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4,14

sur 875 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Craig, petit garçon mal dans sa peau, a grandi dans une famille très catholique et pratiquante dans une ferme isolée du Winconsin. Très proche de son petit frère, Phil, avec qui il partage ses jours et ses nuits, il apprendra bien vite à se méfier des grandes personnes qui ne lui veulent pas que du bien. Très entouré malgré tout par ses parents, il connaîtra une adolescence difficile et aura du mal à se trouver une place. Garçon rêveur et solitaire, son seul refuge à l'époque est alors le dessin, occupation qui lui permet de s'évader de ce monde qu'il ne comprend pas et qui deviendra par la suite une véritable passion. On le suivra dans ses années de collège puis de lycée, son premier amour avec Raina, quelque peu ébranlé par l'éducation religieuse qu'il a reçue puis dans l'apprentissage de sa vie d'adulte...

Un véritable chef d'oeuvre que nous offre ici Craig Thompson !
Très émue et totalement conquise par cet album titanesque et grandiose, je me suis prise d'affection pour cette histoire autobiographique au graphisme impressionnant. le scénario est d'une force incroyable. Craig est un garçon aussi touchant qu'attachant et a su à merveille retranscrire son histoire à travers cet album. A la fois sensible, romantique et poignant, ce récit se dévore avec un plaisir certain.
Graphiquement, le dessin tout en noir et blanc est une pure merveille. D'une rare beauté, avec un trait très expressif, à la fond rond ou taillé au couteau, Craig ne s'est pas ménagé en nous proposant, avec ses presque 600 pages, un roman graphique étonnant et prodigieux.

Blankets, manteau de neige... Qu'il fut bon de s'y réfugier !
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Ma 1ère rencontre avec Craig Thompson avait été en demi-teinte. « Adieu chunky rice » était inabouti, plein de maladresses mais montrait aussi de belles qualités. J'étais donc ressortie de cette lecture avec l'envie de poursuivre ma découverte de l'auteur. C'est chose faite avec ce « Blankets, manteau de neige ». Au vu de la réputation de cette B.D et des qualités que j'avais perçues dans « Chunky rice », je m'attendais à apprécier ma lecture mais je ne m'attendais pas à être émerveillée à ce point.

« Blankets » est une magnifique histoire d'amour et pas n'importe quel amour puisque c'est le premier amour qu'évoque ici Thompson. Ceux qui ne sont pas revenus de tout en conviendront, le premier amour a une saveur particulière et laisse une trace indélébile dans le coeur. Il y a une forme de magie lorsqu'un être s'éveille à ce sentiment. Et cela, Thompson l'évoque de façon fine et sensible. Certes, le premier amour est ici idéalisé mais il faudrait être blasé de tout et tristement cynique pour en faire le reproche à l'auteur. de plus, si cet émoi adolescent est sublimé, le regard de Thompson n'est pas mièvre pour autant. Il fait juste le choix de s'attarder sur la beauté, la sensualité et la pureté de cette idylle de jeunesse. « Blankets » est d'une simplicité qui touche au sublime. Ici, pas de ressorts dramatiques ni tragiques pour emporter l'adhésion du lecteur. Il s'agit d'une histoire d'amour ordinaire, simple, normale. Malgré cela, ou peut-être grâce à cela, « Blankets » est extrêmement touchant et émouvant. Tout au long de ma lecture, j'avais à la fois le coeur serré et le sourire aux lèvres. A chaque page, j'avais envie de remercier Thompson de me procurer tant de douces émotions, un peu teintées de tristesse mais tellement jolies, tellement pures…

Les personnages sont magnifiquement caractérisés. Eux aussi sont quelque peu idéalisés mais ils sont vrais, avec leurs qualités et leurs faiblesses. Encore plus que de l'attachement, c'est de l'affection que l'on ressent envers eux. Craig et Raina, je les ai aimés. Et leur histoire est belle, éphémère mais sincère et magique. Je suis tombée amoureuse de leur amour.
Les personnages secondaires sont également très réussis, en premier lieu la famille de Raina dont chacun des membres est très touchant.

