Toutes les sciences ont eu d'humbles commencements, et se réduisaient d'abord à un petit nombre de notions, d'expériences, de conjectures, de raisonnements qui nous étonnent aujourd'hui par leur simplicité et leur insuffisance. Mais tout imparfaites qu'étaient ces connaissances, elles étaient hors de la portée du plus grand nombre ; elles donnaient donc à ceux qui les possédaient une incontestable supériorité sur la multitude, tout entière aux occupations et aux soins de la vie matérielle. Cette autorité et cette influence que la foule accordait aux savants privilégiés, donnèrent bientôt à ceux-ci la tentation d'en abuser, en exagérant leur science et leur pouvoir sur les éléments.
Si l'homme est si facile à tromper, c'est qu'avant tout la vérité l'attire et le charme. Il suffît de lui en offrir les apparences pour qu'il s'y prenne et s'y attache. Qu'on se présente au vulgaire avec un appareil singulier, un cortège de disciples ou de sectateurs, des paroles vides et sonores, un air d'autorité qui en impose; qu'un peu de mystère entoure votre personne, votre genre de vie, voire doctrine, et aussitôt vous avez des admirateurs et des dupes.
Il y a douze ou quinze ans, on ne parlait dans le monde civilisé que de tables tournantes et d'esprit frappeurs. La vieille science de la nature, qui ne marche qu'à pas comptés et lents, était dédaignée; cette échappée inattendue sur le monde invisible enlevait tous les coeurs, et promettait des merveilles aux plus ignorants. Et tout à coup, les tables ont cessé de tourner, les esprits de frapper, et l'on se demande s'il n'est rien resté de cet étrange mouvement qui emportait toutes les âmes vers l'invisible et l'inconnu.
Ces sciences se sont-elles donné elles-mêmes le nom à occultes, ou l'ont-elles reçu? Je l'ignore. Ce qu'il y a d'évident, c'est qu'elles redoutent le grand jour et l'examen, comme nous le verrons, et qu'on ne peut expliquer leur existence ténébreuse ni par la modestie du mérite, ni par la fausse honte de la timidité, ni par la nécessité du recueillement.