Citations sur Journal de L. (1947-1952) (94)
Une partie du passé meurt avec les gens qu'on aime. Celle qu'on n'a pas éclairée, questionnée.
Une partie du passé meurt avec les gens qu'on aime. Celle qu'on n'a pas éclairée, questionnée.
Je n’avais pas prononcé un seul mot, pas émis un seul son. La peur de réveiller les gens des chambres à côté, la peur de trahir cette chose secrète qui venait d’arriver. Une chose muette dont on ne devait pas parler, je le savais.
Pour l'instant il ne parle pas. Il ferme les yeux, sourit doucement, de son sourire d'ange heureux quand je lui dis je t'aime.
J'espère qu'il ne peut pas voir dans mon rêve.
C’est un long après-midi, les minutes sont des heures. Dehors, le soleil brûle, dévaste tout, mais il pénètre doucement dans sa chambre à travers les persiennes closes, comme s’il savait que se passait là quelque chose d’intime et de profond
Oh, je ne sais plus quoi penser, ni si je dois en penser quelque chose ou me laisser conduire où il veut ! C’est toujours un mauvais moment à passer, non ? Mais étrangement, je n’y pense jamais avant qu’il n’arrive, à ce moment-là… Jamais. Avant et après, il est le gentil Hum qui prend soin de moi et qui me fait rire.
p.77-8.
En rentrant par Anchorage Street, il y avait un de ces gosses qui marchait sur le bord du trottoir en faisant des grands pas pour éviter les rainures entre les dalles, comme font les enfants. Il chantait : « Si un cœur attrape un cœur qui vient à travers les seigles... » Jusqu'à ce que sa mère ou sa nourrice se retourne pour le tirer salement par l'épaule de son petit costume en criant : « Holden ! Ça suffit, arrêt de lambiner ! » Il en a perdu sa casquette et elle l'a aussi disputé à cause de ça.
Il ne faisait que chanter et moi, ça me faisait du bien de l'entendre et ça faisait du bien à l'univers entier. J'aurais voulu la tuer, puis lui dire que dans la vie, on a le droit de lambiner. Si on ne le fait pas à cet âge-là, on le fait quand ? Après, tout s'accélère je suppose, on a des tas de choses absurdes. Vite se lever, se laver, s'habiller, vite prendre le train, travailler, déjeuner, travailler encore, et puis vite rentrer, faire les courses, le dîner, manger, se coucher et vite ça recommence. Plus le temps de rien, plus le temps de chanter en évitant les rainures entre les dalles d'un trottoir.
À force de s'entendre dire quelque chose, on finit par y croire et s'y conformer.
Je regarde le ciel tendu d'étoiles, glacé et indifférent. Je voudrais que, pour moi au moins, la vie ait du sens.