Le traitement graphique est à l'avenant. J'avais été séduite par le trait de Thompson sur « Chunky rice », il m'a encore plus convaincue avec « Blankets ». Sa maîtrise du noir et blanc est podigieuse. Il déploie une remarquable inventivité visuelle. le fond et la forme se marient parfaitement grâce à de nombreuses trouvailles visuelles fortes et poétiques sans jamais être prétentieuses ni exagérément démonstratives. Subtilité et délicatesse sont les maîtres mots.

C'est beau, c'est pur, c'est bouleversant avec presque rien. Cette B.D devrait toucher le coeur de quiconque a un jour aimé. « Blankets » est un bijou, un trésor d'émotion.

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Enfin un ouvrage qui va me réconcilier avec la BD. Il est vrai que ces derniers temps, je n'avais pas eu de chance mais là, chapeau !
Ce pavé de 582 pages m'a littéralement passionné, l'autobiographie de l'auteur certainement mêlant souvenirs d'enfance dans le Wisconsin avec quelques passages oniriques, une vie ordinaire dans une famille ultra catholique, Craig s'est toujours senti différent depuis l'école primaire. A l'adolescence, il va rencontrer Raina et vivre avec elle son premier amour. Une belle histoire, toute simple mais traitée avec une grande sensibilité, avec poésie. Craig est un rêveur qui essaie de se libérer des carcans de son éducation religieuse pour vivre sa vie et trouver sa voie. On y aborde les liens fraternels, les premiers émois amoureux, la difficulté à se faire une place dans un groupe, les liens familiaux, le handicap, le poids de l'éducation et de la religion, l'amour...
La neige, les paysages enneigés, la nature en hiver sont omniprésents dans le récit et donnent à l'ensemble une touche poétique. le graphisme, la mise en page sont le signe d'une grande maîtrise de son art. Absolument subjugué par la qualité du dessin et la manière de faire passer les émotions en quelques coups de crayon, par le travail que cela a dû demander à l'auteur.
Merci à mon petit frère pour ce choix et ce prêt judicieux.

Challenge Multi-Défis 2022.
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Au départ sélectionné pour le proposer à mes élèves de troisième en choix de lectures à la maison – l'autobiographie et le témoignage étant un gros morceau du programme de français de ce niveau -, et ce à la suite des avis de collègues glanés par ci par là, Blankets a été ma belle surprise estivale en termes de romans graphiques et BD, que j'ai lus ou relus en quantité astronomique dans le cadre de mes recherches professorales.

Pourquoi cette belle surprise ? Car ce qui pourrait être l'histoire banale d'un adolescent, Craig, en attente d'une place, comme nombre d'adolescents, dans le monde plus qu'imparfait qui lui est proposé au fin fond de son Wisconsin natal rétrograde, brutal, et éminemment religieux, est ici magnifié avec beaucoup de délicatesse, autant par le récit qui en est fait, que par le graphisme qui met parfaitement ce récit en lumière.

Ce roman graphique, c'est le récit d'une quête initiatique paradoxale, parce que douce-amère, qui nous est racontée par bribes, notamment par l'intermédiaire de flashbacks renvoyant à l'enfance de Craig, et qui permettent de comprendre les raisons de cette quête : enfance loin d'être toujours facile, parfois traumatique, mais heureusement vécue à deux avec un frère de quelques années plus jeune, permettant une forme de complicité qui rend l'adversité plus facile à affronter. Enfance faite de brimades, d'humiliations, de moqueries, de violences de divers types, qui cherche un échappatoire dans la nature et le dessin, activité salutaire qui ne fera que rendre encore plus palpable le sentiment de solitude et d'exclusion d'un jeune garçon qui ne parvient pas à se trouver au milieu du monde qui l'entoure – puisque le dessin est considéré comme dangereux et non compatible avec le religion -. Et cette quête, c'est bien sûr l'amour qui va lui donner toutes ses lettres de noblesse en la rencontre de Raina dans un camp de vacances catholique, douce ironie que cette rencontre qui va finalement faire prendre conscience au jeune homme que la foi ne se trouve pas là où il le croyait depuis sa plus tendre enfance. Amour-passion tour à tour exaltant, douloureux, dans tous les cas d'une telle force que le plus à même de permettre à Craig de devenir enfin lui-même.

