Citations sur De la démocratie en Amérique (40)
Animé par la chaleur de la lutte, poussé au-delà des limites naturelles de son opinion par les opinions et les excès de ses adversaires, chacun perd de vue l'objet même de ses poursuites et tient un langage qui répond mal à ses vrais sentiments et à ses instincts secrets.
Dans les pays démocratiques, la science de l'association est la science mère ; le progrès de toutes les autres dépend des progrès de celle-là. Parmi les lois qui régissent les sociétés humaines, il y en a une qui semble plus précise et plus claire que toutes les autres. Pour que les hommes restent civilisés ou le deviennent, il faut que parmi eux l'art de s'associer se développe et se perfectionne dans le même rapport que l'égalité des conditions s'accroît.
Les monarchies absolues avaient déshonoré le despotisme; prenons garde que les républiques démocratiques ne le réhabilitent et qu'en le rendant plus lourd, elles ne lui ôtent, aux yeux du plus grand nombre, son aspect odieux et son caractère avilissant.
Ne dirait-on pas, a voir ce qui se passe dans le monde, que l'Européen est aux hommes des autres races ce que l'homme lui-même est aux animaux ? Il les fait servir à son usage, et quand il ne peut les plier, il les détruit.
Celui qui a enfermé son coeur dans la seule recherche des biens de ce monde est toujours pressé, car il n'a qu'un temps limité pour les trouver, s'en emparer et en jouir. Le souvenir de la brièveté de la vie l'aiguillonne sans cesse. Indépendamment des biens qu'il possède, il en imagine à chaque instant mille autres que la mort l'empêchera de goûter, s'il ne se hâte. Cette pensée le remplit de trouble, de craintes et de regrets, et maintient son âme dans une sorte de trépidation incessante qui le porte à changer à tout moment de desseins et de lieu.
Si de longues observations et des méditations sincères amenaient les hommes de nos jours à reconnaître que le développement graduel et progressif de l’égalité est à la fois le passé et l’avenir de leur histoire, cette seule découverte donnerait à ce développement le caractère sacré de la volonté du souverain maître. Vouloir arrêter la démocratie paraîtrait alors lutter contre Dieu même, et il ne resterait aux nations qu’à s’accommoder à l’état social que leur impose la Providence.
Les peuples veulent l'égalité dans la liberté et lorsqu'ils ne peuvent l'obtenir ils la veulent encore dans l'esclavage
Ce n'est point l'usage du pouvoir ou l'habitude de l'obéissance qui déprave les hommes, c'est l'usage d'une puissance qu'ils considèrent comme illégitime, et l'obéissance à un pouvoir qu'ils considèrent comme usurpé et comme oppresseur.
La division des fortunes a diminué la distance qui séparait le pauvre du riche ; mais en se rapprochant, ils semblent avoir trouvé des raisons nouvelles de se haïr, et jetant l’un sur l’autre des regards pleins de terreur et d’envie, ils se repoussent mutuellement du pouvoir ; pour l’un comme pour l’autre, l’idée des droits n’existe point, et la force leur apparaît, à tous les deux, comme la seule raison du présent, et l’unique garantie de l’avenir.
Il y a en effet une passion mâle et légitime pour l'égalité qui excite les hommes à vouloir être tous forts et estimés. Cette passion tend à élever les petits au rang des grands ; mais il se rencontre aussi dans le coeur humain un goût dépravé pour l'égalité, qui porte les faibles à vouloir attirer les forts à leur niveau, et qui réduit les hommes à préférer l'égalité dans la servitude à l'inégalité dans la liberté.