Les massacres commis au nom de la démocratie ne sont pas plus doux à vivre que ceux causés par la fidélité à Dieu ou à Allah, au Guide ou au Parti. p.96
Comme la démocratie, le totalitarisme se réclame de la pensée rationnelle et de la science. La démocratie ne se confond ni avec le colonialisme ni avec le communisme, et pourtant tous trois sont souvent animés par un esprit messianique. p.238
Pas plus que les autres hommes, les dirigeants politiques des pays démocratiques ne sont insensibles à l'attraction de l'argent ; mais aujourd'hui, rassurés par l'idéologie ultralibérale, ils se mettent encore plus volontiers au service des puissances d'argent, comme en témoignent diverses péripéties bien connues (en France, différentes réformes fiscales, l'affaire Woerth-Bettencourt, etc.). Le résultat cette fois est, d'un côté, la constitution d'oligarchies politico-économiques, et, de l'autre, la mise à l'écart des perdants, véritables déchets du système, condamnés à la fois à la pauvreté et au mépris :ils sont la cause de leur malheur et pour les secourir, l'on ne doit en appeler ni à l'Etat ni à la solidarité collective. Le culte des surhommes convient bien à la logique ultralibérale. p.124
Le mot "liberté" était, bien entendu, licite et même valorisé, mais, comme les autres ingrédients de la propagande officielle, il servait à dissimuler- ou à combler- une absence : à défaut de la chose, on avait le mot.
La parenté secrète entre communisme et néolibéralisme permet de mieux comprendre l'impressionnante facilité avec laquelle, au lendemain de la chute du Mur, la nouvelle idéologie s'est mise à la place de l'ancienne dans les pays d'Europe de l'Est. L’intérêt collectif y était frappé de suspicion: pour cacher ses turpitudes, le régime précédent l'avait invoqué si souvent que plus personne de le prenait au sérieux, on n'y voyait qu'un masque hypocrite. Si le seul moteur du comportement est de toute façon la recherche du profit et la soif de pouvoir, si le combat impitoyable pour la survie du plus apte est la vraie (dure) loi de l'existence, autant cesser de faire semblant et assumer ouvertement la 'loi de la jungle'. Les anciens apparatchiks communistes ont donc pu revêtir rapidement les habits de l’ultralibéralisme.
Comme l'écrivait Charles Péguy au début du XXe siècle : "Il y a dans la Déclaration des droits de l'homme de quoi faire la guerre à tout le monde pendant la durée de tout le monde" ! p.68
J'ai vécu sous ce régime [la Bulgarie communiste] pendant vingt ans. Ce qui s'est gravé le plus profondément dans ma mémoire ne sont pas les mille et un inconvénients de la vie quotidienne, ni même la surveillance constante et le manque de liberté. J'en ai gardé, plus que tout, la conscience aigüe de ce paradoxe : tout ce mal était accompli au nom du bien, était justifié par un but présenté comme sublime. p.63
Contrairement à ce que pensaient nos ancêtres au xviii° siècle et au XIX° siècle, nous avons acquis la conviction que, tout autant qu'une pourvoyeuse d'espoir, la science peut être une source de risques pour notre survie.
L'individu ne doit pas imposer sa volonté à la communauté, celle ci ne doit pas s'immiscer dans les affaires privées de ses citoyens.
La relation qui s'établit entre les deux formes d'autonomie, souveraineté du peuple et liberté de la personne, est celle d'une limitation mutuelle.