Ce récit, à la fois touchant, perturbant, et parfois même choquant dans ses non-dits que l'on ne devine que trop bien, est qui plus est servi par un graphisme tout aussi paradoxal, mêlant habilement réalisme et exagérations cartoonesques, scènes tout en poésie et en imagination, ou au contraire montrées dans toute leur cruauté, sans fioritures, pour mieux rendre compte de toute la sincérité et la sensibilité qu'il dégage, mettant à nu son auteur dans toute sa fragilité et son humanité.

L'ensemble donne un roman graphique particulièrement réussi, que j'ai lu d'une traite, et que je conseillerai volontiers à certains de mes élèves, en ce qu'il pourrait mettre des mots sur certains de leurs propres maux, doutes et questionnements, finalement.
Lien : https://lartetletreblog.com/..
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Un des premiers romans graphiques que j'ai lu il y a une dizaine d'années fut le magnifique Blankets (paru chez Casterman) de Craig Thompson, un éblouissant roman graphique aussi bien dans l'histoire racontée (un récit initatique et romance foudroyante) que dans la force et la beauté des dessins.

Craig Thompson lui même a beaucoup défendu un autre roman graphique sorti récemment, Cet "Eté là", paru aux éditions rue de sèvres, avec notamment une pluie d'éloges de sa part au verso de la BD, et forcément cette référence m'a donné envie de découvrir ce roman graphique, presque aussi volumineux que Blankets (presque 400 pages).
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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- Merveilleuse BD pavé !

Album autobiographique de Craig Thompson : une enfance difficile, de tête de turc à l'école, de gamin isolé, lunaire, qui se réfugie dans le dessin. Des parents complices et aimants (mais quid du père vis à vis du frère ?), une éducation cependant dominée par la religion, sa main-mise terrifiante sur ces jeunes âmes, le spectre de la punition divine.
LA rencontre à dix-huit ans avec la douce et jolie Raina, le premier grand amour.

Cette BD est d'une beauté et d'une grâce époustouflantes à tous points de vue : le graphisme très fin, les individus rencontrés, les réflexions et émotions diverses suscitées par les nombreuses thématiques - amour, handicap, divorce, choix professionnel à l'aube de l'âge adulte, sexualité confrontée aux préceptes de la religion, etc.

Je ne vais pas attendre longtemps pour découvrir 'Habibi', du même auteur...
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Cette bande dessinée en noir et blanc est vraisemblablement autobiographique et son trait m'a fait penser à « L'ascension du haut Mal » de David B. La façon de dessiner les personnages mais surtout leurs rêves et pensées.
Le personnage principal, Craig, évoque des souvenirs d'enfance et d'adolescence qui entremêlent les différentes périodes de sa vie. On y découvre sa famille : un père sévère, une mère très pieuse, un petit frère complice mais parfois agaçant... Et puis, lors d'un séjour de ski organisé dans le cadre de la paroisse, Craig va rencontrer Raina et c'est le coup de foudre. Nous allons suivre l'évolution de leur relation...
J'ai adoré la façon très sensible dont l'auteur a traduit cette histoire d'amour, les sentiments qu'il arrive à faire passer dans les regards, les attitudes des personnages et puis j'ai trouvé le héros très attachant dans sa quête de vérité, sa probité, son oscillation entre le dessin et la foi. le tout est servi par un graphisme qui me plaît énormément, plus expressionniste que réaliste et qui laisse place à l'imaginaire.

Lien : http://toutzazimuth.eklablog..
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Blankets est un des livres que j'ai le plus offert autour de moi ces dernières années. C'est un signe de l'intérêt profond que je porte à ce merveilleux roman graphique.

