait le voir entrer au séminaire. C'est durant une rencontre de jeunes chrétiens qu'il fait la connaissance de Raina, une jeune fille à l'apparence grunge mais qui, elle aussi, porte sa croix puisqu'elle doit supporter le divorce de ses parents tout en s'occupant d'un frère et d'une soeur qui souffrent de retards mentaux. C'est un amour aussi intense que fugace qui va unir les deux âmes, le temps de quelques mois. Ce récit autobiographique narre donc cette première rencontre de l'auteur avec le sentiment amoureux.
C'est avec une sensibilité précise et minutieuse que
Craig Thompson retrace les événements, majeurs et surtout mineurs, de cet amour adolescent. Les deux jeunes gens, assaillis dans leurs vies respectives par des événements douloureux, se libèrent dans cette relation nouvelle, et se découvrent à la fois mutuellement mais aussi eux-mêmes. Thompson sait à la perfection détailler les petits riens qui construisent, peu à peu, une histoire commune, et qui font que l'on s'attache à l'autre sans pour autant vivre des choses qui sembleraient grandioses. Toutefois, loin d'être centré uniquement sur ce feu qui brûle d'un coup les jeunes coeurs, Blankets est un récit dont la toile de fond est occupée par la description sans complaisance d'une Amérique du Midwest où règne la neige et surtout la foi protestante, omniprésente et omnipotente. Cette foi, qui s'affiche depuis le frigidaire jusqu'aux panneaux publicitaires, s'accompagne naturellement d'un grand nombre d'interdit, et notamment sexuels, ce qui permet la culpabilisation des jeunes esprits. Parallèlement, Thompson dénonce l'hypocrisie ambiance de cette Amérique pieuse, prêchant l'amour mais craignant l'Autre, l'ostracisant s'il est différent.
Ce récit est accompagné, ou plutôt illustré, d'un dessin tout en rondeur, en précision aussi, en noir et blanc - et surtout en blanc, à cause de l'éternelle neige - qui manque, à mon sens, d'une réelle autonomie. Roman graphique, Blankets l'est, mais l'accent est davantage mis sur le littéraire plutôt que sur le visuel, et c'est là, de façon définitive, un manque pour une bande-dessinée. Toutefois, lorsque le dessin devient autonome, et notamment dans l'évocation très réussies et particulièrement intéressantes des paysages du Wisconsin, il se fait poétique et réaliste à la fois.
Si le thème central du roman - le premier amour - pourra refroidir certains, il est à noter que
Craig Thompson réussit à ne pas tomber dans le piège de la mièvrerie. Loin de lasser, mais ayant peut être du mal à emporter complètement le lecteur, Blankets demeure un roman graphique très intéressant, intime et sensible et dont les presque 600 pages ne doivent pas impressionner le lecteur hésitant.