Citations sur Buru quartet, tome 1 : Le monde des hommes (17)
La peinture, c'est de littérature en couleurs. La littérature, c'est de la peinture en mots.
La pitié est le lot des gens bien intentionnés incapables d'agir. Ce n'est qu'un luxe ou une faiblesse. Celui qui mérite l'admiration, c'est l'individu qui sait passer de l'intention à la pratique.
p 76
La vie peut tout apporter à qui s'ouvre avec curiosité à la connaissance.
p 96
… la fille ne savait jamais à l’avance si son futur mari était un homme jeune ou un vieillard qu’on n’avait pas jugé bon de lui faire rencontrer auparavant. Une fois mariée, il lui fallait servir cet inconnu, se consacrer à lui corps et âme sa vie durant, à moins que, lassé d’elle, il ne la répudie. Il n’existait aucune autre option. Criminel, ivrogne ou joueur, elle ne pouvait découvrir qui il était avant de l’avoir épousé. Bienheureuse celle dont le prétendant retenu par le père était un homme bon.
(Zulma, p.113)
Comme la vie est belle quand on n'est pas obligé de s'humilier devant autrui.
p 33
Mourir sans avoir donné sens à sa vie, c'était avoir vécu en vain. Mon esprit et mon corps étaient le seul fondement que je possédais où ancrer ma vie.
p 264
- En fait, c'est la même chose dans toutes les colonies, d'Asie, d'Afrique, d'Amérique, d'Australie. Tout ce qui n'est pas européen, et plus précisément ce qui ne participe pas du système colonial, est pietiné, raillé, rabaissé pour faire étalage de la suprématie de l'Europe coloniale dans tous les domaines - y compris, ce faisant, de sa propre ignorance ! N'oubliez pas, Minke, ceux qui sont venus les premiers aux Indes étaient des aventuriers et des individus dont l'Europe ne voulait plus. Ici, ils sont plus à l'aise pour jouer les Européens. Une bande de canailles.
p 392
Ne sous estime pas la complexité d'un être humain qui te paraîtrait simple.
Si bienveillant qu'il puisse être envers nous, un Européen reculera devant le risque qu'il courrait à contredire la loi européenne, sa loi, surtout s'il s'agit de défendre les intérêts des indigènes. Pour nous il n'y a pas de honte à perdre, le cas échéant, et nous devons nous rappeler pourquoi. Aucun indigène, nak, nyo, ne peut engager un avocat, même s'il a de l'argent, d'abord parce qu'il n'ose pas et, plus foncièrement, parce qu'il n'a pas appris à le faire. Toute sa vie, il subit ce que nous subissons aujourd'hui. Il n'a pas plus de voix que les galets des rivières et que les montagnes, même quand on le réduit en je ne sais quelle bouillie. Quel tumulte, si tous les indigènes s'exprimaient comme nous allons le faire! Ce serait un vacarme à faire tomber le ciel sur terre.
On m'appelle Minke.
Mon vrai nom ... pour l'instant, je préfère ne pas le mentionner. Ce n'est pas que j'aie la manie des cachotteries. J'y ai réfléchi : il n'est pas encore temps de dévoiler qui je suis.
A l'époque où j'ai commencé à prendre ces notes, j'étais triste : elle m'avait quitté, et personne n'aurait pur dire si c'était pour un moment ou pour toujours. Je ne savais pas comment les choses allaient tourner. Mystère. L'avenir ne cesse de nous tourmenter, de nous torturer ! Le moment venu, chacun le rejoint - bon gré, mal gré, corps et âme - et trop souvent il se révèle un fieffé despote. Je finirais par accéder, moi aussi, à ce qu'il me réserve. Qu'il soit un dieu bienveillant ou cruel, c'est mon affaire, bien sûr : les hommes n'applaudissent trop souvent que d'une main.
Treize ans plus tard, j'ai relu ces notes et les ai reprises. Je leur ai associé des rêves, des idées. Elles ont bien entendu pris une forme différente de l'original, mais je n'aurais su faire les choses à moitié. Voici donc ce qu'elles sont devenues.