C'est aussi un témoignage de la magie de ce livre : il délivre un formidable message de générosité qui, je l'espère, continuera à diffuser autour de moi grâce aux cadeaux que j'aurais pu faire.

Craig Thompson est un auteur miraculé : jamais son éducation n'aurait dû lui permettre d'aboutir à ce qu'il est aujourd'hui, c'est à dire un auteur reconnu dans le monde entier grâce, notamment, à ces 600 planches.

Élevé dans une famille de chrétiens fondamentalistes où l'accès lui-même à la lecture en dehors de la bible était une forme d'hérésie, il a pourtant su sortir de son milieu culturel et conjurer, en quelque sorte, au travers de cette autobiographie (le héros EST l'auteur, physiquement et moralement) qui a représenté pour lui quatre longues années d'effort et de thérapie, les peurs et tabous de son enfance.

Lire la suite de ma critique sur le site le Tourne Page
Lien : http://www.letournepage.com/..
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Il s'agit d'un récit complet indépendant de tout autre, écrit et dessiné par Craig Thompson, en noir & blanc. Thompson a commencé à y travailler en 1999, et "Blankets" est initialement paru en 2003.

"Blankets" est un récit autobiographique qui commence par des souvenirs d'enfance, alors que Craig partageait son lit avec Phil, son petit frère. Les 2 frères se disputent une fois couchés, leur père intervient, et c'est Phil qui termine dans la soupente, avec un mauvais matelas et pas de lumière. le souvenir suivant décrit comment Craig était la proie des moqueries et des costauds de sa classe qui s'en prenaient à lui de constitution moins musclée. Vient ensuite une scène où sa professeure le réprimande pour son imagination fertile et scatologique. Au fil des pages, le lecteur découvre le milieu dans lequel Craig grandit : des parents chrétiens très pratiquants (baptistes), sa lecture quotidienne de la Bible, une maison mal isolée (du point de vue thermique) dans le Wisconsin (trop chaude l'été, trop froide l'hiver), ses séances de dessin avec son frère, etc. Plus tard (vers 16 ou 17 ans), à l'occasion d'une classe de neige paroissiale, il croise Raina en qui il reconnaît une âme soeur. À l'occasion de quelques de jours de vacances (et de quelques jours de classe manqués), il part séjourner 2 semaines chez Raina, avec l'accord de chacun de leurs parents.

Bof ! Encore un récit autobiographique d'adolescent mal dans sa peau. Qu'est-ce qui peut bien m'intéresser là dedans, passé 40 ans ? Ce n'est qu'à force de lire des critiques dithyrambiques (merci Bruce Tringale) que j'ai fini par céder à la curiosité. Il y a beaucoup de choses intéressantes là dedans (religion, premier amour, souvenirs d'enfance) et une incroyable sensibilité dont la justesse et la délicatesse sont rendues par l'alliance des mots, de la mise en scène et des images.

Craig Thompson a été élevé dans la foi baptiste (confession chrétienne, issue de la réforme protestante, et très attachée aux Écritures). La sensibilité de Thompson s'exprime dans la manière dont il décrit son éloignement de cette religion. Il ne dénonce pas à gros traits, il ne ridiculise pas les tenants de cette foi, il ne se moque pas des fidèles de sa congrégation. Cela n'a rien d'une rébellion adolescente destructrice et rageuse. Bien au contraire, Thompson reconnaît et accepte l'éducation qu'il a reçue comme étant une partie de lui-même qui lui a permis de grandir et de se développer. Il ne renie pas son enfance, il ne méprise pas la religion ou ses pratiquants. Il fait le constat que malgré ses efforts pour l'entretenir sa foi s'est éteinte. Il cite à quelques reprises le Livre de l'Ecclésiaste (Bible hébraïque) comme source d'inspiration, comme approche de la vie. Il montre comment la foi de ses parents a posé des interdits dans sa vie, ce qui lui a permis de se construire en tant qu'individu, de disposer de repères moraux, d'appréhender ses rapports avec autrui dans un souci de respect de la personne. Alors que Thompson s'éloigne de cette église et de la foi de ses parents, il montre comment ces enseignements ont fait de lui un individu à part entière, plus à même d'être à l'écoute des autres, de leurs différences, un homme tolérant et intègre, tout en restant modeste. Ayant vu sa foi mourir, il continue de décrire les membres de la congrégation comme des individus normaux, mais avec un système de valeurs auquel il n'adhère plus (il a été l'un d'eux et n'en éprouve aucune honte, ou regret). Ce respect pour les individus qui ont contribué à son éducation se retrouve aussi bien dans le regard pour ses parents qu'il ne souhaite pas peiner en avouant son athéisme, ou même pour le pasteur dont les intentions sont transparentes (convaincre Craig de devenir pasteur). le même respect se retrouve dans la manière de dessiner les pratiques religieuses, ou les objets de cultes : il n'y a nulle moquerie, nulle condescendance, juste une représentation respectueuse en toute connaissance de cause de ce que représentent ces éléments pour un croyant.

Craig Thompson est donc un monsieur capable de parler de son éducation religieuse (ou plutôt de la manière dont elle lui a permis de se construire), sans moquerie, ni ironie, ni acrimonie, tout en ne partageant plus cette foi. Il se montre capable du même tour de force en évoquant son premier amour. Dans une narration fluide et naturelle, il évoque l'émotion née de la rencontre avec une personne partageant la même sensibilité que lui, de l'élan d'un amour platonique, de la honte à ressentir un désir purement physique pour cette jeune femme en qui il voit une personne ayant une vision de son environnement similaire à la sienne. Alors que le lecteur est bien conscient qu'il s'agit d'une bande dessinée, d'une histoire reconstruite et arrangée, Craig Thompson sait lui faire croire que les choses se sont passées ainsi, sans bulles de pensée, avec un commentaire réduit au minimum. Alors que le graphisme semble au départ un peu grossier (parfois 2 points pour les yeux, un trait pour le nez et un autre pour la bouche), Thompson sait capturer les expressions des visages, en les intensifiant juste ce qu'il faut pour faire passer l'émotion ou l'état d'esprit du personnage. Mais il sait aussi exécuter des dessins plus réalistes en fonction de ce qu'exige la séquence. Il utilise également le langage corporel des personnages avec une sensibilité extraordinaire. Alors que Craig séjourne chez les parents de Raina, celle-ci lui demande de bien vouloir dormir avec lui (en tout bien, tout honneur). En une image, Thompson se dépeint les bras ramené vers le torse, le regard perdu dans le vague, et une bouche faisant la moue, transcrivant sa gêne à l'idée que le désir physique (érection incontrôlable) puisse avoir raison de ce moment d'intimité qu'il souhaite chaste. 3 pages plus loin, il se remémore les mouvements de Raina allongée, dans son tee-shirt long, lui servant de chemise de nuit. Craig évoque avec émotion ces mouvements qu'il a pu observer, qui attestent d'une proxémie relevant de la sphère intime. Il s'agit de pages exsudant une sensualité chaste et pourtant intense, traduisant à merveille l'état d'esprit de Craig. Avec la même maestria, mais dans un autre registre, il utilise l'exagération à plein pour transcrire l'intensité du moment présent pour les enfants (l'incroyable scène de pipi au lit, aussi innocente que crédible). Les gestes sont exagérés, les mouvements aussi, pour transcrire la sensation que peuvent en avoir des enfants de cet âge.

Non seulement Craig Thompson sait faire revivre au lecteur ses premiers émois amoureux, l'envie d'une relation pure sans être souillée par le désir physique, l'incroyable intensité qui accompagne une première, la découverte de l'intimité d'un être aimé, mais il est tout aussi à l'aise pour réveiller chez le lecteur ses sensations d'enfant. À coté de Craig et Phil, le lecteur retrouve la sensation du merveilleux propre à cet âge, la terreur lié à l'arbitraire et l'autorité en force des parents (du père surtout), la force de l'imagination, la capacité à s'absorber tout entier dans une activité, oublieux de tout environnement. Il ne s'agit pas de retrouver son âme d'enfant, mais d'éprouver les sensations d'un enfant par la magie de dessins qui transcrivent le ressenti, l'état d'esprit, la vie intérieure, l'enthousiasme sans retenu et sans calcul, le besoin de cadrage et de repères parentaux, etc. Même dans cette partie a priori sans surprise, Craig Thompson excelle à plonger le lecteur dans la peau des personnages, l'un des exercices les plus difficiles lorsqu'il s'agit d'enfant de moins de 10 ans. Il est même possible de retrouver la même justesse, et la même conviction atteinte par Bill Watterson dans Calvin et Hobbes.

Les qualités de "Blankets" ne s'arrêtent pas là. Craig Thompson nous parle de certains aspects de la condition humaine qui dépassent sa simple expérience personnelle, dans ce qu'elle peut avoir de plus subtile et d'ineffable. Il sait également manier la métaphore, aussi bien textuelle que visuelle. C'est ainsi que les couvertures qui donnent leur titre à cette bande dessinée (Blankets en anglais), commencent par être des couvertures telles que celles du lit que partagent Craig et Phil, ou celle que lui offre Raina, mais aussi la couverture de neige qui recouvre les environs. Au fil des séquences, Thompson sous-entend que plusieurs personnages utilisent d'autres types de couvertures, comme par exemple la religion qui tient chaud à l'âme et qui la protège. Cette métaphore établit un lien qui fait apparaître des parallèles entres les 3 principales thématiques (enfance, premier amour et relation à la religion), mettant en évidence la construction sophistiquée du récit, le réagencement intelligent des souvenirs. Vers la fin du volume, il évoque l'allégorie de la caverne (livre VII de la République de Platon) avec une certaine adresse, pour imager les évolutions survenues dans sa façon d'interpréter son environnement (aussi bien pour ses convictions religieuses que pour sa relation affective avec Raina. Mais en fait, il n'a pas besoin de s'appuyer sur ce classique pour se faire comprendre du lecteur. Il utilise les textes bibliques (loin d'être envahissants, au contraire choisis avec parcimonie) aussi bien dans leur signification, que comme éléments visuels évoquant leur influence sur lui (sans avoir recours à la culpabilité). de la même manière il se sert des différents sens du mot "dégel" (en anglais "thaw") pour indiquer les changements qui s'opèrent en lui.

Au fil des pages de "Blankets", le lecteur découvre une oeuvre qui n'a rien à envier aux romans les plus ambitieux, qui évoque la condition humaine avec sensibilité et nuances, qui ose parler de valeurs morales sans être moralisatrices, qui illustre magnifiquement le droit à la différence et le respect de la personne humaine, avec une légèreté et une finesse aussi élégante qu'étonnante. Craig Thompson s'avère un auteur affirmé capable d'utiliser avec adresse les spécificités de la bande dessinée pour parler de sa vie sans pathos larmoyant ou nombrilisme exaspérant, sans culpabilisation (en évitant de jouer sur les sentiments négatifs), en faisant apparaître des facettes de la condition humaine, au travers de sa propre expérience. Indispensable.
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Craig THOMPSON nous offre ici une autobiographie sincère et émouvante.
Nous arrivons dans une maison dont nous ne visualisons que la chambre à coucher de Craig et de Phil, son frère. le reste de la maison ne nous est pas accessible et les rares apparitions de son père, pour les sermons du soir, se soldent souvent en punition dans le cagibi, lieu clos et poussiéreux ou l'enfant revêche y passera la nuit... ce qui ne nous donne pas réellement envie de découvrir plus en détails le reste de l'habitation.
Excepté le jardin et ses espaces boisés qui l'entourent... lieu d'évasion, lieu où l'imagination galopante de Craig peut s'exprimer. On s'y évade.
Car à l'école aussi, Craig est l'objet de brimades. Il est le bouc émissaire de ses paires écoliers. L'école est un lieu d'échecs.
Lien : http://chezmo.wordpress.com/..
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